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Racisme d'État

Belgique. 456 sans-papiers en grève de la faim pour obtenir leur régularisation

Depuis fin janvier, plusieurs centaines de sans-papiers ont décidé d’occuper trois lieux de Bruxelles pour obtenir leur régularisation. Voyant que le gouvernement fait la sourde oreille face à leur revendication, ils ont décidé de se mettre en grève de la faim, et ce depuis le 23 mai !

Arthur Coste

28 juin 2021

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C’est dans un contexte de crise épidémique qui a particulièrement touché les travailleurs et travailleuses sans-papiers que la mobilisation s’est mise en place. Nombre d’entre eux ont été laissés pour compte, sans sécurité sociale et sans accès aux soins. Ces derniers se sont retrouvés dans des conditions encore plus précaires qu’ils ne l’étaient auparavant, ce qui a été la goutte d’eau faisant déborder le vase. Ils ont donc décidé de se mobiliser fin janvier, en occupant trois lieux de Bruxelles : l’église de Béguinage, l’université libre de Bruxelles (ULB) et la Vrije Universiteit Brusselles (VUB). Cette action visait à faire pression sur les autorités belges car ils n’avaient aucune autre solution pour se faire entendre et demander leur régularisation.

Mais après presque 4 mois d’occupation sans réponse du gouvernement, le 23 mai, 456 personnes ont décidé de se mettre en grève de la faim pour faire plier le gouvernement. Ces personnes sont pour la plupart sur le territoire Belge depuis de nombreuses années. À ce sujet et selon l’article de Mediapart, certains des grévistes sont en Belgique depuis 20 voire 30 ans sans avoir jamais été régularisés. C’est cette situation insoutenable qui les poussent à tenir depuis 1 mois leur grève de la faim : beaucoup d’entre eux font des crises d’angoisse, ont des signes de fatigue et de détresse psychologique.

À cela le gouvernement répond par la « discussion », histoire de faire durer le processus et ne pas avoir à céder aux revendications des grévistes. Le secrétaire d’État à l’asile et à la migration se dit préoccupé et « espère qu’ils mettent fin à leur action ». Mais les grévistes sont déterminés et ils ont déjà refusé d’être traités au cas par cas en exigeant une régularisation urgente de tous les grévistes, puis de tous les sans-papiers. En soutien à cette grève de la faim, une manifestation a été organisée le 20 juin réunissant des milliers de personnes dans la rue (4000 selon les organisateurs), pour faire entendre leurs revendications.

Un racisme d’État omniprésent

Dans un pays qui compte 100 000 à 150 000 sans-papiers pour une population de 11,46 millions (soit environ 1,3% de la population), le gouvernement décide de fermer les yeux sur leurs conditions de vie précaires. Mais cette politique réactionnaire sur la question migratoire est en place depuis maintenant un bon moment. En effet, en 10 ans, 100 000 étrangers en situation irrégulière ont été renvoyés vers leur pays d’origine. Par ailleurs, la Belgique a aussi l’une des politiques de régularisation les plus dures d’Europe occidentale.

En effet, pour pouvoir être régularisé, il faut avoir un employeur prêt à vous embaucher. Cependant, étant donné que la procédure pour obtenir un permis de travail est longue, la plupart du temps l’employeur n’a déjà plus besoin du travailleur et ce dernier se voit retirer sa carte, comme en témoigne l’article de Médiapart. Il faut aussi constater que selon le cabinet du secrétaire d’État à l’asile et à la migration, cette procédure est une exception. Seulement 3508 personnes ont été régularisées en 2020, ce qui est très peu au regard du nombre de sans-papiers en Belgique.

Mais le fait qu’il y ait des migrants qui viennent en Belgique est la résultante de sa propre politique impérialiste. La Belgique, même si on a tendance à l’oublier, est une ancienne puissance colonisatrice. Parmi les colonisés, le Burundi, le Rwanda et le Zaïre (actuellement République Démocratique du Congo) et a eu l’une des politiques coloniales les plus meurtrières (entre 1 et 15 millions de morts au Congo). Et aujourd’hui, cette politique impérialiste continue de provoquer des morts et de déstabiliser des régions entières en Afrique notamment avec ce qu’on a appelé les « diamants de sang », auquel la Belgique a largement participé.

Mais même à l’intérieur de ses frontières, la Belgique continue d’opprimer ces populations, notamment par sa politique de non-régularisation. Car les effets de ce genre de politique dépassent largement le simple cadre légal. En étant sans-papiers, bon nombre de personnes se retrouvent à accepter des travails informels et qui contribuent largement à leur précarité, car de ce fait ils ne sont pas soumis à la limitation du SMIC ni à aucune garantie de sécurité de l’emploi. À cela, il faut ajouter que par conséquent, ils n’ont pas accès à des soins décents ni à aucune sécurité sociale. Ce qui, dans une période normale, est déjà très difficile mais, dans une période de pandémie mondiale, devient encore plus alarmant. Et pour fait, bon nombre de sans-papiers, puisqu’ils n’avaient pas les moyens de se protéger, ont été contaminés par le COVID-19 lorsque l’activité a commencé à reprendre. Ils ont aussi, pour beaucoup, perdu leur travail, et n’ont reçu aucune indemnité face à cette situation. En somme, la politique belge en matière de régularisation des sans-papiers ne fait que créer des populations de seconde zone et qui vivent dans des situations particulièrement précaires alors que la Belgique est pourtant un pays riche et développé.

Face à cette situation, il est important de soutenir les grévistes dans ce combat. Cette politique anti-migratoire ne concerne pas seulement la Belgique mais aussi la France et bien d’autres pays européens qui continuent d’exercer une politique sécuritaire et précarisante à l’égard des sans-papiers alors même que ce sont eux qui permettent à la société de tourner en temps de pandémie. Plus globalement, il est plus que jamais nécessaire de revendiquer la régularisation de tous les sans-papiers et l’ouverture des frontières, de Paris à Bruxelles !


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