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Pillage impérialiste

Argentine. Mobilisation massive face au congrès qui s’avance vers un pacte de soumission avec le FMI

A l'heure de l'écriture de cet article nous sommes encore dans l'attente du vote officiel par les députés de l'accord pacté entre le gouvernement et le FMI. Voici quelques rappels sur un accord colonial et anti populaire mené par le gouvernement Alberto Fernandez avec le FMI. Ce jeudi une mobilisation massive appelée par le Front de Gauche – Unité et rejoint par près 200 organisations politiques fait face au Congrès, en plein vote pour ce nouvel accord annoncé en février dernier.

Julien Anchaing

10 mars 2022

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Le pacte du FMI hypothèque le futur des classes populaires

Nous avions déjà commenté la potentielle signature d’un nouvel accord avec le FMI au sein du Congrès annoncée par le gouvernement d’Alberto Fernandez. Avec cet accord, l’Argentine est sur le point de signer son 23ème accord historique avec l’institution financière et fait un pas de plus dans sa décadence économique au profit de ses créanciers, à commencer par les Etats-Unis (principal partenaire financier du FMI). Un long chemin vers la précarisation de la vie des Argentins mais aussi vers la privatisation croissante des grandes ressources du pays, comme l’avait déjà montré la tentative des accords méga-miniers de Chubut déboutés par la résistance des travailleurs et des communautés de peuples originaires locaux.

Un accord colonial qui continuera à accélérer la fuite de capitaux du pays. Et ce notamment à travers le paiement des dettes privées qui enchaînent historiquement le pays aux fonds « vautours ». On y ajoutera l’évasion fiscale estimée à près de 400 milliards de dollars permettant au patronat de protéger ses profits des impôts publics. La rigueur autour du déficit aura des conséquences très concrètes. Avec cet accord, on paie une nouvelle fois la dette avec de nouvelles dettes, en enchaînant le pays jusqu’à 2032 a minima tout en assurant au FMI le droit de regard sur les grandes décisions du pays.

Le programme de l’accord, bien qu’il indique lutter contre l’inflation et la perte du pouvoir d’achat massive des travailleurs argentins (qui ont perdu en moyenne près de 20% de leur salaire depuis la signature du premier pacte en 2019) dépend ouvertement d’une inflation assez forte et stable. Cette donnée le rend d’autant plus intenable qu’il a pour conséquence une attaque importante aux services publiques tout en permettant de contracter une dette supplémentaire tout en prévoyant une croissance très faible. Certains journalistes préviennent d’ailleurs qu’il est possible que l’augmentation des prix des services publics comme l’électricité et les transports pourraient dépasser de loin la promesse du gouvernement d’une limitation de l’inflation à 20% et pourrait atteindre dans certains cas une augmentation de près de 40 à 50%.

Le FMI avait accordé avec l’Etat une réduction du déficit fiscal primaire qui signifie une réduction des coûts de l’Etat (c’est-à-dire les retraites, les salaires des fonctionnaires, les subventions aux services publics, le budget de la santé, de l’éducation…). Ce mécanisme s’ajoutera à d’autres venus déjà attaquer durement les conditions de vie des travailleurs et de la jeunesse argentine : l’inflation massive de 6.5% cette année ainsi que la mise en place de taux d’intérêts supérieurs à l’inflation dans le cadre des crédits à la production et à la consommation.

Une dette odieuse, illégale et illégitime

Cette dette publique extérieure, qui a plusieurs fois été dénoncée comme une dette contractée par Macri « contre l’intérêt de la nation » et sans accord du Parlement, est aujourd’hui reconnue par le gouvernement de Fernandez. Dans notre dernier article nous expliquions que le retrait de Maximo Kirchner (fils de Christina Kirchner) de la présidence du bloc gouvernemental au parlement était en soi une démonstration du caractère anti-populaire colonial de cet accord. Il a d’ailleurs annoncé qu’il ne participerait pas au vote et au débat au sein du Congrès.

Les contradictions actuelles au sein du bloc du Frente de Todos la coalition de centre-gauche au pouvoir et la recherche d’un accord avec la droite de l’ex-président Mauricio Macri ne font que renforcer cette affirmation. Une partie de la gauche du bloc de gouvernement comme celle de Patria Grande d’Itaí Hagman a annoncé céder sa place au sein de la Commission Budgétaire afin d’éviter de lier son nom à un plan d’austérité structurelle tout en assurant au gouvernement la possibilité de mener à bien ses projets. De même, la Vice Présidente Christina Kichner maintient un silence coupable et cherche surtout à se détacher de ses responsabilités vis-à-vis de l’accord, afin de maintenir sa base sociale et électorale. Du côté de la droite, le soutien est plus assumé : elle se comporte comme le meilleur élève du FMI en cherchant à obtenir la signature la plus complète de l’accord.

Myriam Bregman, Nicolas del Caño et Alejandro Vilca, les députés du Front de Gauche Unité et membre du Parti des Travailleurs Socialistes, dont Révolution Permanente est l’organisation-sœur en France, ont largement dénoncé la manœuvre menée au sein du Congrès par la coalition de gouvernement et la droite . « Si cet accord est tellement bon, pourquoi est-ce qu’il y autant d’absents le jour du vote ? » « Vous nous expliquez que c’est cet accord ou le chaos, mais c’est une extorsion pour payer une dette illégale ! ». Les députés d’extrême gauche ont rappelé que cet accord est un accord colonial enfermant le pays pour toute une génération dans les serres du FMI et des « fonds vautours ». Ce lundi Myriam Bregman avait déjà dénoncé le ministre du budget Martín Guzman « Vous nous exposez ce plan comme s’il s’agissait d’un simple changement sur un tableau Excel. Vous allez hypothéquer le pays, quand le FMI arrive, il reste ».

Ils ont enfin rappelé qu’il n’existe qu’une seule façon de faire face au FMI : la non-reconnaissance de la dette extérieure ainsi que la mise en place d’un véritable plan de lutte pour un monopole d’Etat du commerce extérieur et la nationalisation du système bancaire.

« On ne paie pas les arnaques », plus de 200 organisations mobilisées face au Congrès »

Il existe encore plusieurs scénarii quant à la signature de l’accord (voire une abstention importante de députés). En attendant, près de 40 000 personnes sont attendues aujourd’hui face au Congrès après l’appel par le Front de Gauche Unité et près de 200 organisations politiques, de quartiers populaires et syndicales à dénoncer l’accord.

Contre le message du « chaos ou la dette » et l’asservissement du pays, cette mobilisation massive prépare le terrain à un véritable plan de lutte contre le FMI et les plans austéritaires du gouvernement.

Le 11 décembre des milliers de personnes avaient déjà pris la rue contre le FMI et l’austérité, appelés par une centaine d’organisations ainsi que l’extrême gauche du Front de Gauche -Unité. La place qu’a pris cette coalition par l’élection récente de 4 députés nationaux ainsi que sa consolidation en tant que 3ème force politique du pays en fait un acteur central pour affronter le FMI et la dette odieuse, illégitime, illégale et frauduleuse qui enchaîne le pays. Une nouvelle manifestation avait par la suite été organisée ce 8 février.

Non à l’accord et à l’austérité décidés avec le FMI ! Refusons de reconnaître la dette souveraine du pays, nationalisation du système bancaire et mise en place d’un monopole du commerce extérieur. Nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises de service publiques ainsi que les ressources stratégiques du pays !


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