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Pris, encore une fois, la main dans le sac

Carlos Ghosn : 11 nouveaux millions de dépenses suspectes. L’ex-PDG de Renault n’a pas que « les japonais » aux trousses

Arrêté le 19 novembre à Tokyo, Carlos Ghosn fait actuellement l'objet de quatre inculpations par la justice japonaise. Libéré sous caution depuis avril, et actuellement placé en résidence surveillée, il n’a pas manqué de se présenter comme victime dramatique d’un complot ourdi par ses ennemis, niant en bloc toutes les accusations. Et voici que de nouvelles suspicions éclatent lors du dernier conseil d’administration de Renault. Cette fois-ci c’est aux Pays-Bas qu’il risque d’être poursuivi. A quelle vitesse ?

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Renault se décide à lever le voile

Le conseil d’administration de Renault qui s’est réuni le mardi 4 juin a pris en compte les résultats d’un audit interne qui fait état de 11 millions d’euros de dépenses suspectes engagées par RNBV alors que Carlos Ghosn était son dirigeant.
RNBV est un organisme financier néerlandais, filiale à part égale de Renault et de Nissan. L’audit déclenché par l’alliance Renault-Nissan, sur l’insistance de Nissan, avait pour mission d’éclaircir la suspicion selon laquelle la filiale néerlandaise masquerait des dépenses au profit personnel de Carlos Ghosn.

Dès avril, les premières conclusions des auditeurs avaient effectivement pointé un manque de transparence des dépenses et des déficiences dans les procédures de contrôle. Désormais leurs ultimes conclusions font apparaître, selon le propre communiqué de Renault, « des surcoûts de déplacement de Monsieur Ghosn par avion, certaines dépenses engagées par monsieur Ghosn et des dons ayant bénéficié à des organismes à but non lucratif ».

Difficile désormais pour Renault de laisser courir. Toutefois, le conseil d’administration ne va pas saisir directement la justice française puisque RNVB est immatriculée aux pays Bas. Il annonce qu’il va « demander des comptes » à l’ex-PDG. Il demande également aux gouvernants de Renault de se rapprocher de leurs homologues de Nissan au sein de RNBV en vue de la mise en œuvre des actions judiciaires disponibles aux Pays-Bas. La suite s’avère complexe à mettre en œuvre…

Renault, l’Etat… et les autres

Et l’Etat français dans tout cela ? Nationalisée après la seconde guerre mondiale, Renault est privatisée depuis 1990. L’Etat ne détient plus à ce jour que 15% des capitaux du groupe. Pourtant Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, interrogé sur BFMTV et RMC à propos des 11 millions de « dépenses suspectes » en question » a jugé nécessaire d’assurer que l’Etat veut, de son côté, diligenter une enquête pour que la clarté soit faite sur cette affaire. Il a annoncé que « L’Etat déposera tous ces éléments à la justice et il y aura une plainte. Elle sera instruite et la justice tranchera. (...) Quand l’Etat est actionnaire de référence d’une entreprise, eh bien son rôle est de s’assurer que sa gouvernance fonctionne bien ».
La saga judiciaire prend en effet, dans un contexte de grand remue-ménage post européennes, une dimension d’autant plus naturellement « politique », qu’une enquête préliminaire a été ouverte il y a quelques jours par le PNF (Parquet National Financier) et confiée à l’Office anti-corruption de la police judiciaire. Elle vise Rachida Dati, ancienne garde des sceaux et Alain Bauer, criminologue spécialiste de la sécurité.

Cette enquête fait suite à une plainte déposée contre Rachida Dati et Alain Bauer par un actionnaire anonyme de Renault qui dénonce notamment « l’opacité de la gestion et de l’activité de RNBV » et « des rémunérations opaques, voire occultes ». La plainte laisse même entendre que l’implantation, la structure et l’extrême liberté du conseil d’administration de la filiale néerlandaise ont été délibérément conçues pour échapper à tout contrôle des actionnaires français ou étrangers. L’enquête du PNF, se situe dans le droit fil de la plainte. Selon les termes cités par le journal Marianne, Rachida Dati et Alain Bauer sont soupçonnés « d’avoir perçu des fonds potentiellement suspects via la structure néerlandaise de Renault-Nissan BV ».

Rachida Dati, selon une source proche, aurait perçu de RNBV 900 000 € d’honoraires d’avocate entre 2010 et 2012 ce qui, selon l’actionnaire plaignant, est étonnant pour une structure ne comptant aucun salarié. Elle réagit en décidant de porter plainte pour « dénonciation calomnieuse » et « diffamation ».

Quant à Alain Bauer, ancien conseiller informel de Nicolas Sarkozy, il avait travaillé pour le groupe RENAULT NISSAN et été payé par RNBV, notamment à l’époque où Carlos Ghosn était aux prises avec l’affaire des « faux ingénieurs espions ». Il aurait touché un million d’euros entre 2012 et 2016. Il se défend en disant que jamais il n’y a eu la moindre réclamation de Renault à propos de son contrat et de son travail.

Quand un PDG tout puissant est aux commandes

Qu’il s’agisse des chefs d’inculpations retenus par la justice du Japon ou des derniers comportements frauduleux mis en avant par l’audit auprès de RNBV, dans tous les cas, il est question, pour Carlos Ghosn d’enrichissement personnel pour des montants qui se chiffrent par millions. Des dissimulations, des fraudes, des détournements, relevant, selon les tribunaux japonais, de « l’abus de confiance aggravé ». Des actes dont les tenants et aboutissants ne sont pas encore totalement établis mais qui, en tout état de cause, ne sont rendus possibles qu’en raison de la concentration de pouvoirs, officiels et occultes, dans les mains d’un PDG capable de tirer les ficelles et de museler les contrôles sur des opérations allant de transactions de plusieurs millions à … des billets d’avion.

Une démonstration qu’il n’y a aucune limite et que tout peut faire ventre pour l’appétit des patrons voyous qui se trouvent à la tête de véritables empires industriels. Une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que c’est le mode de gouvernance sous le système capitaliste qui autorise un tel comportement de prédateur.

N’oublions cependant pas de dire que, aux yeux du système capitaliste, Carlos Ghosn comme ses semblables, a été jugé comme un « grand capitaine d’industrie » jusqu’à ce que des rivalités intercapitalistiques rendent utile de le prendre un jour la main dans le sac. Ils se battent entre eux à coup de dénonciation quand ça les arrange. Leur colère se chiffre en millions d’euros ou de dollards qui vont dans la poche de l’un plutôt que de l’autre.

Mais dans tout ce concert, nous n’avons pas entendu un mot contre un management qui broie chaque jour un peu plus les salariés, en fait des pions sur l’échiquier mondial du groupe et pousse un nombre croissant de travailleurs au suicide. Tout ce qui compte c’est de ne pas perdre un centime.


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