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La polarisation s’accentue

Brésil. Les pro-Bolsonaro dans la rue, le semi-échec du gouvernement

Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue ce dimanche pour soutenir Bolsonaro. La crise par en haut s’accentue et risque d’attiser la résistance de la jeunesse et les travailleurs.

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Dimanche 26 mai des milliers de supporters du président d’extrême-droite Jair Bolsonaro se sont donné rendez-vous dans les rues d’au moins 140 villes brésiliennes. Bien que ces manifestations étaient prévues de longue date elles ont pris un caractère particulier avec l’accentuation des frictions entre les factions politiques des classes dominantes (à l’extérieur et à l’intérieur du gouvernement) et la mobilisation massive des la jeunesse et des travailleurs la semaine dernière contre les coupes budgétaires dans l’éducation et la réforme des retraites.

Il s’agissait donc de manifester pour défendre la politique de Bolsonaro face à ceux qui voudraient l’empêcher de gouverner, contre la « vieille politique ». Mais rapidement les mots d’ordre avaient pris une tournure fascisante exigeant la fermeture du Tribunal Suprême Fédéral (STF) de justice et du parlement, qui seraient les principaux obstacles pour le président. Ces mots d’ordres ont provoqué le rejet des mouvements de droite les plus mobilisateurs, qui avaient joué un rôle central dans le coup d’Etat institutionnel contre l’ex-présidente Dilma Rousseff comme le Mouvement Brésil Libre (MBL), mais aussi de la part de députés de droite et du centre et jusqu’à des députés du parti de Bolsonaro lui-même. Face à cette situation Bolsonaro n’a eu d’autre choix que de calmer ses partisans et de nuancer les mots d’ordre et ainsi essayer de briser la dynamique isolationniste dans laquelle il se trouve et de massifier les mobilisations.

Ainsi, l’axe des manifestations a changé et s’est centré sur le soutien aux réformes du gouvernement, notamment la réforme des retraites, « la mère de toutes les réformes ». Les organisateurs ont affirmé sur les réseaux sociaux et sur la presse qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de fermer le STF et le parlement. Cependant, les mots d’ordre ont visé exprès les députés du « grand centre », des partis qui pourraient effectivement bloquer ou retarder les réformes antipopulaires boolsonaristes.

Les manifestations ont été importantes, certes, mais pas à la hauteur de ce que le gouvernement aurait besoin pour imposer son hégémonie aux autres factions politiques des classes dominantes au parlement ni même aux fractions au sein de son gouvernement (notamment l’aile militaire). On peut même dire que non seulement le rapport de forces entre les factions dominantes n’a pas été modifié dans la rue mais que le résultat a été une accentuation des frictions. Et cela au moment précis où Bolsonaro doit chercher à composer avec les autres partis de centre et de droite pour faire adopter au parlement sa réforme des retraites. Comme l’affirme Folha de São Paulo : « selon un conseiller du président, si l’un des objectifs des manifestations était de faire pression [sur les députés du grand centre] pour un vote rapide de la réforme des retraites, l’effet pratique peut en être l’opposé : le retard comme une forme de revanche ».

A tout cela il faut ajouter une autre donnée : la contestation populaire aux attaques du gouvernement. En effet, les manifestations pro-Bolsonaro ont été nettement moins importantes que celles de la jeunesse contre les coupes budgétaires dans l’éducation le 15 mai dernier (argument repris de façon hypocrite par certains députés du « grand centre »). Cela n’est pas une donnée mineure pour Bolsonaro mais aussi pour le patronat et l’ensemble des partis du régime. Car au milieu d’une confrontation entre fractions de la classe dominante, les travailleurs et la jeunesse pourraient profiter des brèches pour mettre en échec l’ensemble de la politique néolibérale et antipopulaire du gouvernement.

Alors que la « clique » bolsonariste essaye de résoudre ses luttes internes et avec d’autres factions bourgeoises en mobilisant sa base sociale, cela pourrait attiser la polarisation sociale et politique, avec des méthodes extra-parlementaires. Et cela inquiète énormément non seulement le patronat et les députés au parlement mais même des membres du gouvernement. Aux yeux du patronat, la continuation de la crise politique ralentit le rythme des réformes mais aussi la confrontation politique et sociale dans la rue pourrait ouvrir une situation qui échappe du contrôle très rapidement. Une mobilisation comme celle de juin 2013, voire plus importante, fait partie des scénarios cauchemardesques des capitalistes brésiliens et ses « sponsors » impérialistes.

Comme on voit, rien n’est encore joué au Brésil. Le gouvernement Bolsonaro, loin des fanfaronnades de la campagne présidentielle, devra encore passer d’importants tests sur le terrain de la lutte de classes pour mener jusqu’au bout son projet réactionnaire d’ultra exploitation de la main d’œuvre et de soumission aux intérêts des capitaux étrangers, à commencer par les multinationales nord-américaines.

La nouvelle journée de mobilisation de la jeunesse contre les coupes dans le budget de l’éducation le 30 mai prochain et la grève générale contre la réforme des retraites convoquée pour le 14 juin prochain en seront des étapes importantes. Cependant, aujourd’hui la politique des bureaucraties syndicales et politiques dans le mouvement ouvrier et étudiant représente un obstacle majeur pour la construction du mouvement d’ensemble capable de faire reculer le gouvernement et le patronat. Ces directions syndicales et politiques réformistes font tout pour empêcher l’unification des différentes luttes, pour empêcher le développement de l’auto-organisation dans les universités et les écoles qui puisse donner une impulsion à l’organisation dans les lieux de travail. La mobilisation des prochains jours représente sans doute une opportunité pour dépasser cet obstacle de taille.


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