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Retraites

CMP, vote, 49-3 : la réforme des retraites près d’achever son parcours parlementaire antidémocratique

La réforme des retraites devrait passer à l’Assemblée ce jeudi 16 mars même si le gouvernement n’est toujours pas assuré d’obtenir une majorité.

Joël Malo

14 mars 2023

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Après le passage du texte de la réforme des retraites au Sénat, le 11 mars, le gouvernement se prépare à faire voter son texte ce jeudi 16 mars. Malgré les tractations avec Les Républicains pour obtenir une majorité absolue en mesure de voter le texte à l’Assemblée Nationale, il semble de plus en plus probable que le gouvernement soit obligé d’utiliser l’article 49-3 et d’adopter le texte sans vote. Une perspective qui inquiète le gouvernement, tant elle incarnerait l’anti-démocratisme d’une poignée de politiciens qui gouvernent par la force. Un élément déjà particulièrement frappant depuis le début de l’examen de la réforme des retraites.

D’emblée, le gouvernement a choisi de faire passer sa réforme des retraites sous la forme d’un Projet de Loi de Financement Rectificatif de la Sécurité Sociale. Ainsi, il a pu faire usage de l’article 47-1 de la constitution qui lui permet de bailloner le Parlement et d’obliger les débats à se dérouler en 50 jours. En première lecture, l’Assemblée nationale dispose de 20 jours. Au terme de ce délai, les députés n’avaient pas pu voter le texte.

Les délibérations se sont poursuivies au Sénat, qui disposait de 15 jours. Même une des institutions les plus réactionnaires de la Vème République présente encore trop de garanties démocratiques pour le pouvoir macronien, il a donc fallu raccourcir encore raccourcir les débats. C’est d’abord la droite sénatoriale qui s’en est chargée grâce à l’article 38 du règlement du Sénat qui réduit le temps de discussion sur chaque amendement à un défenseur du pour et un défenseur du contre, tout en multipliant les manœuvres pour faire tomber les amendements de l’opposition. Par-dessus le marché, le gouvernement a suspendu toute forme de discussion en invoquant l’article 44-3, dit article du « vote bloqué ». Il oblige de voter le texte en bloc, en intégrant uniquement les amendements retenus par le gouvernement.

Ainsi, il y a donc un texte, celui du gouvernement, qui n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale, et un autre, amendé par la droite, qui a été adopté au Sénat. La droite y a notamment ajouté des mesures d’exonération pour les patrons comme le CDI senior, ou un court allongement du dispositif de carrière longues. Une Commission Mixte Paritaire (CMP) doit donc se réunir mercredi 15 mars pour homogénéiser les deux textes.

Cette commission est composée de 7 députés et de 7 sénateurs. Au total, la CMP est composée de 5 macronistes, cinq membres de la droite et du centre, deux membres du PS, un membre de LFI et un membre du RN. Cette étape n’est qu’une formalité qui doit acter un dernier marchandage entre la majorité présidentielle et LR. Dans l’hypothèse, tout à fait improbable, de l’absence d’un accord en CMP, le Parlement n’aurait plus que jusqu’au 26 mars pour tomber d’accord sur un nouveau texte, pressé qu’il est par l’article 47-1, faute de quoi le gouvernement pourrait de toute façon faire passer la loi par ordonnance.

Le texte qui va sortir de la CMP le 15 mars devra donc ensuite être voté par les deux chambres. Cela ne sera l’affaire que d’une journée, le jeudi 16 mars. Le matin, le Sénat ne sera qu’une formalité, il a déjà adopté le texte. En revanche, les choses se corsent à l’Assemblée. Le gouvernement, qui a besoin du soutien d’au moins 35 à 40 voix des LR, recompte les voix. Mais la division des LR entre partisans et opposants de la réforme, complique la formation d’une majorité absolue. Le gouvernement cherche à légitimer son texte par un vote à l’Assemblée, mais le risque est fort que par des retournements de dernière minute, des abstentions ou des votes contre mal contrôlés, le texte soit rejeté. Ainsi, quelques membres de la fraction présidentielle pourraient ne pas voter la réforme, tandis que les derniers comptages des LR donnent « entre « 15 à 20 députés » l’ensemble des « contre », de « 34 à 36 » ceux en faveur de la réforme » selon les Echos. Il reste donc l’arme du 49-3, qui permettrait de faire passer le texte sans vote.
Dans tous les cas, le gouvernement sera gagnant sur le terrain parlementaire. Article 49-3 ou pas, cette séquence politique a en effet été un cours de droit constitutionnel accéléré pour rappeler à quel point la Vème République est un régime profondément anti-démocratique : PLFRSS, 44-3, 47-1, 49-3, article 38 au Sénat, passage par ordonnances etc. C’est un trésor d’inventivité anti-démocratique que déploie le gouvernement pour passer en force sur les retraites, démontrant comment le régime offre à l’exécutif, tous les outils pour gouverner même en étant minoritaires (socialement et d’un point de vue parlementaire) et imposer une loi rejetée par la population.

Un ultime passage en force par 49-3 pourrait cependant susciter une forte colère par en bas. Aussi, il y a urgence à rompre avec les illusions qui persistent sur le terrain institutionnel du côté de l’intersyndicale, qui continue d’appeler à un référendum, et propose comme seule initiative le 16 mars une présence symbolique devant l’Assemblée… Les secteurs actuellement en reconductible comme les éboueurs ou les raffineurs montrent la voie : c’est par une grève massive qu’il sera possible de faire reculer Macron, et il y a urgence à changer totalement de stratégie !


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