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C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 ? Quelques mots sur la génération sacrifiée

Génération sacrifiée, génération Covid, depuis le début de la crise sanitaire les 18-25 ans sont au coeur des études, des analyses et des débats. Entre tous ces sondages, le portrait d’une génération sacrifiée, mais loin d’être résignée.

Alberta Nur

24 novembre 2020

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Crédits : PHILIPPE DESMAZES / AFP

Portrait d’une génération sacrifiée

Avec un confinement qui a laissé au chômage un jeune sur 3, des années universitaires incomplètes et difficiles, avec une précarité qui s’accroît, les jeunes sont décrits sur tous les plateaux comme « la génération sacrifiée ». « Une part importante de segments de la population jeune se dit inquiète et pessimiste", précise Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l’IFOP

Des raisons d’être pessimistes, ça ne manque pas : pertes de taff, reports de stage et cours à distance, l’ambiance est morose. On nous avait promis un monde d’après plus écolo et plus juste et là on nous assène avec des lois sécuritaires. « Métro, boulot, dodo », « Travaille, Consomme et Ferme ta gueule », c’est ça la synthèse des directives du gouvernement, qui nous confirme son sens des priorités, maintenir le système capitaliste et ses profits, et pas de place pour le reste.

Notre génération, née au début du XXIe siècle, se retrouve au pied d’une crise économique d’ampleur, tout en payant les frais de la crise sanitaire. En effet, 85% des 18-25 ans pensent que la jeunesse sera, à l’avenir, la plus pénalisée par les conséquences économiques de cette crise sanitaire. Conscience aiguisée du fait d’être déjà en train de payer les tributs de la crise, avec 74 % des jeunes qui déclarent avoir été en difficulté financière durant la crise, selon une récente enquête Ipsos commandée par la Fage

Dans une interview, le directeur du bureau international du travail expliquait : « cette pandémie inflige un triple choc aux jeunes : non seulement elle ruine leurs perspectives d’emploi, mais elle perturbe aussi leurs études et leurs formations, et met des bâtons dans les roues de ceux qui veulent accéder au marché du travail ou cherchent à changer d’emploi »

Aux trois chocs décrits ci dessus, il faut rajouter un quatrième : le choc devant les politiques sécuritaires et liberticides du gouvernement. Le sondage Ifop d’octobre2020 place en 3ème place la crainte de la perte de liberté pour les jeunes. “Nous à 18 ans on devrait vivre en s’occupant de nos études, de nos partiels, et on vit en ayant peur pour nos droits” disait une jeune manifestante au rassemblement contre la loi sécurité globale le 19 novembre.

Plus de temps pour penser aux soirées étudiantes, aux choses futiles et aux quotidien des cours, que du temps pour le malaise et l’inquiétude. Mais tous ces signes de malaise dans la jeunesse ne sont que l’expression la plus saillante d’un capitalisme en crise, qui n’est capable d’assurer ni du travail, ni des études à ces nouvelles générations.

Que répond Macron ?

Connu comme « le président des riches », E. Macron n’a jamais dupé les jeunes sur son projet politique : protéger avec son gouvernement les profits des entreprises, en méprisant ardemment les plus précaires. Le projet pour la jeunesse “1 jeune 1 solution” colle parfaitement à cette ambition.

Le plan “1 jeune 1 solution’’ est une politique d’appui aux entreprises qui embauchent des jeunes. Le but étant d’inciter les entreprises à embaucher les nouveaux arrivants sur le marché du travail, elles toucheront une subvention de 4000€ par jeune employé. Cependant, le gouvernement s’est bien gardé d’y imposer des conditions, notamment que l’embauche se fasse en CDI.

Ainsi, cette mesure relève surtout d’un nouveau cadeau pour le patronat, qui pourra embaucher -subventionné par de l’argent public- de la main d’oeuvre flexible à moindre coût pour ajuster sa masse salariale à la situation incertaine induite par la crise. Dominique Glaymann, sociologue, explique à propos de ce dispositif : “il y aura un effet d’aubaine. C’est-à-dire que les emplois qui vont être créés, l’auraient été de toute façon, avec ou sans aide. Ce sont juste des employeurs qui profitent de l’aubaine pour toucher la subvention et sans cesse baisser le coût du travail.”.

Ces emplois jeunes avaient déjà été introduits dans l’arène politique par F. Hollande et avaient constitué un échec cuisant. Ne répondant ni à la précarité des jeunes, ni au chômage grandissant, ce sont des mesures qui viennent seulement baisser superficiellement les courbes du chômage.

Ce coup de com, un parmi tant d’autres, dessine la crise que traverse la Macronie. Affaiblie par une gestion calamiteuse du Covid, effrayée par une gilet-jaunification, elle montre son visage le plus réactionnaire. C’est dans ce contexte que le gouvernement met à l’ordre du jour la loi sécurité globale, et s’enfonce dans la construction d’un monde sécuritaire et réactionnaire.

Sacrifiés mais pas résignés

Le quinquennat Macron a été traversé par la lutte des classes, du mouvement des gilets jaunes qui, par sa radicalité, a fait trembler l’Elysée, à la grève historique contre la réforme des retraites à l’hiver dernier, qui a paralysé la capitale pendant plus de 45 jours. L’unité nationale que peine à construire Macron est bel est bien de façade, et la colère continue de gronder dans le pays.

Bien que la jeunesse en France n’ait pas encore été au centre des derniers processus de lutte, la méfiance des jeunes vis-à-vis du régime politique est profonde. Seulement 13% des 18-24 ans disent ainsi avoir confiance dans les partis politiques.

Cette rupture, combinée aux effets de la crise économique et sanitaire ouvre une brèche à la mobilisation, car les partis traditionnels offrent peu de perspectives à la jeunesse. Ces contradictions politiques se sont d’autant plus approfondies avec le confinement et la gestion policière opérée par le gouvernement.

Cette brèche pour les mobilisations, le gouvernement en est conscient, à l’image de l’amendement liberticide ajouté par la commission mixte paritaire à la Loi de Programmation de la Recherche qui vient criminaliser les luttes au sein de l’université. Dorénavant, toute tentative de pénétrer dans un établissement « dans le but d’en troubler la tranquillité ou le bon ordre » serait puni de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende. Le message est clair, ils veulent contenir les mobilisations à venir.

Le mouvement antiraciste qui a explosé après la mort de George Floyd, a secoué la jeunesse de l’hexagone. Les jeunes qui se mobilisaient pour la première fois en mai dernier descendent aujourd’hui dans la rue contre les lois sécuritaires du gouvernement.

Ne les laissons pas nous nommer la génération sacrifiée, nous sommes déterminés à lutter pour construire un autre type de futur que celui que Macron voudrait nous imposer. La priorité de Macron, c’est d’augmenter le budget de la police de 125 millions d’euros à la veille du confinement. La priorité de Macron, c’est de faire passer un projet de loi qui vient menacer le droit de manifester, le droit de la presse pour renforcer l’impunité de la police.

Nous les jeunes, victimes du manque criant de moyens dans les services publics, nous battons pour qu’il y ait pas un seul centime qui soit donné à la police et à l’armée, et pour un plan d’embauche massif dans les hôpitaux et l’éducation.

La “génération Adama”, la "génération climat", c’est aussi la génération qui paie le plus cher le prix de la crise, sanitaire et économique. C’est celle dont l’avenir est incertain, et qui est déterminée à le reprendre en main. Comme le disait une jeune fille lors d’un rassemblement contre la loi sécurité globale : “Il faut qu’on se batte pour notre futur, et il faut pas qu’on oublie, on est plus nombreux qu’eux.


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