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Laurent Berger à la croisée des chemins

CFDT. Le dialogue social ne paie plus

Damien Bernard Face à la mobilisation montante de la jeunesse, des fédérations et syndicats combatifs, pour le gouvernement, l’heure est désormais à la négociation. Il s’agit, après la reculade et un premier revers, de se concerter avec les principales centrales syndicales et le patronat pour arriver en début de semaine prochaine à un compromis. Alors que les syndicats, pressés par leur base, campent sur leurs positions, le gouvernement a ouvert la négociation de quelques miettes, l’objectif étant de récupérer l’appui de son partenaire privilégié depuis le début du quinquennat : la CFDT. Pourtant à la base, ça gronde et les cartes pourraient bien être rebattues ce 9 mars.

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Juin 2003. François Chérèque, l’ancien secrétaire général de la CFDT, était hué par des centaines de militants cédétistes sur ses terres, à Dignes-les-Bains. Le soutien de la direction de la CFDT à la réforme Fillon sur les retraites avait fait des ravages dans les fédérations. Des milliers d’entre eux rendent leur carte d’adhérent. En 2003, la CFDT avait perdu entre 10 et 20% de ses effectifs. Depuis 1964 et sa création, il s’agissait de la plus grande crise traversée par la CFDT. A deux ans du congrès de la CFDT, face à la loi El Khomri et à la gronde des militants, Laurent Berger se retrouve, comme Chérèque en son temps, à la croisée des chemins.

Malgré les apparences, la CFDT au chevet du gouvernement

Mars 2016. Laurent Berger, se retrouve dans une position délicate. Bien qu’il s’attribue le rôle de celui qui a remis le gouvernement à la table des négociations, ce dernier est pris dans de fortes contradictions. Les militants de la base sont en colère, en ébullition et prêts à déborder une direction qui cherche à négocier les miettes. Pour celui qui n’a pas manqué de constance dans le « dialogue social », jouant le premier rôle de relais du gouvernement dans la mise en place de contre-réformes depuis le début du quinquennat, il ne s’agit pas de se coucher lors du premier round. « Il y a beaucoup de discours sur le rôle central de la CFDT, mais la CFDT ne se fera instrumentalisée par personne, ni le gouvernement, ni le patronat, ni certaines organisations syndicales qui sont dans la posture », a affirmé Laurent Berger.

Pourtant, les accointances de ce syndicat avec le gouvernement n’ont eu cesse d’émailler non seulement le calendrier mais aussi les déclarations gouvernementales. Une semaine plus tôt, la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, s’était déjà déclarée « sensible à ce que dit Laurent Berger, qui pense qu’un autre équilibre peut être construit », tandis que Jean-Christophe Cambadélis, lui, a laissé entendre que le PS s’alignerait in fine sur la position de la centrale. « Il faut prendre en compte ce que demandent les organisations syndicales, à savoir que sur deux, voire trois sujets, il y [ait] des évolutions. Je crois que si on veut faire triompher la philosophie de la souplesse et de la sécurité pour les salariés, il faut associer les syndicats réformistes. ».

La CFDT négocie les miettes

En comparaison à la contre-réforme des retraites de Fillon en 2003, la violence de l’attaque de la loi Travail est sans commune mesure. Dans son cœur, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’inversion de la hiérarchie des normes, visant à faire du code du travail par entreprise la règle. Ce projet de loi ouvre un processus de démantèlement progressif de l’ensemble des acquis du mouvement ouvrier. Par des accords d’entreprise, et en dernière instance par des référendums, le pistolet sur la tempe, c’est l’augmentation du temps de travail, la fin des 35h, et les baisses de salaire généralisées qui se profilent, comme l’illustre l’exemple des salariés de Smart Hambach payés 37h pour travailler 39h.

La direction de la CFDT n’en a pourtant cure. Il s’agit d’affirmer le cœur du projet de loi, en y étant même favorable, tout en affirmant par posture ne pas céder sur le « plafonnement des indemnités prud’homales » et les « conditions des licenciements économiques ». En réalité, la loi El Khomri ne reprend que peu ou prou, le barème déjà imposé par la loi Macron, à coup de trois 49-3, en lui enlevant le critère de taille de l’entreprise, alors censuré par le Conseil constitutionnel. Pour le moment, le gouvernement n’est prêt à céder que sur le critère d’ancienneté du salarié. Dans la loi Macron, le plafond le plus élevé pouvait aller jusqu’à 24 mois de salaire pour les plus grandes entreprises et au-delà de 20 ans d’ancienneté. Avec autant d’ancienneté, le nouveau projet de loi instaure un maximum de 15 mois de salaire que le salarié peut obtenir, après un douloureux et long passage aux prud’hommes. La CFDT s’attache donc à négocier ce plafond le faisant passer pour une « modification substantielle » du projet de loi, alors qu’il s’agit d’une miette que même le patronat serait prêt à négocier.

Sur la question du périmètre des « licenciements économiques », Laurent Berger souhaite négocier la notion de « périmètre national », pour éviter de « considérer les salariés français comme une variable d’ajustement de la compétitivité entre les entreprises européennes ». Le projet de loi Travail précise ainsi les motifs qui peuvent être invoqués pour prononcer ces licenciements et prévoit qu’une entreprise n’ait à démontrer des difficultés que sur le sol français, et non plus au niveau du groupe, pour pouvoir y recourir. Ainsi en lisant entre les lignes, il s’agit de négocier le périmètre au niveau Européen, ce qui en réalité, ne changera rien dans le fond. Le patronat n’hésitera pas à démontrer une baisse de commande sur le plan Européen, des déficits sur ses filiales européennes pour outrepasser les règles. Encore, une fois, ce n’est pas du fond de la mesure mais bien de la forme dont il s’agit de débattre.

Pour imposer notre voix, le 9 mars tous dans la rue pour le retrait total de la loi Travail !

Pendant que Laurent Berger joue avec le feu en négociant avec le gouvernement, il se fait même déborder à gauche par sa droite La CFE-CGC, centrale des cadres, qui n’a pas battu le pavé depuis 2010, pourrait rejoindre les contestataires dans la rue le 31 mars « si le texte ne bouge pas », explique sa présidente, Carole Couvert. « La CFE-CGC est actuellement plus proche de la CGT que de la CFDT dans son positionnement », déclare même Fabrice Angei de la CGT.

A deux ans du prochain congrès de la CFDT, il ne s’agit pas pour Laurent Berger de revivre le cauchemar de 2003, dans une version décuplée. Pourtant la colère gronde déjà. Malgré l’appel des directions de la CFDT, mais aussi de l’UNSA, de la CFTC et de la CFE-CGC, à ne pas bouger avant le 12 mars, de nombreux militants descendront tout de même dans la rue le 9 mars. « Les militants sont en colère, ils ont l’impression que nos dirigeants se sont fait berner à force d’être proches du gouvernement », racontait le délégué central CFDT d’une grande entreprise.

Alors même que les attaques de la loi Travail visent à démanteler l’ensemble des acquis du mouvement ouvrier, fruit des luttes, Laurent Berger joue au chat et à la souris avec le gouvernement. D’un côté, il affirme une fermeté de façade face au gouvernement pour répondre à la pression de sa base, alors même que les faits démontrent qu’il négocie les miettes. A l’image des syndicats de la CFDT de la métallurgie et de Malhé Behr France, qui appelle à Mulhouse à rejoindre le 9 mars, pour manifester contre la loi Travail, pour imposer notre voix à Laurent Berger et son double jeu, soyons toutes et tous dans la rue le 9 mars contre la loi El Khomri !


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