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"Seule la lutte paie"

« C’est à nous de construire le rapport de force » : 200 raffineurs en AG à Grandpuits contre le PSE à Total

200 raffineurs de Grandpuits se sont réunis en Assemblée Générale ce mercredi, alors que le site est menacé par un plan de suppression d'emploi chez Total. Des délégations des raffineries de Normandie, La Mède, Carling, Feyzin et Flandres étaient présentes pour raconter leurs expériences, et expliquer que face aux attaques de Total, seul le rapport de force compte.

Mahdi Adi

7 octobre 2020

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« On a ramené toute les coordination CGT raffinerie Total. Pourquoi ? Parce qu’ils ont l’expérience de ce qu’est un plan social chez Total et que contrairement à ce que dit la direction, ça ne va pas bien se passer. Il va y avoir de la casse sociale. » Adrien, délégué CGT à la raffinerie Grandpuits n’y va pas par quatre chemins pour convaincre ses collègues de la nécessité de construire le rapport de force pour faire face au plan de suppression d’emploi annoncé par Total. La direction du groupe a en effet annoncé sa volonté de mettre à l’arrêt les activités de raffinage sur le site, supprimant au passage 200 emplois, et menaçant 500 intérimaires et sous-traitants de licenciements selon la CGT.

La veille, le syndicaliste affirmait déjà : « Ca va être à nous de construire le rapport de force qui ne fait que commencer. La suite, c’est de décrire, informer les salariés sur ce qu’il va se passer. Leurs futures conditions de travail, leurs emplois qui sont menacés, les mutations qui vont être forcées . Et derrière, face à la nécessité, les raffineurs vont devoir se battre. » Une soixantaine de raffineurs étaient alors rassemblés au pied de la tour Total à La Défense qui abrite le siège du groupe, en bleu de travail avec des barils en guise de tambour pour faire résonner leur colère, à l’occasion du Conseil Social et Économique qui s’y tenait. En solidarité, des travailleurs d’autres secteurs – des salariés de Hutchinson, filiale de Total menacée par un PSE, des traminots de la SNCF et de la RATP, des salariés de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine – ainsi que des jeunes écolos et du NPA Jeunes étaient également présent à leur côté pour dénoncer le greenwashing de la direction de Total qui prétend amorcer un tournant écologique pour justifier l’arrêt du raffinage et les suppressions d’emploi, alors que dans le même temps elle continue à développer des projets dévastateur pour l’environnement comme le projet de pipeline en plein milieu d’un parc naturel en Ouganda.

Pour justifier les licenciements, l’autre argument employé par Total, c’est la détérioration du « Plif », abréviation du pipeline d’Île-de-France, qui achemine du pétrôle brut depuis le port maritime du Havre jusqu’à la raffinerie de Grandpuits, en passant par le dépôt de Gargenville dans les Yvelines. Le 25 février 2019, une fuite avait été repérée sur ce dernier tronçon et c’est avec cet argument que la direction du groupe explique aux salariés que la baisse de productivité l’oblige à délocaliser ses activités de raffinage là où les normes sociales et environnementales lui permettront d’en tirer davantage de plus-value. Mais comme l’explique Alexis, délégué CGT à la raffinerie de Normandie, devant les salariés réunis en assemblée générale, l’état du pipeline « ça n’est surtout pas la responsabilité des travailleurs du site. Et ce n’est pas non plus la faute à pas de chance. C’est la conséquence du désengagement de la direction vis-à-vis de la maintenance », pointant du doigt le manque de moyen alloué par Total à l’entretien de l’oléoduc.

Pourtant « rien que pour l’année 2019 il a été versé plus de 7 milliards d’euros de dividendes » se désole Sébastien, délégué CGT à la raffinerie de Feyzin, qui dénonce devant l’assemblée que selon les chiffres de Total il ne suffirait de baisser les dividendes des actionnaires que de 5% pour être en mesure de faire des travaux sur le « Plif » et sauver les centaines de famille qui risquent de se retrouver sur le carreau. A notre micro, ce délégué syndical nous raconte que le PSE qui a touché sa raffinerie en 2014 à coûté cher : « Un suicide, beaucoup de problèmes psycho-sociaux, beaucoup de divorces, des salariés dégoûtés par leur entreprise... » Avant de démontrer la nécessité de construire le rapport de force : « A Feyzin, on n’a eu que deux jours de lutte, et les salariés n’ont rien obtenu, ils n’ont pas sauvé d’emplois. A contrario à La Mède, les salariés ont fait une grève de 47 jours ce qui a permis de sauver des emplois sur le site, des sous-traitants, des mesures d’accompagnement, même si la charge de travail reste exécrable et le nombre de salariés pas à la hauteur de ce qui a été demandé ».

