Coluche doit se retourner dans sa tombe en voyant la population sollicitant son association se rajeunir. Depuis deux ans, face à l’augmentation de la demande de la part des étudiants, les Restos ont su réagir en créant trois antennes qui leur sont spécialement dédiées, ouvrant à des horaires collant à leur emploi du temps. A Perpignan d’abord, puis près de Dunkerque l’année dernière, où en un an à peine la fréquentation étudiante a été multipliée par dix de ce fait, et maintenant à Rouen, où plus de 200 étudiants précaires affluent dans les rayons du centre des Restos. Autant de jeunes qui, à la pression de la réussite de leurs études, dans un contexte où la sélection s’inscrit même à l’université, se retrouvent contraints d’ajouter l’humiliation de ne pas pouvoir s’assumer seuls, courbant l’échine sous une précarité imposée.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Des études conjointes de l’UNEF, la LMDE et l’Observatoire de la vie étudiante montrent qu’en 2013, 100 000 étudiants sur les 2,2 millions vivaient en-dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de 650 euros par mois. Plus d’un quart avouaient avoir des difficultés pour assumer les « dépenses courantes », se nourrir, payer son loyer ou ses factures, et deux tiers se voyaient contraints de sauter un repas par jour. Parallèlement, plus de la moitié des étudiants sont aujourd’hui obligés de travailler à côté de leurs études pour subvenir à leurs besoins, se trouvant ainsi déconcentrés quand leur attention devrait être focalisée sur la construction de leur vie future, en accord avec leurs aspirations et non leurs besoins immédiats. Alors que le coût de la vie ne fait qu’augmenter, alors que l’État décide de raboter de 225 millions d’euros le budget alloué aux APL chaque année, et alors qu’un certain nombre déjà sacrifiaient leur santé faute de moyens pour recourir au système de soins, ils doivent maintenant recourir à la charité pour pouvoir manger.
Des mots des bénévoles de l’association, la majorité de ces étudiants sont étrangers. Quoi de plus étonnant, après la tragique histoire d’El Anfani Abdallah, originaire de Mayotte et étudiant à Lille, retrouvé mort de faim dans sa chambre en novembre dernier ? Venus étudier en France, isolés, confrontés aux difficultés administratives de l’université et au racisme... Ajoutée à cela la précarité, c’est la double peine des étudiants immigrés. Tout ça pour devenir de bons petits-soldats salariés des entreprises françaises, aux services des intérêts capitalistes et impérialistes.
Au final, si l’initiative des Restos envers les étudiants peut être louable, ça reste un état de fait bien pratique pour l’État qui, pendant ce temps, supprime des postes dans la fonction publique et des moyens pour les personnes qui sont face à la misère. En réponse, c’est toute la jeunesse qui doit se mobiliser, contre les bourses actuelles bien trop petites pour permettre de vivre et pour une vraie allocation d’autonomie, pour la rémunération des stagiaires au même titre que n’importe quel salarié, pour qu’enfin toutes et tous puissent étudier et être sûrs de pouvoir manger !
