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CHEMINOTS, USAGERS, MÊME COMBAT POUR LE SERVICE PUBLIC – PARTIE 20

Casse du service public, investissements à l’étranger : la course à la rentabilité de la SNCF

Les différents gouvernements des trente dernières années ont eu une vision très capitaliste et négative, bien sûr, du service public et de la SNCF, entreprise publique de service public. Depuis trente ans, la SNCF reçoit des directives tout à fait contraires à ce qu’on peut attendre d’un service public, comme créer un groupe avec une partie privée en la chargeant d’organiser sa propre concurrence avec cette partie privée, et de racheter des réseaux ferrés un peu partout dans le monde pour les exploiter à la manière du privé. Résultat, la SNCF est devenue une entreprise publique schizophrène qui annonce vouloir faire toujours plus de profit à l’étranger et qui se sabote pour augmenter toujours plus les profits du groupe sur sa partie privée.

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Une politique schizophrène et destructrice de longue date

C’est loin d’être nouveau, cela dure depuis 30 ans environ. Les gouvernements successifs ont poussé l’entreprise nationale publique SNCF à se saborder. En commençant par le transport de marchandises, le fret SNCF. L’entreprise publique a commencé par racheter les transporteurs routiers déjà existants ; les plus connus étant Bourget-Montreuil et Calberson. Puis est venue le développement de sa propre plate-forme, Géodis, à mesure qu’elle trouvait des prétextes pour saboter ses parts de marché et qu’elle transférait sur les routes le trafic ferroviaire.

La plupart du temps, il était très facile de justifier cet abandon de l’activité fret par son coût, plus élevé que la route qui bénéficie d’infrastructures subventionnées à un niveau bien plus élevé (actuellement 10 milliards/an pour le rail contre 25 milliards pour la route), de salariés beaucoup moins solidaires avec moins de réflexes collectifs, et un secteur éclaté en une multitude d’entreprises et pour finir, d’un carburant à bas prix qui maintient la compétitivité de la route.

Mais, même quand le rail restait rentable, et quand les entreprises souhaitaient y avoir recours, la SNCF a fermé les gares et supprimé les possibilités, comme dans le Jura pour le transport du bois où le transfert sur le routier s’est fait dans les années 2000, contre la volonté des producteurs. Voilà les décisions anti-environnementales qui ont été prises par l’ensemble des gouvernements depuis 30 années au bas mot.

Des conditions sociales dégradées dans la partie privée du groupe SNCF

Bien évidemment, cette partie privée ne bénéficie pas de conditions équivalentes à celles de la SNCF, puisque chez Géodis, l’immense majorité des salariés sont précaires et les conditions de travail tout à fait désastreuses génèrent de graves accidents du travail. Ces accidents du travail sont censés être supportés par les boites d’intérim quand il s’agit de précaires, et quand les salariés sont en CDI, beaucoup sont licenciés sans reclassement.

Et ce n’est pas uniquement le cas dans le transport de marchandises, puisque Kéolis, la filiale de transport de voyageurs, utilise les mêmes méthodes. Et concernant l’entretien des voies et de plus en plus pour les services en gare, le recours à la sous-traitance est rentré dans les mœurs, avec des pratiques de voyous bien sûr. La SNCF a même tenté de transférer au privé des technologies et un savoir-faire qu’elle était seule à détenir, avec la fabrication des essieux et des roues pour lesquelles elle a demandé aux cheminots de former des entreprises privées ! Quand les agents SNCF de Tergnier ont refusé, la SNCF a fermé le site… La SNCF souhaitait transférer une technologie d’entreprise chez un prestataire privé dont elle aurait été un client captif.

Une entreprise nationale publique de service public qui investit à l’étranger

Dans le même temps où l’entreprise sabordait sa propre activité, elle investissait dans des réseaux à l’étranger, et notamment en Pologne pour commencer, au début des années 2000. Ces investissements absurdes concernant une entreprise publique de service public, ont même servi à justifier les baisses d’effectifs, le sabordage des activités de transport de marchandises et les gains de productivité en interne demandés aux cheminots.

Pendant que la situation sociale de ses salariés se dégradait à grande vitesse, que les usagers de la SNCF se voyaient offrir un service de plus en plus médiocre et une offre réduite, avec des services qui disparaissent, comme les trains de nuit ou le transport des voitures par train, la SNCF allait exploiter à l’étranger des réseaux ferrés. Notons au passage, que toutes ces dégradations sur le territoire national vont à l’encontre du bon sens écologique avec le fret, mais également les trains de nuit et train + auto.

Guillaume Pépy estime que cette expérience à l’étranger amène un « savoir-faire »

Dans une interview donnée au magazine Challenge le mois dernier, Guillaume Pépy, PDG de la SNCF, ose même dire que cette stratégie de développement à l’étranger va permettre à l’entreprise de « défendre ses positions en France ». Dans la logique capitaliste, il faut trouver de la croissance pour ce groupe qui n’est plus du tout un groupe public. Il faut donc que les filiales aillent s’implanter dans des pays en développement, avec les mêmes techniques d’exploitation des salariés et certainement même, poussées à l’extrême dans ces pays peu réglementés socialement. Il s’agit de l’Asie avec la Chine, de l’Amérique du Sud, de l’Égypte, etc. Il est également question dans cette interview, de créer des emplois en France avec 9000 emplois dédiés à cette gestion des investissements à l’étranger. Ce qui est totalement ridicule par rapport aux dizaines de milliers d’emploi de cheminots supprimés bien sûr…

Mais le PDG de l’entreprise parle de nouveaux « savoir-faire » et « d’innovations » ! De quel savoir-faire peut-il bien s’agir puisque la sécurité ferroviaire française est de loin l’une des plus strictes et efficaces au monde ? Il ne s’agit donc pas d’un savoir-faire technique du milieu ferroviaire. Il s’agit, bien entendu, d’un savoir-faire de gestion du personnel, intégrer dans l’entreprise une nouvelle génération d’encadrants qui n’aura aucun scrupule à « casser du cheminot », à les soumettre, eux ou les précaires qui les remplaceront à terme, d’un savoir-faire d’une absence de garanties sociales qui ne sont que des freins aux profits et à l’entrée d’opérateurs privés, ce qui est le but de cette réforme du ferroviaire qui donne le feu vert de l’ouverture à la concurrence.

Et quelles entreprises concurrentes vont faire des offres dès que ce sera possible ? Eh bien les filiales privées de la SNCF, comme Kéolis qui auront donc acquis une expérience internationale de précarisation et d’exploitation des travailleurs du rail… Attention, car cette course aux profits ne se fait pas uniquement sur les prétendus avantages des « privilégiés » mais aussi sur la sécurité et la formation qui sont deux postes de dépenses extrêmement coûteux, mais nécessaire à la sécurité des circulations ferroviaires !

La SNCF qui est la seule en mesure de former ses agents, n’a eu de cesse d’économiser sur ces postes de dépense, et le « savoir-faire » et les « innovations » vantés par Guillaume Pépy sont aussi des pratiques qui permettent de se passer de formation continue en demandant aux agents de s’auto-former. Et en cas de pépin, c’est le lampiste qui trinquera : il n’avait qu’à lire ses mails… La SNCF de Macron est en marche, à nous de l’arrêter !

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