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Après les Gilets jaunes ?

Blocage de dépôts pétroliers : qui sont les « gilets orange », mobilisés contre la hausse des prix du carburant ?

Depuis vendredi, des dizaines de petits patrons du BTP, artisans et salariés bloquent plusieurs des sites de stockage de pétrole dans l'Ouest et en Bretagne. Ces « gilets oranges » se mobilisent contre une hausse des prix du carburant qui s’attaque plus particulièrement aux petites entreprises laissant quasi sain et sauf les grands géants du BTP.

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Blocage du dépôt de Vern-sur-Seiche. Crédit photo : Damien Meyer / AFP

Les dépôts de Brest, Lorient, Rennes, Le Mans, La Rochelle sont bloqués depuis vendredi par des petits-patrons du BTP, des artisans et quelques salariés. Pour bloquer, les petits patrons bloquent les ronds-points qui mènent aux dépôts de carburant avec leurs engins de chantier et s’installent pour bloquer dans la durée. Près de 438 stations essences sont en ruptures totales de carburant, plus de 70 par une rupture partielle ce 2 décembre à 15h.

Ce qui a poussé les professionnels du BTP à entrer en action la semaine dernière, consiste en une mesure inscrite dans la loi de finance 2020 qui prévoit la suppression des tarifs réduits sur le Gazole Non Routier (GNR, utilisé pour les engins de chantiers, mais aussi agricole, ferroviaires et maritimes) pour le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics. En faisant passer le prix d’un litre de GNR de 80 centimes à 1,40€, cela représentera un coût de 750 millions d’euros pour les utilisateurs de ce carburant. Pour le gouvernement, ce tarif préférentiel consiste en une niche fiscale qui est voué à disparaitre à partir de 2020 pour s’aligner sur la taxe du gazole routier en 2023.

Une taxe qui s’attaque aux petites entreprises et laissent les gros du BTP quasi indemnes

Un artisan qui œuvre seul dans son entreprise, Dominique Le Goff, interviewé par le journal Le Monde estime ainsi la perte annuelle à 10 000 euros. D’autre comme son voisin qui a légué la société à son fils, une petite entreprise qui emploie cinq salariés va perdre entre 40 000 à 60 000 euros. Il affirme au journal Le Monde : « On nous demande un effort au nom de l’écologie… Pourquoi pas. Cependant, tout le monde doit être mis à contribution ! ». Le président de la CAPEB (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) en Lozère, Jean-Michel Marques, a expliqué à Midi Libre « Les très grands groupes sont touchés, mais eux ont négocié. Mais les petits, nous n’avons rien négocié. ». Patrick Liébus, lui aussi de la CAPEB affirme que les grands groupes de travaux publics « s’en sortiront car ils auront l’autorisation d’augmenter leurs prix pour compenser. Tandis que les artisans et les petites entreprises, qui seront plus touchés que les autres, feront face à des difficultés supplémentaires entraînant la destruction d’emplois ».

Petits artisans et salariés mobilisés pour survivre

Ainsi, ce mouvement incluant petits patrons mais aussi artisans et salariés se mobilise contre la hausse du carburant imposé par le gouvernement. Cette hausse qui s’applique de manière extrêmement brutale contre ces petites entreprises du BTP pourrait asphyxier le secteur de l’artisanat. Un risque de cessation de paiement pour les petits entrepreneurs et artisans, tandis que les grandes entreprises du BTP, en usant du rapport de force, devraient s’en sortir aisément en répercutant la hausse sur leur prix.

Dès lors, on retrouve parmi les bloqueurs des franges de salariés qui se revendiquent des gilets jaunes. Ainsi un des salariés mobilisés sur les blocages, interviewé par Le Monde, Cyril Petton, déclare que leur « colère est finalement la même que celle des « gilets jaunes » ou des agents du service public. On se mobilise aussi pour le pouvoir d’achat. ». Un bloqueur affirmait : « ‘’Le gouvernement doit entendre nos revendications !’’ Sinon quoi ? ‘’Peut-être faudra-t-il de la casse pour obtenir gain de cause’’. »

Un mouvement hétérogène marqué par de multiples contradictions

Ce mouvement est interclassiste, c’est-à-dire hétérogène en termes de classes, incluant à la fois des petits patrons, jusqu’à 20 salariés, des petits artisans, ou encore des salariés. Pour l’heure, ceux qui dirigent le mouvement, les représentants de la CAPEB tentent de maintenir le mouvement sur la base de revendications propres aux secteurs. Ainsi, les représentants du mouvement qui n’en est pas à sa première estocade a donné pour consigne « pas de chasuble jaune ici », une consigne donnée au précédent blocage en 2018. Ainsi, les responsables du mouvement ne souhaitent pas mélanger les luttes et les revendications. « Les retraites ? Les entrepreneurs n’en auront pas. Ce n’est pas notre combat », explique un des représentants.

