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Crise politique au Brésil

Brésil. Attentat à la bombe raté, un bolsonariste voulait imposer « un coup d’État »

Lula deviendra Président du Brésil le 1er janvier. Une cérémonie sous haute tension, alors que les bolsonaristes multiplient les appels à l’armée et les manifestations violentes. Samedi un homme a été arrêté après avoir essayé de faire exploser une bombe pour inciter l’armée à prendre le pouvoir.

Joachim Bertin

27 décembre 2022

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Samedi, un homme a été arrêté pour avoir tenté de faire exploser une bombe à proximité de l’aéroport de Brasilia. L’engin explosif avait été placé sur un camion-citerne et a été déclenché, c’est seulement à cause d’un défaut technique que l’explosion ne s’est pas produite. Une explosion qui aurait pu être redoutable si elle avait eu lieu à proximité d’avions avec des passagers à bord.

Le concepteur de la bombe, Georges Washington de Oliveira Sousa est employé de station-service dans l’État du Para, à plus de 2000 kilomètres de la capitale fédérale. Depuis le mois de novembre, il prend part aux attroupements de bolsonaristes devant le quartier général de l’armée à Brasilia pour demander aux militaires de prendre le pouvoir et empêcher l’intronisation de Lula comme Président de la République fédérale le 1er janvier prochain. Sa tentative d’attentat a été préparée avec d’autres bolsonaristes et avaient pour but de déstabiliser le pays et inciter les Forces Armées à faire un Coup d’État et imposer l’état de siège. Ceci afin d’« empêcher l’établissement du communisme au Brésil ».

Au domicile de l’apprenti-terroriste, la police fédérale a saisi des armes pour une valeur de 160.000 reais (près de 30.000 euros) : deux fusils de chasse, une carabine, deux revolvers, trois pistolets, un millier de munitions, des uniformes camouflés et cinq émulsions explosives utilisées dans les mines et similaires à celle utilisée dans la bombe. Lors de son interrogatoire, il s’est dit « inspiré » par les paroles de Jair Bolsonaro qui a régulièrement incité ses partisans à s’armer.

Si Bolsonaro a implicitement reconnu sa défaite après l’élection, il laisse planer un certain nombre d’ambiguïtés à même de mobiliser ses partisans, qui se mobilisent de plus en plus violemment à travers tout le pays, après s’être rassemblés depuis des semaines devant les casernes de l’armée. Au début du mois, brisant quarante jours de mutisme et de disparition des radars médiatiques, Bolsonaro a ainsi affirmé : « les forces armées sont essentielles dans tous les pays du monde, elles sont l’ultime rempart contre le socialisme ». Puis d’ajouter :« Ceux qui décident de mon futur, d’où je vais, c’est vous. Ceux qui décident d’où vont les forces armées, c’est vous ».

Assaut du Capitole, épisode 2 ?

Les similitudes entre Trump et Bolsonaro ont souvent été soulignées. Le spectre d’une tentative de Coup d’État des bolsonaristes à l’image de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 est dans toutes les têtes. Car, si Bolsonaro a été battu, d’une courte tête, dans les urnes, ces élections ont marqué un renforcement et un enracinement très important du bolsonarisme.

A lire : Brésil. Lula remporte les élections mais le bolsonarisme sort renforcé : il faut le combattre dans la rue !

Cette tentative d’attentat est donc à prendre au sérieux et illustre la radicalisation de la base bolsonariste chauffée à blanc depuis plusieurs semaines. Le 12 décembre dernier, une manifestation violente a éclaté à Brasilia, lorsque des bolsonaristes ont tenté d’envahir le quartier général de la police fédérale. Cette manifestation faisait suite à l’arrestation du cacique José Acacio Serere Xavante, pasteur évangéliste et agitateur putschiste qui propage l’idée d’une fraude électorale. Des bus et des voitures avaient alors été brûlés.

