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Nuit Debout s’exporte dans les banlieues

#BanlieuesDebout. Première Nuit Debout à Saint-Ouen (93), dans un grand enthousiasme

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Ce mardi soir, une première Nuit Debout a rassemblé au moins 60 personnes de façon quasiment spontanée à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis. Le mot avait commencé à circuler au marché de Garibaldi dimanche matin, après que des militants de la place de la République aient été à l’initiative de venir à la rencontre des Audoniens pour installer Nuit Debout dans la ville. Ce qui devait être un premier rendez-vous de discussion dans un café a vite tourné à une véritable AG ayant attiré des dizaines de personnes, après que l’appel ait été relayé sur Twitter. Rassemblés sur la place devant le square Marmottan au métro Garibaldi, des jeunes Audoniens, mais aussi des moins jeunes et des gens venus d’ailleurs, ont répondu à la volonté d’exporter Nuit Debout en banlieue. Après plus de 2 heures d’échanges, rendez-vous a été donné pour reconduire la Nuit Debout le lendemain à 20h devant la mairie de Saint-Ouen.

Quand Nuit Debout cherche à s’étendre aux quartiers populaires

Cet appel à étendre Nuit Debout aux quartiers populaires a été lancé quelques jours seulement après le 31 mars. Le 9 avril sur la place de la République à Paris, Almamy Kanouté (mouvement Emergence), prenait la parole pour inviter à « aller en banlieue, ne pas rester place de la République », parce qu’ « on est nombreux à se poser la question : où est la banlieue ? ». Et revenant sur son parcours personnel : « Je me suis intéressé à la politique parce que localement je sentais du mépris de la part des cols blancs de ma ville. Leur souhait c’était de me voir enfermé dans mon association, organiser des tournois de foot, des évènements culturels, rester enfermé dans mon quartier. Et le jour où j’ai quitté mon quartier, j’ai rencontré des gens intéressants ». Almamy Kanouté concluait sous un tonnerre d’applaudissements que « si on réussit à faire la fusion entre les Parisiens et les banlieusards, là, ils auront peur »

C’est bien la perspective de cette jonction qui était évoquée ce soir à Saint-Ouen. L’assemblée a duré deux heures trente au cours desquelles les gens ne cessaient d’affluer, certains attirés par la seule pancarte « Nuit Debout » suspendue à l’entrée du parc, tous ayant entendu parler du mouvement, de près ou de loin. L’AG a commencé avec un premier tour de parole et de présentation où chacun racontait un peu pourquoi il était là et ce qu’il attendait de la mobilisation.

Contre la loi travail et bien plus, pour un autre modèle de société

Intervention après intervention, la parole se déliait et la colère s’exprimait, contre la loi travail mais bien plus largement, dénonçant les injustices de la société. « Ils veulent faire de nous de la chair à canon pour les élites, une poignée qui décide à la place de tous les autres », s’indignait l’un des présents. « On se bat contre le gouvernement, certes, mais la question c’est surtout de savoir si on veut un gouvernement », interrogeait une femme. « Au-delà des différentes luttes, la question qui se pose c’est celle du pouvoir », rebondissait un troisième, tandis que l’assemblée marquait son accord en tournant les deux mains en l’air. « Quand on voit que l’Etat débloque 650 millions pour les salaires des flics, après une seule manifestation, et qu’à côté de ça, ils proposent seulement 400 millions pour toute la jeunesse, c’est qu’il y a un problème » ; « On ne peut pas refuser que des personnes dorment dehors alors qu’il y a tant de richesses. Tant qu’une personne dort dehors, on ne peut pas considérer qu’on est une civilisation », entendait-on encore.

Parmi les sujets mentionnés, se trouvaient la question de l’état d’urgence, de la criminalisation du mouvement social et de la répression des manifestations, qui prennent une teneur toute particulière à Saint-Ouen où police et militaires patrouillent devant les lycées. Un débat a eu lieu sur le fait de sortir ou non de l’Union européenne.

