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Un renouveau des mobilisations féministes ?

Au lendemain de l’investiture de Trump, les femmes se sont mises en marche à travers le monde

Women’s March : tel était le mot d’ordre résolument féministe lancé pour marquer par l’action de rue l’investiture de Trump. À Washington étaient attendues 200 000 manifestant.es ce 21 janvier, au lendemain de l’investiture du président américain. Ce fut finalement un demi-million de personnes dans les rues de Washington. Dans le reste du monde, le même phénomène de mobilisation explosive a dépassé les attentes, atteignant à l’échelle planétaire une participation de plusieurs millions de personnes. S’agirait-il d’un renouveau des mobilisations féministes ? Nicolas-Marie Santonja et Celeste Murillo

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La marche s’est voulue inclusive, prenant la forme d’un front extrêmement large rassemblant par-delà le genre, la couleur de peau, la nationalité ou l’identité sexuelle, autour de la conviction que « les droits des femmes sont des droits humains » et que l’ensemble des minorités opprimé.es doivent se rassembler contre la politique de Trump et la menace (symbolique) réactionnaire et conservatrice qu’elle représente.

La marche a convié une grande diversité de personnes, et une série de mouvements très variés et plus ou moins radicaux, comme, aux États-Unis, American Indian Movement, Occupy Wall Street, Marriage Equality ou encore Black Lives Matter. En France, on a pu voir ensemble une grande diversité de féminismes, des plus réformistes aux plus révolutionnaires, des plus institutionnels aux plus radicaux, aux côtés de partis politiques allant de l’extrême gauche au Parti socialiste. À noter qu’en France, hors des représentants d’une myriade de collectifs, de syndicats et de partis, la mobilisation était particulièrement anglophone, posant à nouveau la question de l’état du féminisme en France aujourd’hui, visiblement très fragmenté.

Cette large affluence a donc permis un grand « pinkwashing » (hygiène féministe passagère et opportuniste de ceux qui habituellement s’en soucient peu voire pas du tout) de la part de nos politiciens et de nos médias, et, aux États-Unis, aux côtés de superstars mondiales rassemblées à l’occasion, égéries du féminisme le plus mainstream (Katy Perry, Emma Watson, Madonna, Scarlett Johansson pour ne citer qu’elles).

Lors de l’événement central à Washington, l’actrice America Ferrara et la féministe Gloria Steinem, qui soutiennent toutes les deux Hillary Clinton, ont pris la parole. Le réalisateur Michael Moore est également intervenu pour répéter l’appel qu’il avait déjà lancé lors de la marche qui avait eu lieu pour la prise de fonctions de Trump : interpeller les députés pour qu’ils expriment l’opposition au nouveau gouvernement républicain.

Le piège démocrate

Des personnalités soutenant le Parti démocrate se sont placées à la tête des prises de parole dans les différentes villes où la marche a eu lieu. Elles ont cherché à faire de la rage exprimée contre Trump le début d’une opposition domestiquée.

À Boston, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren a été une des principales oratrices. Warren, connue pour être une des dirigeantes de l’aile progressistes du Parti démocrate, a partagé l’estrade avec le sénateur Bernie Sanders, lors de la prise de fonction de Trump, alors que les manifestations étaient en train d’être réprimées dans les rues de Washington.

Le message de la sénatrice aux milliers de personnes présentes à Boston était clair : il fallait faire de la rage et de l’engouement actuel pour la défense des droits qui sont menacés par l’administration Trump le cœur de l’opposition démocrate. C’est dans cette lignée que se sont exprimés la plupart des discours à Washington, non seulement de la part des célébrités mais également de la part des organisateurs et organisatrices.

Les médias comme CNN (qui a une claire orientation démocrate) ont aussi participé à cette opération politique qui cherche à opposer les marches massives du 21 janvier aux manifestations « violentes » du jour de la prise de fonction de Trump.

Le message est clair : le Parti démocrate se prépare à être l’opposition à Trump, mais il s’agira d’une opposition domestiquée, respectueuse du gouvernement (comme l’a confirmé la présence de Warren et de Sanders) et elle cherchera à briser toute initiative indépendante qui puisse surgir des mouvements sociaux et politiques, comme elle l’a toujours fait. C’est au service de cette politique que se trouve la participation massive aux marches d’aujourd’hui, et que le parti Démocrate cherchera à transformer en « jour numéro un » de la « résistance démocrate ».

La participation massive des femmes à ces marches montre la disposition qu’elles ont à se mobiliser non seulement pour leurs droits, mais aussi pour les droits des LGBTI, contre le racisme, la xénophobie et la brutalité policière. Cette énergie ne peut pas être brisée au service de la réforme d’un parti irréformable qui s’est déjà engagé avec Trump pour que ce nouveau gouvernement se passe bien.

Cette puissance, on a pu l’entrevoir récemment lors de la grève des femmes polonaises pour leur droit à l’IVG, ayant fait reculer un gouvernement d’extrême-droite réactionnaire et religieux, mais aussi tout au long de l’histoire lors detoutes les révoltes et révolutions initiées et portées par des luttes de femme. La force d’une grève des femmes lors du 8 mars prochain (journée internationale des droits des femmes – issue elle-même de luttes ouvrières !) saura-t-elle engager un réel rapport de force avec le patriarcat et le capitalisme ? Nous sommes en marche, préparons-nous à entrevoir nos horizons.

Trad : Malenta Vrell


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