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Les grands pollueurs à l'Elysée

Augmentation des aides publiques pour les gros pollueurs : l’écologie selon Macron

Après avoir tenté de se placer en leader de l’écologie à la COP 27, Macron invite les dirigeants des 27 entreprises les plus polluantes de France à l’Elysée pour redonner du souffle à son écologie néolibérale, pensée par les entreprises et pour les entreprises.

James Draoust

8 novembre 2022

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Make our planet great again, again ?

Ce dimanche 6 novembre se tenait le lancement de la COP27 en Egypte. Une nouvelle grande messe internationale sur le climat tout aussi bruyante qu’inutile, dont certains militants craignent même qu’elle ne soit le cadre d’attaques contre l’environnement. Mais comme d’habitude, cette échéance est une tribune pour les représentants des différents Etats, qui peuvent y défendre leur vision de l’écologie et y mener des batailles géopolitiques autour des enjeux de transition. Cette année encore, Macron ne s’en est pas privé.

Il a en effet profité de son discours d’introduction à la COP27 pour se présenter comme principal leader de la politique écologique européenne. Rappelant le projet européen de neutralité carbone « Fit for 55 » pour respecter les accords de Paris, celui-ci s’est auto-congratulé des engagements pris par la France et l’UE. Il a également tenté de calmer les tensions autour de la question des « pertes et préjudices » qui agite cette COP, en en reconnaissant la légitimité. Il a multiplié l’annonce de plans, de projets et de partenariats avec différents pays, dont les « émergents ».

Une manière pour le président de se recomposer autour de l’écologie, alors que la question avait été mise sous le tapis avec la crise énergétique, et de poser la France comme un leader international en la matière. Une tentative de retour du « make our planet great again », qui a été annoncée depuis plusieurs semaines en préparation de la COP par une multiplication des annonces du gouvernements sur ce terrain. On pense entre autres au « Plan France Nation Verte » annoncé par Elisabeth Borne ou encore à l’annonce de la sortie de la France du TCE (Traité de la Charte de l’Energie), réclamée de longue date par les écologistes.

Après cette autocongratulation, Macron a détaillé sa vision de l’écologie. Il a expliqué que « Nous ne pouvons nous en sortir que par une recomposition profonde de nos mécanismes de solidarité publics/privés », annonçant entre autres la création d’un groupe d’experts à même de proposer « des financements innovants pour le climat ».

Sans surprise, c’est donc toujours une écologie entre les mains des entreprises qui est défendue par le président. Une écologie dans laquelle les Etats doivent « accompagner » les entreprises dans leurs investissements soi-disant plus vertueux à coups de milliards. Un enjeu qui devient stratégique pour les différents Etats sur le terrain de la « compétitivité », alors que Biden a annoncé un plan de financement de la transition énergétique de 370 milliards de dollars et que la Chine s’est positionnée comme un acteur essentiel sur le marché de la transition énergétique, notamment sur le photovoltaïque ou les énergies renouvelables.

Réunion au sommet avec les plus grands pollueurs de France

Dans cette lignée, le président de la République reçoit ce mardi les dirigeants de 27 entreprises, qui possèdent 50 des 120 sites les plus polluants de France à l’Elysée, représentant 10% des émissions de CO2 territoriales.

Parmi elles, on retrouve bien évidemment des mastodontes comme le pétrolier Total dont les projets écocides se multiplient, ou encore le cimentier Lafarge, qui a déjà prouvé par le passé vouloir sauvegarder à tout prix ses profits, quitte à financer l’Etat islamique pour maintenir son usine en Syrie.

Moins connu mais tout aussi destructrice pour l’environnement, la filiale française de la multinationale belge Solvay, condamnée pour avoir exposé ses salariés et une partie de la pollution à des produits chimiques éternels sera aussi de la partie, ainsi que le producteur d’engrais azotés norvégiens Yara, dont la pollution environnementale a largement été dénoncée par le mouvement écologiste

Pour un conseiller du chef de l’Etat cité par BFM, avec cette rencontre « le président de la République a souhaité que la France marque encore un coup d’accélération sur les enjeux climatiques ». Ce dernier poursuit : « On est dans un monde globalisé avec des approches extrêmement agressives de la part d’autres pays qui font que les industriels sont placés dans une certaine forme de tension », « Il faut arriver à ce que les investissements se fassent sur nos sites industriels en France, c’est critique à la fois pour l’emploi et la souveraineté ». Pour le gouvernement, l’enjeu de l’écologie se pose ainsi avant tout en termes de compétitivité des entreprises.

Ce discours permet de justifier un arrosage de ces entreprises polluantes avec des subventions publiques. Selon l’observatoire des multinationales, les entreprises participant à la réunion ont ainsi bénéficié de 3 milliards d’euros de quotas carbones gratuits depuis 2015. Certains sites en reçoivent tellement qu’ils compensent toutes leurs émissions et au-delà, leur permettant de revendre les quotas excédentaires ! C’est ce que rapporte Maxime Combes, de l’observatoire des multinationales, sur twitter.

Le gouvernement a au cours de cette réunion promis de doubler l’enveloppe de l’aide publique pour la décarbonation des entreprises. Actuellement dotée d’un budget de 5 milliards, elle pourrait passer à 10 milliards d’euros « Si des projets et des sites sont identifiés d’ici à 18 mois, si vous doublez vos efforts  » comme l’a exposé aux entreprises présentes le président.

Avec la COP et ces nouvelles mesures sur le terrain de la transition entre les mains de l’Etat et des entreprises, Macron tente de revitaliser son écologie néolibérale par de nouveaux cadeaux aux capitalistes. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, Macron sonnait la « fin de l’abondance », il est clair que ce n’était pas une menace envers les patrons pollueurs mais bien envers la population qui est en train de subir de plein fouet la crise énergétique et écologique.

Face à cette écologie qui consiste à nous faire payer la crise et à laisser le soin aux responsables de cette situation de planifier une transition sans toucher à leurs profits, il est nécessaire de se mobiliser contre les mesures antisociales de Macron. Il faut également s’organiser face aux entreprises qui polluent toujours plus et comptent bien continuer à tirer des profits de la destruction de la planète, avec l’aide de l’Etat. La seule perspective viable est de reprendre le contrôle des mains des capitalistes, en luttant pour l’expropriation des grandes entreprises polluantes et en premier lieu du secteur de l’énergie.


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