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Violences policières

Aymen B., sans-papier, perd un testicule après avoir été tabassé par la police

Comme le révèle Médiapart, Aymen Berhoumi, un sans-papier tunisien de 35 ans, a dû être opéré en urgence ce 13 décembre suite à des violences policières de la police aux frontières. Après des coups reçus dans les parties génitales, il a dû subir une ablation du testicule droit.

Damien Bernard


et Monica Peligrosa

28 décembre 2020

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Crédit photo : Jeff Pachoud / AFP

Selon Mediapart, qui a été le seul média à dévoiler cette nouvelle affaire de violences policières, Aymen Berhoumi a été interpellé le samedi 12 au soir dans une rue commerçante de Nice. Son identité est contrôlée. En situation irrégulière, il se fait conduire à la caserne Auvare, le QG de la police nationale à Nice. Il passe une nuit en cellule, et est admis le dimanche après-midi au centre de rétention administrative, où sont hébergés les étrangers en attente d’expulsion. Là, il retrouve des policiers qui l’avaient escorté à la frontière lors d’un premier séjour à Nice en 2018 comme il l’explique à Médiapart-> https://www.mediapart.fr/journal/france/241220/frappe-par-la-police-aux-frontieres-il-perd-un-testicule?onglet=full] : « Lorsque je suis arrivé, deux policiers du CRA m’ont pris en photo et commencé à remplir un formulaire. Ils m’ont dit : “Alors, tu es revenu !” Je les ai reconnus : c’est eux qui m’avaient escorté jusqu’à la frontière après un premier séjour à Nice, début 2018. Lorsqu’ils ont voulu prendre mes empreintes digitales, j’ai refusé, puisqu’ils les avaient déjà. L’un d’eux, habillé en civil, a dit : “Regarde, il va recommencer à nous embêter à nouveau.” »

C’est alors que Aymen Berhoumi va subir un déchainement de violences policières dont il ressortira mutilé suite à l’ablation de son testicule droit : « C’est alors qu’il m’a saisi par la gorge d’une main et plaqué contre le mur. Son visage était rouge. Son collègue, celui qui avait pris la photo, lui a prêté main-forte pour me plaquer contre le mur en criant :“Nique ta mère !” J’ai répondu par la même insulte. Comme j’avais la gorge serrée, j’ai bavé. Ils ont cru que je crachais. Ils m’ont menotté dans le dos après m’avoir fait tomber au sol. Ils m’ont mis un casque de boxeur sur la tête et m’ont serré les chevilles et les genoux avec du Velcro. L’un d’eux m’a écrasé la tête par terre avec son pied, un autre a posé son genou sur mes bras, au niveau des menottes. Alors que j’étais à plat ventre sur le sol, j’ai reçu des coups de pied sur le côté droit de mon corps, dans les côtes et les parties génitales. »

Par suite des violences policières, Aymen opéré en urgence et perd son testicule droit

Selon les éléments recueillis par Médiapart, ce déchainement de violences policières ferait office de vengeance de la part des forces de police. Après un premier épisode en 2018 où Aymen Barhoumi avait été expulsé laissant un « mauvais souvenir aux forces de police », il se retrouve nez à nez avec ces mêmes policiers. Au prétexte d’avoir refusé de donner ses empreintes digitales - qu’il avait déjà donné en 2018 - les policiers se déchainent alors : saisie à la gorge, tête écrasée, tabassé au sol sur les côtes et les parties génitales causant la mutilation de son testicule droit. Le lien de cause à effet entre les violences policières et l’ablation de son testicule droit est clairement explicité par le compte rendu d’intervention médicale : les médecins ont dû procéder à l’ablation de son testicule droit « suite à un coup reçu en centre de rétention ».

La version policière est-elle, comme par habitude, tout autre, et largement contredite par le rapport d’expertise médicale. Selon la police, Aymen aurait « menacé de les faire égorger par leur frère », essayé de donner un coup de tête à l’un d’entre eux, se serait volontairement cogné la tête au sol et enfin n’aurait reçu qu’un « coup de diversion » dans l’abdomen. Une version que la victime réfute, et dont le contenu est remis en question objectivement par le rapport des médecins eux-mêmes. Quand la police parle de « coup de diversion » à l’abdomen, Aymen se voit aujourd’hui mutilé d’un testicule suite à des coups portés en centre de rétention. Et pour cause, c’est le médecin qui l’a examiné avant le début de sa garde à vue a demandé qu’il soit amené aux urgences de l’hôpital, où il a été opéré dimanche soir. Il a fallu procéder à une orchidectomie (ablation de son testicule droit).

Crédits photos : Mediapart

« Aymen est arrivé en France entier, il est aujourd’hui mutilé, gravement atteint dans son intégrité physique », synthétise son avocat Samih Abid. Une mutilation qui a des conséquences irréversibles puisque les capacités de procréation sont diminuées, sans compter les séquelles psychologiques. On ne peut qu’imaginer la violence des coups subis pour en arriver à la nécessité de l’ablation d’un testicule.

Mutilé suite aux violences policières, Aymen est toujours menacé d’expulsion…

En outre, Aymen a dû repasser deux jours plus tard aux urgences pour des douleurs dans les côtes. Les habitants de son quartier se sont cotisés pour payer ses frais d’avocat et il est à présent libre. Cependant, c’est bien la double peine que risque toujours Aymen. Les violences policières et une mutilation ne suffisent pas, Aymen est toujours menacé d’expulsion de sorte qu’il doit toujours quitter le pays et ne peut y revenir pour les deux prochaines années.

C’est donc une nouvelle affaire de violences policières, une affaire malheureusement parmi tant d’autres dramatiques cas de personnes mutilées par la police. Une police quasiment toujours impunie, comme dans l’affaire Cédric Chouviat, ce livreur tué en janvier dont les agresseurs n’ont pas été suspendus ou l’affaire Michel Zecler plus récemment, où deux policiers ont été relaxés alors que Michel aura des séquelles à vie, de même que dans le cas de Maria, 20 ans, jeune fille Marseillaise dont le crâne a été endommagé jusqu’au cerveau en décembre 2018, un dossier qui a reçu un non-lieu ! Une impunité écœurante.

Non, ce ne sont pas des soi-disant « brebis galeuses » qui « gangrènent » la police mais bien le rôle coercitif de l’institution policière qui a pour objectif le maintien de « leur ordre » dont celui de la traque aux sans-papiers au nom de la défense de frontières mortifères qui tuent.

Pour Aymen, tout a commencé avec un énième contrôle au faciès. Être sans-papiers, c’est encore plus d’impunité pour les policiers qui s’en donnent à cœur joie pour frapper ceux qui de faite n’ont aucuns moyens de se défendre. Ces événements cités ne sont ainsi qu’une infime partie de l’iceberg, et ne bénéficient jamais de couverture médiatique. Face aux violences policières qui touchent en première ligne les sans-papiers, il est vital que nous puissions continuer à filmer les policiers et à protester contre les lois liberticides, la loi Sécurité Globale, qui ne vont qu’aggraver la condition des plus précaires. Une condition qui est d’autant plus précaire lorsqu’on n’a pas de papier. En ce sens, il est nécessaire de lier la lutte contre les violences policières avec la revendication de la régularisation de tous les sans-papiers.


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