Un axe de discussion amené par de nombreux intervenants était la question du travail et de la précarité : « On peut se demander si le travail c’est l’émancipation ou si ce n’est pas plutôt l’esclavagisme ! » ; « On se bat contre une loi, mais contre bien plus, ce qui n’est pas normal c’est qu’on puisse nous faire travailler en CDD, ne pas savoir ce qu’on deviendra dans 6 mois ». « C’est pas Valls ou El Khomri le problème, c’est le système ». Différents témoignages personnels ont aussi ponctué les échanges. « Je travaille à la porte de Saint-Ouen, il y a plein d’entreprises dans le coin, et j’aimerais bien qu’à midi, au lieu de manger chacun dans notre coin, on puisse se réunir pour discuter. Et puis il ne faut pas oublier qu’à Saint-Ouen il y a PSA, on pourrait penser à des actions envers eux aussi ». « Je travaille dans la fonction publique, j’ai un CDI (tonnerre d’applaudissements ironiques), mais je sais que dans quelques années, je pourrais me faire virer pour des questions économiques ».

Convergence des luttes

Il a été fait un point sur les luttes en cours et les revendications de différents secteurs, notamment celui des cheminots et de la fonction publique. « Comment peut-on assurer une mission de service public avec des contrats de six mois ? » s’interrogeait à juste titre un éducateur. « Il faut refuser le nivellement par le bas, revendiquait une jeune travailleuse. Si les cheminots ont plus de droits que nous, très bien qu’ils aient des droits ! Nous voulons les mêmes, et non pas que leurs conditions de travail se dégradent ! ». Plusieurs interventions allaient ainsi dans le sens de renverser les stéréotypes, qu’il s’agisse de ceux formulés à l’égard des banlieusards, des migrants, des fonctionnaires, des chômeurs ou bien d’autres catégories de la population. « À force, on regarde dans la gamelle d’à côté, au lieu de voir le pognon que se mettent dans les poches ceux qui sont au-dessus ».

Les oppressions en débat

Un débat intéressant s’est ouvert sur les modalités de prise de parole, avec la préoccupation de veiller à ce que les secteurs opprimés – femmes, LGBT, personnes racisées… – s’expriment en AG. Il a été voté de donner la parole en premier lieu à ceux ne s’étant pas encore exprimés dans l’AG, et de veiller à ce que les femmes puissent s’inscrire en priorité pour intervenir, sans pour autant faire de la parité un principe absolu. Ce point qui pouvait sembler technique a ouvert un débat entre ceux qui pensaient qu’on n’avait pas besoin de ce type de règles en AG, puisque nous partagions l’idée de vouloir construire une société émancipée, et ceux qui défendaient que ce type de pratique était nécessaire dans la mesure où les rapports de domination existent bel et bien dans la société actuelle. Cela est d’autant plus vrai dans la mesure où les inégalités sociales quant à l’accès à l’éducation sont encore plus fortes en banlieue. Il est donc évident que tout le monde n’a pas la même aisance pour s’exprimer et intervenir, même dans une assemblée se voulant émancipatrice.

Et des propositions

Parmi les propositions évoquées lors de cette première Nuit Debout à Saint-Ouen, celle de projeter le film Merci Patron, de mettre en place différentes commissions de réflexion, notamment autour des thèmes migrants-banlieues-logement, de se solidariser avec la lutte locale contre la fermeture de la bibliothèque Glarner à Saint-Ouen.

Plusieurs rendez-vous militants ont été donnés, la plupart mis en ligne sur le site convergence-des-luttes.org. L’un ce mercredi à midi devant la salle Barbara derrière la Mairie de Saint-Ouen avec les enseignants de Saint-Ouen se battant contre le manque de moyens, la précarité et le non remplacement des profs absents. Ils iront en manifestation jusqu’au ministère de l’éducation nationale. Un second rendez-vous évoqué est celui des cheminots, ce même jour à 11h à Montparnasse alors que sera négociée la convention collective du rail. Enfin, un hospitalier a mentionné l’initiative Hôpital Debout, qui tiendra sa première AG ce jeudi à 17h Place de la République à Paris.

L’AG s’est terminée à 22h30 dans un grand enthousiasme, avec la volonté d’élargir le mouvement à Saint-Ouen et de réfléchir à des actions pour faire connaître l’initiative et impliquer davantage les classes populaires. Un rendez-vous a été donné pour une deuxième Nuit Debout ce mercredi soir devant la mairie de Saint-Ouen, et les discussions se sont poursuivies tardivement entre certains des présents.


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