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Bolsonaro antiféministe. « L’avortement ne sera jamais autorisé sur notre sol »

La semaine dernière, Jair Bolsonaro a réagi sur les réseaux sociaux à la légalisation de l'avortement en Argentine. Ses positions ouvertement sexistes et réactionnaires laissent entrevoir une peur d'un déferlement de la marée verte argentine dans les pays voisins, qui pourrait donner confiance aux féministes brésiliennes.

Adrien Balestrini

4 janvier 2021

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La légalisation du droit à l’avortement la semaine dernière en Argentine n’a pas manqué de causer des remous chez les réactionnaires de tout bord. Parmi eux, le président brésilien Jair Bolsonaro n’a pas loupé cette occasion pour hurler avec les loups. Sur son compte Twitter, il a repris les argument de l’extrême-droite religieuse et des militants anti-avortements en déclarant que les « vies des enfants argentins » pourront être « fauchées dans le ventre de leur mère » avec le « consentement de l’État ».

L’accès à l’avortement est un droit non négociable !

Comme dans la plupart des pays d’Amérique Latine, y compris en Argentine avant la récente légalisation de l’avortement, le Brésil est un pays où l’avortement est puni de trois ans de prison et n’est permis qu’en cas de viol, de danger pour la mère ou de grave malformation du fœtus. Ces restrictions ne constituent pas des droits en soi en raison de l’attente de décision juridique autorisant l’avortement en question et sont bien souvent utilisées par les autorités pour faire traîner les dossiers jusqu’à rendre impossible l’avortement.

Ce fut le cas, l’année dernière en Argentine, d’une jeune fille de 11 ans de la province de Tucuman, enceinte après avoir été violée par le mari de sa grand-mère : elle avait déposé une demande d’avortement qui avait fini par rester sept semaines en attente, à cause de l’objection de conscience invoquée par plusieurs médecins. À 23 semaines de grossesses, les médecins ont décidé de pratiquer une césarienne sur l’enfant, soumettant son corps à la torture d’un accouchement non désiré à la suite de violences sexuelles pédophiles.

Ainsi au Brésil, contrairement à ce que laisse entendre le tweet de Bolsonaro, ce n’est pas la vie des fœtus qui sont « fauchées » mais bien celle des femmes et des jeunes filles qui se retrouvent dans l’obligation de se mettre dans des situations dangereuses si celles-ci veulent avorter. L’ancienne représentante du ministère de la santé du gouvernement de Michel Temer, la docteure Maria de Fatima, affirme qu’une Brésilienne sur cinq aurait déjà avorté, mais aussi que chaque année 203 femmes meurent à l’issue d’avortements clandestins et que 250 000 sont hospitalisées à la suite de complications - selon les chiffres du gouvernement qui laissent entrevoir une réalité encore plus choquante.

Alors, quand Jair Bolsonaro déclare vouloir « protéger la vie des innocents », il piétine celle de millions de femmes et affirme que, pour ces dernières, la parentalité n’est pas un choix mais une obligation « sacrée » imposée aux femmes brésiliennes. Une manière de s’assurer le bon œil de ses soutiens chez les fondamentalistes religieux chrétiens, qui ont un poids politique non négligeable dans un pays où les intérêts de l’Église se mélangent à ceux du gouvernement.

Le bilan sanitaire catastrophique de Bolsonaro, le« Trump des Tropiques »

Le président brésilien n’est pas particulièrement connu pour briller quand il s’agit de santé, et ce n’est pas une exagération de dire qu’il verse carrément dans l’incompétence lorsqu’en emboîtant le pas de l’extrême-droite du pays, il tend à nier l’étendue des dégâts causés par le virus - le qualifiant de « gripette ». Il avait profité d’un appel lancé à la population début novembre pour renforcer son discours réactionnaire et homophobe, où il déclarait que le Brésil devait « arrêter d’être un pays de pédé », c’est à dire qu’il ne fallait pas avoir peur du virus alors même que son bilan était alors de 162 000 morts et plus de 5 millions de personnes contaminées. À la date du 3 janvier, ces chiffres s’élèvent à 196 018 décès et à environ 8 millions de cas, selon les données récoltées sur l’épidémie par le Centre des systèmes scientifiques et de engineering de l’Université John Hopkins (CSSE JHU).

Le mouvement féministe argentin montre la voie !

Rien d’étonnant alors à ce que Bolsonaro ait plutôt mal avalé la victoire du mouvement des femmes en Argentine. Le président brésilien est vivement contesté dans son propre pays par le mouvement féministe et le mouvement LGBTI, qui s’étaient mobilisés pendant et après les dernières élections présidentielles autour du « Ele Nao » (« pas lui »), ainsi que pendant la pride de 2019. La marche des fiertés de Sao Paulo, pride mondialement connue pour ses chars et son ambiance, avait été rythmée par des slogans anti-Bolsonaro.

Le Brésil traverse une crise politique et sanitaire, avec des élections municipales qui ont révélé un affaiblissement relatif à travers la défaite des candidats issus de listes « bolsonaristes », ainsi que celle d’alliés au niveau international avec la déroute de Donald Trump au États-Unis mais aussi du putschiste Luis Camacho en Bolivie. Dans son isolement, Bolsonaro pourrait se retrouver confronté à un mouvement féministe brésilien qui, nourri de la victoire de ses voisines, serait déterminé à faire mentir son président lorsqu’il déclare : « Tant que cela dépendra de moi ou de mon gouvernement, l’avortement ne sera jamais autorisé sur notre sol. »

Les féministes argentines ont montré la voie d’un combat sur laquelle les femmes et les LGBTI doivent s’engager à l’international pour se libérer de l’exploitation et de l’oppression du capitalisme patriarcal !


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