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Décret socle et loi travail : même combat !

Grève à la SNCF. Comme en 1995, c’est tous ensemble qu’on peut gagner

Alors que la direction de la SNCF, et derrière elle le gouvernement, et les médias dominants font front commun pour décrédibiliser le mouvement de grève des cheminots, du côté des directions syndicales, même si à première vue, c’est le front qui prime, il y a bien une division avec la mobilisation contre la loi travail en lame de fond. Pourtant la « réforme » du décret socle ressemble à s’y méprendre dans son « architecture » à une déclinaison du projet de loi travail, qui ne fera d’ailleurs que lui donner le coup final. Plutôt que le corporatisme qui isole, c’est bien la convergence entre tous les secteurs en lutte qu’il faut construire, pour obtenir non seulement le retrait du décret socle, mais aussi le retrait total de la loi travail.

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Le 18 février, Alain Vidalies, le secrétaire d’État chargé des transports, avait communiqué aux directions syndicales le projet de « décret socle », consistant à définir un cadre minimal du secteur ferroviaire. Un premier round concerne la convention collective de branche qui vise à fixer les conditions de travail de l’ensemble du secteur, et donc de tout salarié, public ou privé, d’une entreprise ferroviaire. En parallèle, les « négociations » vont aussi s’ouvrir au sein même de la SNCF afin de redéfinir ses « accords d’entreprise », primant sur les autres accords. Les propositions de la direction seront mises sur la table ce mercredi.

Décret socle et loi travail : même combat !

Le triplet décret socle, convention collective de branche et accord d’entreprise entend donner une estocade de premier ordre au statut de cheminot, déjà fortement détricoté par le processus de privatisation rampant de la SNCF, entrepris depuis plusieurs dizaines d’années par les différents gouvernements de gauche et de droite. Il est la déclinaison des plans visant à remettre en cause une partie des 35h comme dans les hôpitaux de l’APHP ou à la RATP.

Cette « réforme » vise à aligner par le bas les conditions de travail des salariés du rail du secteur privé et du secteur public dans l’objectif d’atteindre l’ouverture totale du trafic voyageurs à la concurrence d’ici 2020-2022, comme cela a été le cas pour le FRET, mais aussi dans de nombreux pays d’Europe, par exemple en début d’année en Belgique, où les cheminots avaient répondu par une grève massive. Avec ce plan d’austérité, la SNCF table sur 11.000 à 13.000 suppressions de poste d’ici à 2020, sur un total de 149.000 employés, soit 9% des postes.

Même si elle emprunte son « architecture » au projet de loi travail, la « réforme » n’instaurera pas d’inversion de la hiérarchie des normes. C’est le projet de loi travail qui, s’il n’est pas retiré totalement, fera en sorte de donner l’estocade finale à l’ensemble de la branche du ferroviaire, dont les cheminots de la SNCF. La lutte contre le « décret socle » est ainsi indissociable de la lutte contre le projet de loi travail.

Comment désynchroniser un calendrier fait pour la convergence des luttes !

Les similitudes et complémentarités avec le projet de loi travail ne s’arrêtent pas là, c’est aussi le calendrier qui se synchronise. La première annonce du décret socle a été faite le 17 février, soit le même jour que l’annonce du projet de loi travail. Pourtant ce synchronisme des calendriers ressemble cette fois-ci à une erreur de timing du gouvernement qui, d’habitude, fait de son mieux pour cisailler les luttes afin d’éviter qu’elles convergent.

Toutes les conditions sont réunies pour que les luttes convergent afin de s’alimenter l’une et l’autre, alors même que le secteur du transport ferroviaire est stratégique et pourrait être un levier d’une importance cruciale s’il part en grève reconductible. Pourtant, les directions syndicales, et notamment la CGT Cheminote, s’évertuent à ne pas vouloir entendre parler de « convergence des luttes » prétextant que lutter contre la loi travail ferait « perdre » de l’énergie et affaiblirait par avance la lutte propre aux cheminots. Ce serait aller « à l’abattoir » que de se battre « pour les autres », les revendications seraient « noyées » dans la loi travail. De son côté, la direction de Sud rail défend la convergence des luttes en paroles mais ne propose aucune politique pour la construire.