Pourtant à la base, certains petits patrons refusent le terrain sur lequel le gouvernement mais aussi certains représentants des directions de la CAPEB veulent les emmener comme la lutte contre « la concurrence déloyale ». Ainsi, face à la proposition du ministre de l’Économie qui aurait proposé de de renforcer les contrôles pour les agriculteurs qui utiliseraient un carburant moins cher, Norbert Guillou s’insurge : « C’est encore pire qu’avant, pour. Il s’attaque aussi au monde agricole. On invite le monde agricole à se mobiliser avec nous » explique-t-il au journal Le Télégramme.

Plus encore, la radicalisation des méthodes n’est pas au goût de ceux qui négocient avec le gouvernement. Ainsi, Patrick Liébus, représentant de la CAPEB dénonce le blocage des dépôts pétroliers : « Ces actions empêchent des petites entreprises de travailler et cela peut leur être préjudiciable. Beaucoup d’entre elles ont déjà été impactées par la crise des gilets jaunes l’année dernière et un nouveau blocage dans cette période importante pour leur activité pourrait conduire à des faillites » tentant ainsi de calmer la colère qui monte parmi les artisans.

Contre ce gouvernement au service des grandes entreprises du BTP

Si ce mouvement est largement hétérogène, il est difficile de ne pas voir une forme de similarité avec une partie des Gilets jaunes mobilisés contre la hausse des prix du carburant. Après avoir essuyé le refus à de multiples reprises de gouvernement, le mouvement tend à se radicaliser d’autant plus face à la répression du gouvernement qui réquisitionne 11 stations essences, mais a fait intervenir la police pour empêcher le mouvement de bloquer la raffinerie de Donges près de Nantes. Alors que 3 des 4 ronds-points menant à la raffinerie ont été bloqués, le dernier sous bonne surveillance des CRS n’a pu l’être.

Mais pour l’instant, une bonne partie du mouvement n’est cependant pas encore dans une dynamique de convergence avec le mouvement pour les retraites comme en témoigne les propos d’un des représentants : « Les retraites, les entrepreneurs n’en auront pas ? Ce n’est pas notre combat » a notamment déclaré l’un d’eux.

La nécessaire convergence des colères avec les retraites pour lutter contre le grand capital

Face à cette attaque du gouvernement qui vise à ouvrir de nouveau marchés aux grandes entreprises du BTP, il s’agit de voir que l’ennemi est commun : un gouvernement au service des grandes multinationales. Les petits patrons du BTP luttent contre les mêmes mesures qui ont fait éclater la colère des Gilets jaunes. Et qui plus est la réforme des retraites va toucher de manière brutales les retraites des régimes indépendants de même que celles des salariés des petites entreprises.

Défendre individuellement le gagne pain du secteur ne peut produire aucune garantie quant à l’avenir. Et qui plus est pour construire le rapport de force, il s’agirait, plutôt que de sectoriser la lutte contre cette taxe qui vise à déclasser cette frange du petit patronat, de l’articuler dans un mouvement d’ensemble en alliance avec le monde du travail, les Gilets Jaunes et la jeunesse qui descendront dans la rue le 5 décembre eux aussi contre le gouvernement et la réforme des retraites mais aussi Macron et son monde au service du grand capital.

Contre l’asphyxie des petits artisans, l’abandon de cette hausse de taxe ne suffira pas tant les grandes entreprises ont pignon sur rue pour imposer la mort à petit feu du secteur. Ainsi si l’encadrement des prix du carburant peut être une revendication, ce dont il s’agirait serait d’exiger l’expropriation des grandes entreprises du bâtiment, et cela d’autant plus qu’elles font du Travaux public. Ce serait ainsi l’exigence de la nationalisation sous contrôle des salariés de tout le secteur du bâtiment public qu’il s’agirait d’obtenir. Ce serait par ailleurs la seule façon d’imaginer une planification qui soit en mesure d’être en respect avec l’écologie. Mais pour cela, il s’agirait de faire que ces colères qui coagulent en ce début de mois de décembre, finissent par s’articuler derrière le monde du travail pour gagner contre le gouvernement.


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