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Offensive sécuritaire

Policier tué à Avignon : Darmanin en profite pour renforcer sa campagne anti-drogues

Alors qu’un policier a été tué dans le cadre d’une « opération anti-drogue » à Avignon, Darmanin et le gouvernement cherchent à en faire un « héros » d’une « guerre contre la drogue ». Un discours bien rodé qui cherche à instrumentaliser ce décès pour renforcer la politique ultra répressive entamée autour du projet de démantèlement des points de deal.

Philomène Rozan

6 mai 2021

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Crédit Photo : CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

À Avignon, ce mercredi 5 mai, un policier est décédé de la suite de tirs reçus dans le cadre d’une « opération anti-drogue », plébiscitée par le ministre de l’Intérieur depuis plusieurs mois.

Quelques heures plus tard, Gérald Darmanin était à Avignon et dans son adresse aux médias expliquait avoir perdu un « héros » dans la « guerre » menée contre la drogue. Dans ce qui s’apparente à une tentative de rejouer le « war on drug » de Nixon, il a ensuite tweeté : « L’ensemble du ministère de l’intérieur est en deuil », avant de poursuivre son hommage ce jeudi matin en se rendant au commissariat d’Avignon. Dans cette lignée, il a reçu les représentants des syndicats de police.

Si Darmanin s’est empressé de rendre cet hommage c’est que c’est pour lui l’occasion de remettre à l’ordre du jour son offensive contre la vente de drogue. Dans ce sens il a déclaré que «  ce combat face à la drogue nous le poursuivrons et nous le gagnerons ».

À travers les hommages au policier décédé, l’exécutif écrit le récit d’une guerre sanglante à mener contre le narcotrafic, qu’il avait jusqu’ici du mal à légitimer après quelques coups de communication ratés ayant fait le bonheur des adepts du tweet. En effet, ce sont les badbuzz à répétition et notamment la perquisition de farine de fraises Tagada qui ont même poussé Macron à descendre sur le ring avec une opération bien huilée à Montpellier en avril.

De fait, le gouvernement n’est pas sans savoir que les élections présidentielles se joueront sur le terrain sécuritaire pour espérer séduire la base électorale de droite, prise en étau par les polémiques entre LREM, LR et le RN. En qualité de pompiers-pyromanes, Macron et Darmanin cherchent donc à instrumentaliser le meurtre du policier, quitte à adopter un ton martial qui rappelle celui de Nixon, symbôle de la répression sanglante contre le « narcotrafic ».

Ainsi, c’est sans surprise qu’a déferlé sur les réseaux sociaux, plateaux télé et radios une volonté unanime de la droite de sévir. « Il faut que les criminels comprennent que s’attaquer à la police leur coûtera très très cher (…), « les bougies et les discours ne suffisent plus » a ainsi déclaré le député LR du Vaucluse Julien Aubert tandis que Marine Le Pen s’est dite « en colère ».

Au cœur de ce « combat », la sortie en mars d’une plateforme en ligne pour permettre de « signaler les points de deal », véritable appel à la délation qui permet à toute personne de transmettre des informations, fondées ou non, à la police. Un système qui a été utilisé à Avignon, puisque ce sont des « riverains » qui avaient émis un signalement. Dans cette lignée, c’est une supposée cliente du dealer suspecté d’avoir tué le policier qui a été mise en garde-à-vue. Une interpellation qui pourrait présager d’une aggravation de la répression pour montrer l’exemple en allant jusqu’à cibler la clientèle, dans la continuité de la pénalisation de cette dernière, notamment marquée par la mise en place d’amendes de 200 euros pour un joint.

En effet, les syndicats que le gouvernement devait voir suite à ce meurtre sont en demande de mesures répressives, et en profitent pour agiter leur programme sécuritaire. Le syndicat d’extrême-droite Alliance revendique par exemple « qu’il faut punir par de la prison ferme assortie de mandat de dépôt ceux qui agressent ou tuent des policiers […], dénonce ce laxisme de la justice qui aménage ou réduit les peines de ces individus qui jouissent d’une impunité sans limite ».

Darmanin cherche donc à surfer sur cette mort pour amplifier le discours sur l’« ensauvagement » de la société : derrière la lutte contre le trafic de drogue ce sont les quartiers populaires qui sont ciblés. Le gouvernement l’assume en affirmant vouloir partir à la « reconquête des territoires perdus de la République », et dans ces termes empruntés à l’extrême-droite et très présents dans la bouche du gouvernement ces derniers mois, se cache une volonté de renforcer la répression dans des quartiers où précarité et misère règnent en maître.

En effet, le trafic de drogue se développe là où le marché de l’emploi est restreint, là où les contrats précaires sont monnaies courantes. Et l’interdiction de la consommation et de la vente de cannabis permet au gouvernement de justifier le déploiement de nombreux policiers dans les quartiers populaires, permettant de renforcer le contrôle social, notamment celle d’une jeunesse qui commence à remettre en cause un système qui ne lui promet que misère et racisme.

C’est cette même interdiction qui crée la violence que le gouvernement prétend aujourd’hui combattre. En effet à rebours d’un gouvernement qui voudrait nous faire croire que le cannabis serait un tremplin vers des drogues plus « dures », en utilisant de vieux arguments a-scientifiques, la seule solution envisageable pour sortir du trafic se trouve dans la légalisation. À l’heure où 70 % du budget consacré aux drogues est à destination de la police contre 10 % pour la santé, il apparaît nettement que la priorité du gouvernement n’est pas dans les conséquences physiques et sanitaires de l’usage de telles drogues. L’argent public devrait être mis au service de la dépénalisation et de l’instauration d’un monopole public qui prenne en charge tous les aspects de production, vente, prévention, suivi en addictologie, etc.

Et pour que la légalisation ne renforce pas la misère dans des quartiers déjà paupérisés, il est nécessaire qu’elle implique des mesures pour palier à la disparition des revenus pour tous les travailleurs de ce secteur. Pendant que Darmanin tente d’imposer sa « guerre » contre la drogue, surfant sur la récente mort du policier, il est nécessaire de se battre pour la dépénalisation et refuser que le gouvernement renforce son arsenal répressif.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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