Autant d’arguments qui permettent à Adrien d’affirmer à ses collègues de Grandpuits que « ce qui ressort de toutes ces intervention, c’est que seule la lutte paie ». Pour ce pompier en raffinerie, chargé de la sécurité sur ce site classé Seveso « seuil haut », il est important que les salariés s’approprient leur lutte. « Est-ce qu’on veut lutter contre les suppressions d’emploi ? » demande-t-il à ses collègues qui acquiesce, avant de lancer « des AG on va en faire toute les semaines. La prochaine AG [le 12 octobre, ndlr] ne sera pas une AG de discussion, il faudra qu’on prenne nos responsabilités », et de leur demander s’ils veulent avoir accès au livret social dans lequel sont consignés les détails du plan de suppression d’emploi, sauf ceux concernant les sous-traitants qui restent confidentiels. Une revendication votée à l’unanimité par l’assemblée, qui sera acceptée dans la foulée par la direction du site. « Dépatouillez le livret social, pour que le 12 vous ayez bien en tête les éléments, et que le 13 vous puissiez poser des questions ! » lâche un autre syndicaliste CGT du site. En effet, le 13 octobre le directeur européen du raffinage chimie de base chez Total, Michel Charton, se rendra sur la raffinerie de Grandpuits. Une occasion pour l’interpeller et lui demander des comptes alors que les salariés sont encore sous le choc du PSE qui leur a été annoncé. Tandis que les pour les sous-traitants, salariés plus précaires mais également nombreux à être présents à l’AG, et qui seraient 459 à être menacés de licenciement par le PSE selon la CGT, un autre délégué syndica dénonce le mépris de la direction à leur égard et raconte les discussions en CSE : « ce que la direction dit c’est qu’en gros elle va les recevoir une fois qu’elle se sera occupée des CDI, et elle verra s’il reste quelque chose pour eux ».

Pour répondre à la question de savoir comment convaincre les salariés « qui ne veulent pas se lancer dans le mouvement » parce qu’ils croient aux promesses de la direction qui affirme qu’il n’y aura pas de licenciements secs parmi les salariés de Total, un délégué syndical de Force Ouvrière s’exclame :dans le livret social la direction propose des mutations avec des majorations de 20%. C’est que dalle ! », après avoir rappelé les conséquences dramatiques de ce genre de dispositif sur la vie sociale et familiale des travailleurs. Tandis que Frédéric, délégué syndical CGT à la raffinerie de Carling, venu apporter sa solidarité avec les travailleurs de Grandpuits appuie de son côté sur l’importance de ne pas écouter « les organisations syndicales qui disent qu’elles vont discuter avec la direction. Tant que tu n’as pas le rapport de force tu n’obtiens rien ». Pour lui, il est clair que « la seule façon que les travailleurs ont de se battre, c’est de se mettre en grève ». Ce qui pousse un salarié à interroger pendant l’assemblée générale : « si en faisant grève on arrête le site, beaucoup sont convaincus que ça va arranger la direction, alors on fait quoi ? » Une question qui taraude plusieurs salariés, étant donné la défaillance de certaines installations et la complexité du processus de mise à l’arrêt et de redémarrage de la production, et à laquelle Adrien répond : « la question qu’il faut qu’on se pose c’est le rapport de force comment on va le construire. La coupure des expéditions c’est toujours une nécessité. Mais il faut qu’on débatte ensemble de comment on le fait. Ma proposition c’est donc qu’on se donne rendez-vous le 12, la veille de la venue de Michel Charton et qu’on se pose la question : qu’est-ce qu’on fait le 13 ? Est-ce qu’on coupe les vannes 24h ? Et si on est pas entendu 72h ? Et qu’on monte en pression s’il ne nous comprend toujours pas ? Ce sera à nous de décider collectivement ! »

C’est avec cette perspective que les salariés clôturent donc l’assemblée, certains retournant à leur poste pendant que la délégation de raffineurs venus de toute la France s’apprêtent à partir. L’important étant d’avoir transmis « l’expérience de La Mède et ne pas répéter les mêmes erreurs qu’ailleurs », pour que les travailleurs de Grandpuits soient conscient que c’est en s’organisant et en se coordonnant avec les autres raffineries et les autres secteurs pour lutter contre les licenciements et les suppressions de poste, qu’ils pourront faire reculer la multinationale. Car si une chose est sûre, c’est que ce sont bien « les 103.000 salariés du groupe et de ses filiales dans le monde, et les sous-traitants grâce à qui on ne ferait rien, qui créent les richesses de Total »


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