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Crise politique en macronie

CNR. Isolé, Macron promet consultations et référendums pour endormir les classes populaires

L’inauguration du Conseil National de la Refondation ce jeudi, qui devait resserrer les rangs autour du président, a fait apparaître à l’inverse une macronie particulièrement affaiblie et isolée. Comme au temps du grand débat et des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron promet davantage de démocratie directe pour tenter d’apaiser la colère qui gronde dans le pays.

Ariane Anemoyannis

8 septembre 2022

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Crédits photo : Michel EULER / AFP

Une initiative qui fait pschitt dès son inauguration

Pour la macronie, le miracle n’aura pas eu lieu. Sans surprise, le lancement de la première réunion du Conseil National de la Refondation a été un échec, montrant un président isolé en cette rentrée sociale sous tensions. Seules trois composantes de sa majorité présidentielle étaient finalement présentes – Renaissance, Horizons, et le MoDem – tandis que l’opposition ainsi que les principaux syndicats ont unanimement boycotté l’initiative.

Alors que l’évènement avait pour vocation de remettre Emmanuel Macron au centre du jeu suite à la crise politique ouverte depuis les législatives, il montre en réalité la fragilité qui règne au sommet de l’Etat. Jusque dans sa propre majorité, le Président a du mal à convaincre, à l’instar de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui expliquait « donner sa chance » au CNR tout en tenant à rappeler « la séparation des pouvoirs ».

Face à cette déconvenue, la macronie joue la carte de la déresponsabilisation. Lors de son allocution ce jeudi matin, le président s’en est pris ouvertement aux « adeptes de la chaise vide » : « Quand on n’est pas là, il ne faut pas après dire qu’on n’a pas été consultés, que c’est trop vertical, c’est trop ceci ou cela. Il y a une formule de bon sens qui dit que les absents ont toujours tort. ». Des remontrances qui indiquent en réalité la difficulté du gouvernement à coopter une partie des corps intermédiaires, pourtant essentiel au regard des crises multiples auxquelles il doit déjà se confronter.

Macron joue la carte de la démocratie participative pour prévenir la colère sociale

Comme à son habitude dans les moments difficiles, Macron a opté pour un discours de dialogue social. A défaut d’organisations syndicales à qui s’adresser, c’est vers la population qu’il a donc décidé de se tourner, promettant que celle-ci serait « plus associée » aux décisions politiques : « Je veux remettre nos compatriotes au cœur des grands choix de la nation. Il faut ensuite qu’on puisse décliner (les travaux du CNR), qu’ils puissent s’exprimer sur ces grands choix, ces grandes transitions ».

Deux propositions ont été formulées. La première concerne le lancement de consultations démocratiques en ligne, qui sera inaugurée dès la semaine prochaine afin de permettre « des débats sur le terrain », de la « transparence » et de « l’ouverture ». La seconde, plus hypothétique, porte sur l’organisation de référendums : « Dès les prochaines semaines, on va changer l’école, la santé, grâce à ses déclinaisons territoriales, en bâtissant ces feuilles [de route]. Donc, oui, ça peut déboucher aussi sur des référendums » a ainsi indiqué le chef de l’État.

Un comble, pour le président qui gouverne en s’appuyant sur les mécanismes les plus anti-démocratiques de la V° République, à commencer par l’État d’urgence qu’il a institutionnalisé puis le Conseil de défense qu’il a investi des mois durant pendant la pandémie et qu’il réhabilite désormais pour faire face à la crise énergétique. De toute évidence, ces propos ne sont en rien un revirement sur la gauche du Président. Au contraire, c’est plutôt une manière d’apaiser un climat politique tendu alors que l’exécutif s’apprête à engager un certain nombre de bras de fer contre le monde du travail.

Dans ce cadre, Macron est bel et bien conscient que la défiance de la population vis-à-vis des institutions de la V° République est croissante et joue contre lui. Au-delà de la séquence électorale dans laquelle l’abstention a traduit une forte haine anti-Macron, c’est aussi aux Gilets Jaunes que cherche à s’adresser le Président, en tentant le clin d’œil au Référendum d’Initiative Citoyenne qui était une revendication phare du mouvement.

Une manière pour lui d’endormir les classes populaires en feignant donc la démocratie participative sur des sujets sensibles – l’éducation ou la santé – tout en contournant un Parlement dans lequel sa majorité est non seulement en grande difficulté, mais aussi fragmentée. Autrement dit, les concertations et hypothétiques référendums pourraient jouer le rôle de plébiscite présidentiel à l’heure où Macron est plus affaibli que jamais.

En effet, au-delà d’être isolé au Parlement, le gouvernement doit faire face à une colère sociale d’ampleur multi-factorielle. Et si Elisabeth Borne rassure le patronat sur le maintien de la réforme des retraites, le président est conscient qu’il marche sur des œufs face à la colère qui gronde dans de nombreux secteurs du monde du travail,et que les grèves au Royaume-Uni pourraient donner des idées à plus d’un.

De ce point de vue – et malgré l’absence de plans de bataille des directions syndicales, qui contribue à canaliser la colère des travailleurs dans les entreprises – les prochaines journées de mobilisation nationale seront un test pour l’exécutif. Dans ce cadre, elles doivent être des points d’appui pour construire un mouvement d’ensemble, non seulement pour la hausse généralisée des salaires, mais aussi contre l’autoritarisme de Macron qu’il tente de draper derrière un discours sur la démocratie participative.


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