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Cette enfant n’est pas une enfant, c’est une migrante

Mawda Shawri pose sa petite main sur sa bouche, les yeux farceurs. Elle sourit. On dirait qu'elle vient de prendre une friandise, en cachette. Mawda s'amuse, elle a deux ans.

Fatima Ouassak

19 novembre 2020

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Texte de Fatima Ouassak, initialement publié sur son Blog Mediapart
Photo : Mawda Shawri

Le 16 mai 2018, Mawda est en voiture avec sa mère, son père et son frère, en route pour un endroit où la petite famille connaitra la paix, enfin. Bien d’autres personnes sont entassées dans la camionnette, les conditions du voyage sont loin d’être idéales mais ce n’est pas grave, ce n’est rien comparé à ce qu’on quitte, un pays en guerre, une vie dans la terreur. Mawda a deux ans, et elle est en route pour un avenir meilleur.

Dans la nuit du 16 au 17 mai, dans la camionnette qui roule maintenant sur une autoroute belge près de Mons, Mawda est blottie dans l’odeur et les bras apaisants de sa mère. Mais à 2h02, un policier tire une balle dans la direction de la fillette. Ce policier a tiré depuis l’une des voitures de police qui traquaient la camionnette, dans le cadre d’une opération de chasse aux illégaux. La balle entre près de la narine droite de la fillette, en pleine tête. Le policier a tiré dans le tas. Mawda était dans le tas, un tas d’illégaux. Elle a deux ans. Mais cette enfant n’est pas une enfant, c’est une migrante.

La camionnette s’arrête. Le père de Mawda descend avec la petite dans les bras. Il tend le bébé à un des policiers et supplie. Please ambulance ! Please ambulance ! Un policier récupère l’enfant, il la pose sur le bitume. D’autres policiers arrêtent le père, la mère et le frère de Mawda. Le petit garçon a 4 ans. Il voit sa petite sœur par terre, inconsciente et pleine de sang, il est sous le choc. Il a quatre ans. Mais il est en état d’arrestation. Car cet enfant n’est pas un enfant, c’est un migrant.

Les policiers refusent que les parents accompagnent leur fille dans l’ambulance. On conduit les parents menottés et le petit en prison. Mawda agonise pendant 30 minutes. Elle meurt dans l’ambulance, seule. Le 17 mai 2018.

Immédiatement, les autorités belges cherchent quelque chose à raconter pour expliquer la mort de l’enfant, c’est pour le rapport. Le jour n’est pas encore levé qu’elles trouvent une explication : ce sont les parents de Mawda qui ont utilisé la tête de la petite comme bélier pour briser la vitre de la camionnette, probablement pour jeter le corps de l’enfant dans les roues de la voiture de police et tenter ainsi de la ralentir, et c’est le traumatisme crânien qui a causé la mort. C’est crédible ce sont des Kurdes. Allez savoir de quoi sont capables ces gens-là. Les Kurdes c’est comme des Arabes mélangés à de l’Afghan. Tout ça c’est pareil. Ces gens n’aiment pas leurs enfants, ils font des enfants pour se servir d’eux, pour toucher les allocations familiales, ou pour encombrer de leur petit corps les roues d’une voiture.

Personne n’a tiré de coup de feu, l’enfant est morte d’avoir été utilisée comme bélier : c’est la version officielle dans le premier rapport d’expertise.

Le policier rentre chez lui au petit matin. Tranquillement. A 7h à peine, on informe le tueur qu’aucune poursuite ne sera engagée contre lui.

La mère de Mawda reste en prison sans possibilité de changer de vêtements. On n’a pas pris la peine de l’informer qu’il n’y a plus d’espoir, que c’est fini, que sa fille est morte. Le sang de son enfant sèche sur elle. Sa fille n’est plus dans ses bras. Ne reste que l’odeur de sang.

Criminalisation des réfugiés, déshumanisation des parents, désenfantisation des enfants.

Les autorités belges vont chercher à se débarrasser rapidement du corps de Mawda, dans une fosse commune, sans sépulture, sans nom, sans rien. Dans le même temps, on ordonne aux parents de quitter le territoire, et vite. Ni vu, ni connu, le crime parfait.

Mais grâce à la détermination des parents, Monsieur et Madame Shawri, soutenus par des gens honnêtes, la petite a pu être enterrée dignement. Grâce à leur détermination et à la mobilisation, le policier a fini par reconnaitre qu’il a tiré sur la fillette et que c’est la cause de sa mort. Il faut ici saluer le travail de contre-enquête absolument remarquable qu’a réalisé le journaliste Michel Bouffioux.

Grâce au combat mené par la famille, par le Comité Mawda et l’avocate de la famille Selma Benkhelifa, il y a un procès autour de cette affaire, il aura lieu les 23 et 24 novembre devant la sixième chambre correctionnelle du tribunal du Hainaut, division de Mons.

Ce sera le procès du meurtrier, le policier.

Ce sera aussi le procès d’une police, d’une justice et d’une classe politique racistes.

Ce sera plus largement le procès d’une Europe criminelle. Que vaut la vie de Mawda Shawri ?

Que Dieu ouvre les portes du paradis à la petite Mawda, pour toujours dans nos cœurs.

Courage à la famille pour le procès ! Et soutien !

#PasDeJusticePasDePaix #JusticePourMawda

Fatima Ouassak


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