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Drame

Au moins 42 morts dans un accident de train en Grèce : une conséquence des politiques de privatisation

En Grèce, dans la nuit de mardi à mercredi, deux trains sont entrés en collision, faisant au moins 42 morts et 85 blessés. Alors que le premier ministre déplore une « tragique erreur humaine », des habitants et employés des chemins de fer accusent les politiques néolibérales de privatisation qui sont légion dans le pays depuis la crise économique.

Irène Karalis

2 mars 2023

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Crédits photo : AFP / SAKIS MITROLIDIS

Dans la nuit de mardi à mercredi, près de la ville de Larissa dans le centre de la Grèce, deux trains qui circulaient sur la même voie en sens inverse sont entrés en collision. L’un était un train transportant 342 passagers et dix employés des chemins de fer qui a été autorisé à emprunter la même voie qu’un convoi de marchandises. Le drame a fait au moins 42 morts, 45 selon certaines sources, et 85 blessés. Trois jours de deuil national ont été décrétés par le premier ministre, Kyriakos Mitsotakis. Une enquête a été ouverte et le chef de gare de Larissa, qui a été arrêté, est poursuivi pour « homicides par négligence » et « blessures corporelles involontaires ». Kyriakos Mitsotakis a qualifié l’accident de « tragique erreur humaine » et a assuré que son gouvernement allait « découvrir les causes » de l’accident pour « tout faire pour qu’une telle chose ne se reproduise plus jamais ».

La conséquence de décennies de politiques d’austérité et de privatisation

À la suite du drame, des passagers et usagers habituels de la compagnie ont dénoncé des problèmes récurrents sur cette ligne de train. Sur la chaîne de télévision Mega, un passager a expliqué que « le conducteur nous a dit que nous ne serions retardés que quinze minutes, car c’est une voie à sens unique. Nous aurions probablement dû être à l’arrêt davantage… » tandis que sur la chaîne ERT, un autre passager explique qu’il aurait entendu le contrôleur dire « Allons-y et Dieu seul sait où ça nous mènera » avant d’ajouter : « Quand tu entends ce genre de discours, tu n’es pas vraiment rassuré »

Quelques heures après l’accident, le ministre des transports Kostas Karamanlis a démissionné et reconnu que « le chemin de fer grec n’était pas dans un état digne du XXIème siècle ». Le ministre a, à demi-mots, reconnu la responsabilité de l’État, tout en essayant de se dédouaner et de défendre le gouvernement : « Au cours de ces trois ans et demi, nous nous sommes efforcés d’améliorer cette réalité. Malheureusement, ces efforts n’ont pas suffi à empêcher cet accident. Et cela est très lourd pour nous tous, et pour moi personnellement. »

Le président du syndicat des conducteurs de train OSE, Kostas Genidounias, a un autre avis sur la question : « cet accident aurait pu être évité si les systèmes de sécurité électronique fonctionnaient », estime-t-il, avant d’expliquer que « tout se fait manuellement sur le réseau Athènes-Thessalonique ». En effet, les feux de signalisation, les clignotants et le contrôle électronique du trafic ne fonctionnent pas, ce qui fait que tout doit être contrôlé par le chef de gare. Les salariés du chemin de fer ont déjà exigé à de nombreuses reprises des dispositifs de sécurité performants, à l’image du Système européen de contrôle des trains dont la Grèce est le seul pays de l’Union Européenne à ne pas disposer. Le 15 février, la Cour de justice européenne a d’ailleurs été saisie par la Commission européenne contre la Grèce pour « non respect des règles relatives au transport ferroviaire », tandis que le 7 février, le Mouvement syndical démocratique et unitaire des cheminots mettait déjà en garde contre un prochain accident vu les « failles évidentes qui mettent en danger la sécurité des passagers et des travailleurs. » En 2019, une enquête de l’institut MIIR plaçait déjà la Grèce comme étant le pays de l’Union Européenne avec le plus grand nombre de décès lors d’accidents ferroviaires par rapport aux kilomètres parcourus par les trains pendant l’année.

À Larissa, des habitants ont manifesté, brandissant des banderoles « La privatisation tue ». Une grève de 24h a également été appelée par la Fédération Panhellénique des Chemins de Fer. À propos du chef de gare, qui passe devant la justice ce jeudi, un étudiant en médecine affirme à l’AFP : « un seul homme ne devrait pas payer pour tout un réseau ferroviaire malade », tandis que Kostas, Bargiotas, le médecin de l’hôpital de Larissa, explique : « Nous connaissons depuis 30 ans quelle est la situation ».

Et pour cause : en 2016, la compagnie grecque de chemins de fer Trainose est rachetée par le groupe ferroviaire public italien Ferrovie dello Stato Italiane. Ou plutôt bradée par le gouvernement pour 45 millions d’euros alors que la valeur de l’entreprise est évaluée à au moins 300 millions. La dette de l’entreprise est alors mise à la charge de l’État et celui-ci s’engage à subventionner l’entreprise privée à hauteur de 50 millions d’euros par an. L’entreprise italienne en profite depuis, empochant l’argent public pour augmenter encore plus ses profits en augmentant le prix des billets en réduisant la qualité du transport, en laissant le réseau ferroviaire et les trains sans entretien et avec des technologies dépassées. Comme l’explique l’organisation d’extrême-gauche OKDE, ce n’était qu’une question de temps avant qu’un accident ne secoue le pays.

L’accident pourrait avoir des conséquences politiques et coûter cher au gouvernement, qui envisage d’ores et déjà de reporter le premier tour des élections législatives qui devait se tenir le 9 avril. Quoi qu’il en soit, il est indispensable d’apporter notre entière solidarité à la population grecque et de défendre l’arrêt des privatisations, la gratuité des transports publics pour tous et la nationalisation des chemins de fer sous contrôle ouvrier.


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