Des violences avaient déjà eu lieu, lorsque les bolsonaristes avaient monté des barrages dans tout le pays à la suite du scrutin. A l’approche de la passation de pouvoir, les aventures de l’extrême droite se multiplient.

Une passation à laquelle Bolsonaro refusera d’assister. Celui-ci partira dès le 28 décembre se « reposer » en Floride pour un mois ou deux, selon son entourage, dans la luxueuse résidence de Mar-a-Lago à Palm Beach, propriété d’un certain Donald Trump. L’ancien président ne remettra donc pas l’écharpe présidentielle à Lula, pour lui enlever un peu de légitimité. Mais au-delà du symbole, il cherche aussi peut-être à se prémunir d’une arrestation alors qu’il pourrait être poursuivi par la justice pour de nombreuses affaires suite à la perte de son immunité présidentielle.

Au lendemain de la défaite de leur père, Flávio et Eduardo Bolsonaro, avaient déjà essayé de faire valoir leur ascendance italienne pour demander la citoyenneté, également pour échapper à de possibles accusations, dont il serait impossible de dresser toute la liste ici, entre appropriation mafieuse de terres publiques (le grilagem), corruption, emplois fictifs ou encore des liens étroits dans l’assassinat de Marielle Franco en 2018. Une sorte de filet de sécurité en cas de mauvaise tournure des événements, car les Bolsonaro possèdent dans tous les cas de nombreux amis et proches collaborateurs dans l’appareil judiciaire.

Lire aussi : Brésil : Un an après le meurtre de Marielle Franco, deux anciens policiers arrêtés

C’est dans la rue, pas dans les urnes ou dans les ministères, que l’extrême droite peut être écrasée

Symboliquement, Bolsonaro poursuit donc son lignage revendiqué avec la dictature militaire. Pour retrouver un Président brésilien qui refuse de remettre directement son écharpe à son successeur, il faut remonter à João Baptista de Oliveira Figueiredo, dernier président de la dictature militaire, qui a duré de 1964 à 1985. Celui-ci n’avait pas voulu faire cet honneur à José Sarney, premier civil à la tête du pays depuis après le Coup d’État militaire. Il s’agissait pourtant d’un oligarque, grand patron de presse corrompu jusqu’à la moëlle, qui a assuré la transition pacifique de la dictature militaire au régime actuel, celui de la Constitution de 1988, pour conserver les bases essentielles du capitalisme brésilien : la toute puissance des grands propriétaires terriens agro-exportateurs, de l’Église, et des dirigeants de l’armée et de la justice, marionnettes de l’impérialisme.

Les classes dominantes ont en effet une grande expérience dans la canalisation de la haine des classes populaires envers les militaires et l’extrême droite. Aujourd’hui, Lula est le principal outil de cette démobilisation, en appelant à la réconciliation nationale et en incitant les masses populaires qui le suivent à placer leur confiance dans son gouvernement de coalition qui va jusqu’à la droite néo-libérale de son vice-président Geraldo Alckmin. Cette figure de l’establishment politique brésilien a pourtant une importante responsabilité dans la montée du bolsonarisme et du pouvoir des Forces Armées au sein de l’État brésilien.

Ces illusions institutionnelles sont incapables d’offrir une réelle résistance au bolsonarisme et ne font qu’accroître les forces de l’extrême droite qui n’hésitent plus à passer à l’action directe. Les centrales syndicales et les mouvements sociaux brésiliens doivent appeler immédiatement à la lutte contre toutes les attaques dirigées contre les classes populaires et le mouvement ouvrier et à une résistance ouverte dans la rue et dans les entreprises face aux tentatives de Coup d’État de l’extrême droite. Ce n’est que par des méthodes de classe qu’il sera possible de lutter contre les plans des bolsonaristes et contre l’immense confusion qu’ils génèrent au sein des secteurs populaires et opprimés de la société brésilienne. L’alliance ouverte de Lula avec les représentants les plus haïs de l’establishment brésilien ne peuvent que renforcer cette confusion et avec elle, les forces réactionnaires.


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