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Moyen-Orient

Au Kurdistan irakien les forces de sécurité tuent 8 travailleurs manifestant pour leurs salaires

Les fonctionnaires, notamment enseignants, exigent leurs salaires non-payés et dénoncent la corruption du gouvernement.

Philippe Alcoy

9 décembre 2020

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Depuis le 3 décembre des fonctionnaires, notamment des enseignants, du Kurdistan irakien, région semi-autonome au nord du pays, manifestent pour le payement de leurs salaires et contre la corruption. Certains dénoncent qu’ils n’ont été payés que quatre mois depuis le début de l’année. Les manifestations largement pacifiques dans la ville de Sulaymaniyah ont pris un tournant dramatique lundi dernier quand les forces de sécurité de la région ont ouvert le feu contre les protestataires faisant plusieurs blessés et au moins 8 morts. Les manifestants ont répondu en brûlant les locaux des partis au pouvoir et de l’opposition, des commissariats et le bureau du maire.

A la suite de ces mobilisations le gouvernement local a réduit le débit d’internet, et même fermé une chaîne de télévision lié à un parti d’opposition. Des manifestants ont dénoncé des agressions et des attaques à balles réelles de la part des forces de sécurité liées aux partis politiques au pouvoir. D’autres ont dénoncé l’utilisation de gaz lacrymogènes dont la puissance a provoqué des problèmes respiratoires à beaucoup de manifestants, y compris des enfants.

Cette brutale répression n’a fait qu’attiser la colère populaire. Une colère qui rappelle les mobilisations qui se déroulent depuis plus d’un an dans le sud du pays (majoritairement peuplé de chiites) contre la corruption du gouvernement, le chômage et la pauvreté. En effet, comme l’explique Adil Hassan, un enseignant qui a pris part dans les mobilisations de Sulaymaniyah, « les autorités kurdes (…) savent que si des manifestations pacifiques y éclatent, les provinces d’Erbil et de Duhok suivront bientôt. Les gens vivent dans des situations financières difficiles ».

Le gouvernement régional doit encore payer les salaires d’octobre de près de 1,3 millions de ses employés. La situation économique critique de ce territoire dépendant des exportations des hydrocarbures est en partie due à la chute des prix internationaux du pétrole à la suite des mesures prises pour faire face à la pandémie de Covid-19. En ce sens, il est possible d’affirmer que cette révolte est une conséquence de la crise économique accélérée par le nouveau coronavirus.

Mais une autre raison pointée par plusieurs médias c’est une dispute budgétaire entre Erbil, capitale de la région kurde, et le pouvoir central à Bagdad. En effet, le gouvernement kurde refuse de faire passer une partie des revenus du pétrole par Bagdad et pour sa part le gouvernement fédéral refuse de verser la partie budgétaire qui correspond à Erbil. Cependant, certains dénoncent que les revenus du pétrole suffiraient à payer les salaires de employés régionaux mais que ce retard est dû essentiellement à la corruption des haut fonctionnaires des partis kurdes au pouvoir.

Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les conditions de vie et les salaires des travailleurs durement touchés par la crise et des années de guerre qui importent aux gouvernements fédéraux et régionaux. Rappelons que depuis plus d’un an les manifestants dans le sud du pays subissent la même répression. En ce sens, face à ce régime profondément corrompu et réactionnaire, les jeunes et les travailleurs du nord comme du sud du pays, au-delà des différences religieuses ou ethniques, gagneraient à lutter ensemble.


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