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Déconfinement

Avec le patronat de la métallurgie, la CFDT et FO signent un manifeste dit « anti-licenciements »

Sous prétexte de la sauvegarde de l’emploi, la CFDT et FO poursuivent leur collaboration avec le patronat et signent un manifeste qui manie chantage à l’emploi, chômage partiel et flexibilisation du travail.

Elsa Marcel

22 mai 2020

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Crédit photo : Hamilton/Rea

Maintien du chômage partiel et chantage à l’emploi

« Il serait dangereux de modifier les règles alors que nos entreprises sont en phase de reprise, estime Hubert Mongon, le délégué général de l’UIMM interrogé par le JDD. Le dispositif doit certes évoluer mais le calendrier est prématuré. Le risque est de précipiter l’enclenchement de plans de sauvegarde de l’emploi. » Derrière un ton préoccupé, l’organisation patronale cherche à faire gagner du temps en temps en s’appuyant sur le dispositif du chômage partiel tout en agitant la menace du licenciement. Une rhétorique bien huilée, qui permet au patronat d’encaisser les chèques de l’État sans dépenser un centime.

En effet, face aux velléités de reprise du gouvernement, le patronat de la métallurgie entend rattraper la perte des profits engendrée par la crise sanitaire tout en se défaussant de toute responsabilité. La proposition est de maintenir le chômage partiel jusqu’à septembre puis d’instaurer un dispositif en partie financé par l’Etat : « En cas de baisse du temps de travail de 40% maximum, le salarié serait rémunéré à hauteur de 60%. L’Unedic - ou l’Etat - compenserait, au moins en partie, la perte de pouvoir d’achat. En contrepartie, les entreprises ne pourraient plus recourir au chômage partiel et les salariés auraient la garantie du maintien de leur emploi pendant toute la période ». Le manifeste aspire également à « La promotion et la généralisation du prêt de main d’œuvre » en réclamant « l’assouplissement des conditions pour y recourir ». Dans le même sens, il affirme son soutien à l’alternance et à l’emploi des jeunes. Derrière ces différents dispositifs se cache la perspective de moduler le recours à la main d’œuvre en fonction des besoins du patronat. Accroitre la « flexibilité » du travail donc et décider du nombre d’heures travaillées en faisant payer le prix de cette souplesse à l’Etat. Enfin Hubert Mongon réclame l’intensification des « plans de relance » de la part du gouvernement.

Pourtant, le patronat a déjà été largement arrosé. Pour ne citer que le cas de Renault, l’entreprise a reçu 5 milliards d’euros d’aide. La loi sur l’État d’urgence sanitaire permet également le recours à « l’activité partielle individualisée » et laisse aux directions d’usine la possibilité de choisir qui reprendra ou non.

Si le manifeste prétend ainsi éviter les licenciements, force est de constater qu’il entre en contradiction avec la perspective de fermeture de 4 usines Renault impliquant la suppression de 3600 emplois malgré le chèque de 5 milliard d’euros encaissé par la direction de l’entreprise. De plus, si le chômage partiel continue effectivement de servir de soupape, les annonces de licenciements chez Daher et Derichebourg indiquent bien que la tendance n’est pas à préserver « l’emploi ». Plus encore, différentes voix se sont élevées dans la période précédente pour exiger que ce chômage partiel qui permet le maintien d’une partie substantielle du salaire soit assumé par le patronat.Par ailleurs, ce sont les mêmes, patronat et organisations syndicales les plus collaborationnistes, qui se sont battus bec et ongles pour rouvrir les usines en plein pic de la pandémie.

Ainsi, l’objectif est double : ne pas perdre un centime pour amortir le coût de la crise économique tout en retardant le recours aux licenciements économiques, source incontestable de colère sociale. Il s’agit de se préparer à la catastrophe annoncée par l’OIT qui estime que plus de 300 millions d’emplois pourraient être supprimés dans le monde au printemps. En ce sens, la référence à 2008 est habile : « Nous avons tous été marqués par la crise de 2008 et l’effet double peine : perte de marchés et de compétences délicates à retrouver ensuite. Nous avons donc réagi vite, en moins de quinze jours et trois réunions, pour établir un front commun et interpeller le gouvernement sur un plan d’urgence pour préserver l’emploi industriel. » Par ce manifeste, le patronat industriel cherche à montrer qu’il a tiré les bilans de la crise de 2008 et que si nous devons affronter une vague de licenciements et la contestation qu’elle implique, c’est parce que trop peu de deniers publics auront été investis pour y répondre.

La formation d’une « union sociale » sur le dos des travailleurs

La période du confinement a d’ores et déjà été marquée par d’importants phénomènes de rébellion dans l’industrie, des droits de retrait massifs à la fermeture d’usines entières pour non-respect des normes sanitaires. D’amples secteurs de travailleurs ont refusé d’être envoyés au casse-pipe pour produire des pièces d’avions destinés à rester cloués au sol. Le slogan « Nos vies valent plus que leur profits », s’est imposé à large échelle comme un véritable programme d’action impliquant l’exigence d’une politique sanitaire à la hauteur des besoins sociaux et l’affrontement avec les velléités d’une petite minorité d’employeurs soucieux de maintenir leurs profits à tout prix.

En mars, l’UIMM signaient déjà avec la CFDT, la CFE-CGC et FO un communiqué appelant à restaurer la production dans les usines sur fond d’incitation à l’apaisement : « L’objectif est ainsi d’assurer la sécurité de tous afin de permettre à chacun de retrouver la confiance et la sérénité nécessaire pour travailler. L’industrie doit, dès que les conditions sanitaires le permettront à nouveau, retrouver un niveau d’activité satisfaisant dans l’intérêt de l’ensemble de nos concitoyens. » Dans le même sens, la réaction de la CFDT face à la fermeture de l’usine Renault de Sandouville illustre l’enjeu de conserver une collaboration étroite entre syndicats et patronat pour endiguer les contestations les plus radicales. C’est ce qu’affirme ouvertement Eric Le Boucher lorsqu’il dit qu’il « il n’y a pas le choix, il faut reprendre le travail. Dès le 12 mai. Comme l’État sera vite à bout de force, le déconfinement repose sur la bonne entente obligée des partenaires sociaux. La responsabilité historique des syndicats est de l’admettre, d’assumer que la fin du confinement est indispensable et que rien, sauf un miracle médical hors de portée aujourd’hui, ne peut garantir "la sécurité absolue" »

Difficile dans ce contexte de croire aux aspirations de sauvegarde de l’emploi de cette « union sociale ». Il s’agit plutôt de retarder le moment où il faudra mettre à la porte ceux que l’on a obligés à travailler au péril de leur vie. Après des années marquées par une contestation sociale accrue, l’annonce de plans massifs de licenciements est un exercice périlleux pour un patronat rincé d’aides publiques qui garde en mémoire la colère des Continental, des Goodyear et de tous les autres.


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