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les 1% et nous

C’est le capitalisme, stupide !

Article écrit par Josefina Martinez, historienne, publié sur Izquierda Diario le 28 octobre, traduit par Alexandra Dupont Le 1% le plus riche s’est sorti encore plus riche de la crise. Le rôle des États capitalistes et le « socialisme pour les riches ». Le nouveau réformisme et les illusions du passé. Une alternative anticapitaliste et de classe.

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Actuellement, le 1% le plus riche possède autant de patrimoine que tout le reste de la population mondiale. C’est-à-dire que, s’il s’agissait d’un gâteau, la moitié appartiendrait à ce 1%. Cette atroce inégalité entre les plus riches et la majorité des travailleurs s’est aggravée pendant les années de la grande crise capitaliste, depuis 2008. Ce sont les chiffres avancés par le Crédit Suisse dans ses dernières statistiques annuelles sur la répartition de la richesse mondiale (Global Wealth Report 2015).

C’est à dire que, durant la crise, quelques-uns en ont profité pour s’en sortir encore plus riches parmi les riches, alors que des millions de travailleurs l’ont payé avec des pertes d’emplois, des attaques aux droit du travail, des coupes budgétaires dans l’éducation, la santé et les services sociaux, ou directement par l’appauvrissement extrême.

Cinq hommes se disputent le poste du « plus riche de la planète » : Bill Gates de Microsoft et Amancio Ortega (roi de l’exploitation dans les usines textiles d’Asie pour ses marques de vêtements telles que Zara), se battent pour le premier poste, suivis par Warren Buffett, le mexicain Carlos Slim et Charles Koch. Tous les cinq totalisent un patrimoine de 345 800 millions de dollars, un peu plus que la totalité de la dette grecque qui asphyxie toute une population grâce aux impositions de la Troika.

Ce n’est pas pour rien que Warren Buffet a dit en 2011 une phrase qui pourrait être l’épigraphe des dernières décennies : « Il y a une lutte de classe, certes, mais ma classe, la classe des riches, est celle qui la mène et celle qui est en train de la gagner ». Les conséquences du fait que ce sont eux, les riches, qui sont en train de gagner, sont multiples et se laissent voir partout, donnant forme à une barbarie qui ravage le monde.

Il suffit d’une donnée pour montrer la brutalité de ce système : 10 000 enfants meurent chaque jour à cause de la malnutrition, c’est à dire 3,5 millions par an. Selon les ONG spécialisées, un traitement pour combattre la malnutrition coûte 40 euros, mais seulement le 10% des enfants mal nourris y auraient accès.

« Socialisme pour les riches » et capitalisme sauvage pour tout le reste

Le bilan de la crise mondiale, sept ans après, permet de tirer rapidement quelques conclusions sur les conditions du capitalisme actuel.

Premièrement, la crise a impliqué un énorme transfert de ressources des secteurs les plus pauvres et de la classe travailleuse du monde entier vers le sommet de la pyramide sociale, vers les groupes économiques les plus gros de la planète.

Deuxièmement, les États capitalistes ont joué un rôle fondamental dans cette opération, en combinant le rachat massif des banques aux coupes budgétaires en dépenses sociales les plus importantes depuis l’après guerre. Cette opération d’ingénierie capitaliste a été nommée « socialisme pour les riches », étant donné que les États ont socialisé les pertes pour défendre les profits privés.

Illusions gradualistes et nouveaux réformismes

« On ne peut pas tout changer. Jusqu’au moment où on peut changer la totalité du capitalisme, il faut garantir le niveau de vie des gens. Un gouvernement ne peut pas dire : Je vais abolir l’économie de marché dans mon pays. J’aimerais bien. Mais nous sommes trop petits pour changer le capitalisme tous seuls. » (Pablo Iglesias, lieder de Podemos)

La réémergence des phénomènes réformistes en Europe, tels que Syriza, Podemos ou le Bloco au Portugal, est l’expression de la forte indignation sociale face aux conséquences de la crise, ainsi que le discrédit des partis sociaux-démocrates qui ont appliqué l’austérité.

Ces nouvelles formations soutiennent la possibilité d’« humaniser » ou « modérer » les inégalités sociales dans le cadre du capitalisme. Elles popularisent l’idée selon laquelle il est possible d’atteindre évolutivement la « redistribution des richesses » : que les riches gagnent un peu moins, et les pauvres un peu plus.

Or, cette réalité sociale d’un « capitalisme sauvage », où dans un pôle s’accumulent d’énormes richesses alors que la majeure partie de la société se voit dépourvue de tout, n’est pas une « erreur de fonctionnement » du système, mais l’ADN du capitalisme.

Il y a près de 120 ans, Rosa Luxemburg combattait déjà les positions théoriques de Bernstein au sein de la social-démocratie allemande et de la Seconde Internationale. Bernstein disait qu’il était possible de modérer « graduellement » les contradictions du capitalisme jusqu’à atteindre le socialisme. Rosa Luxemburg répondait que la réalisation du socialisme ne passait pas par la (fausse) illusion « d’enrichir les pauvres » avec des mesures distributives, mais par la suppression des rapports d’exploitation capitalistes, qui sont à la base de cette inégalité matérielle.

Non seulement les réformistes d’aujourd’hui n’ont pas l’objectif d’atteindre le socialisme, mais ils ne prétendent même pas faire de grandes réformes sociales. Leur stratégie se limite à essayer de « modérer » l’austérité et les inégalités les plus brutales. Un objectif bien plus conformiste, mais pas moins utopique, dans le cadre d’un capitalisme qui a porté la polarisation sociale à l’extrême. C’est un retour à la fantaisie de la réforme graduelle par le biais institutionnel, pour changer le contenu de l’État et « récupérer la démocratie » dans le cadre du capitalisme.

Mais l’exemple de Syriza en Grèce, les accords du Bloco avec le Parti socialiste au Portugal, et le « tournant politique au centre » marqué de Podemos, montrent tragiquement où nous mène cette stratégie. En paraphrasant la formule popularisée par Bill Clinton, on pourrait bien dire aux dirigeants de ces formations : « C’est le capitalisme, stupide ! »

La majorité de la gauche de la gauche européenne a abandonné un discours et un programme anticapitaliste et de classe, tout en cherchant des raccourcis et en s’adaptant aux réformistes.

Un contre-exemple est celui du Front de Gauche et des Travailleurs (FIT) d’Argentine. Pendant la campagne électorale, le candidat président, Nicolas del Caño n’a cessé d’expliquer à la télé l’idée que « le capitalisme ne va plus ». Le FIT s’est servi de la campagne pour avancer cette idée, ainsi qu’un programme d’urgence pour les salaires, contre la précarisation du travail et en défense des droits des travailleurs, des femmes et de la jeunesse.
Le million de voix obtenues par le FIT pour les législatives et la bonne élection pour les présidentielles montrent qu’il est possible pour une extrême gauche anticapitaliste et de classe de gagner de l’influence parmi les secteurs avancés des travailleurs et de la jeunesse.


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