Pour mettre en exécution cette politique, la direction de la CGT cheminote a tout fait pour désynchroniser un calendrier pourtant calée sur le projet de loi travail. Il s’agissait de commencer la lutte suivant un calendrier préétabli à partir du mois de juin : une grève en mars, puis une en avril, une manifestation le 3 mai, puis un départ en grève reconductible en juin, durant l’Euro de football en France en 2016. Alors que l’intersyndicale du mouvement contre la loi travail a appelé à une nouvelle journée de mobilisation le 28 avril, le front syndical à la SNCF a appelé au 26 avril. C’est aussi la manifestation prévue de longue date le 3 mai, date à laquelle la loi travail sera aussi déposée à l’Assemblée nationale, qui a été reportée au 10 mai. Sous la pression de la base, la perspective de la grève reconductible pourrait, elle, être avancée au 19 mai. Mais tout est fait pour éviter la convergence entre la mobilisation contre la loi travail et la mobilisation des cheminots.

L’avant-garde est prête à aller au combat !

De cette façon, la CGT cheminote réitère en quelque sorte le refus de la « convergence des luttes » durant la mobilisation contre la réforme des retraites en 2003, où elle avait tout fait pour éviter la jonction avec la mobilisation dans l’éducation nationale, partie elle aussi en grève reconductible. L’autre argument évoqué par la CGT cheminote pour éviter toute « convergence des luttes » est d’expliquer que les cheminots ont durant les dernières années toujours été les « dindons de la farce », alors qu’ils ont lutté en reconductible, souvent isolés, comme en 2003, ou en 2010. Cette dernière année, les seuls à être partie en reconductible ont été les cheminots et les raffineurs, alors même qu’un certain nombre de secteurs parlait de reconductible. Les cheminots seraient donc de toutes les bagarres mais quand ils sont attaqués, « il n’y a plus personne pour les défendre ».

Pourtant même s’il y a bien évidemment un fond de vérité, ce positionnement est incorrect, car même si le gouvernement est affaibli, s’il ne recule pas définitivement sur la loi travail, il reculera d’autant moins sur le « décret socle » des cheminots. C’est aussi une politique qui a, en dernière instance, découragé les cheminots, notamment le 31 mars et ses 1,2 millions de manifestants. Une avant-garde cheminote était alors prête à partir en reconductible mais le non-appel à la reconductible de la CGT a sapé le moral de nombreux cheminots prêts à repartir au combat, malgré le poids toujours dans les mémoires de la défaite de 2014, contre les prémisses du « décret socle ». L’avant-garde est prête à partir en bagarre, et la majorité des cheminots est prête à en découdre, pour cela c’est bien d’un appel clair à la reconductible dont ont besoin les cheminots !

Ce n’est que tous ensemble qu’on peut gagner !

A la SNCF, les grèves de ces dernières semaines ont mobilisé fortement, notamment le 9 avril, le 31 mars ayant vu un tassement dans la mobilisation. Pourtant la dynamique et la combativité sont bien au rendez-vous. Les cheminots se rendaient par exemple place de la République, parlaient entre eux ; des étudiants et des « nuit debout » opéraient la jonction dans les gares, des projections de films s’organisaient - par exemple Comme des lions -, certains luttent dans les syndicats. Il y a donc une aspiration à la lutte et à la convergence. Pourtant le rapport de force imposé par les cheminots n’est pour le moment pas en mesure de faire reculer ce gouvernement sur le décret socle, malgré son affaiblissement.

Mais c’est aussi sur le front contre la loi travail que la mobilisation reste encore insuffisante pour faire plier le gouvernement. Cependant, alors que la force engagée par les travailleurs est bien loin de ce qu’elle pourrait être, l’opinion publique soutient majoritairement la mobilisation contre la loi travail, et rejette majoritairement la politique du gouvernement. Une certaine radicalisation et une politisation, qui s’expriment notamment à Nuit Debout, le démontre. Pourtant la confiance n’est pas suffisante pour se lancer « tous ensemble » dans la bataille contre la loi travail, du fait notamment du poids des défaites passés, même si elles ne sont pas totales.

Les cheminots pourraient être l’étincelle, le secteur stratégique clé pouvant lancer une dynamique à la grève reconductible. Alors que nombre de cheminots ne veulent pas en rester à une journée isolée, et parlent de reconduire la grève, au moins jusqu’au 28 avril, pour inscrire leur lutte dans le mouvement d’ensemble contre la loi travail. Cela pourrait, comme en 1995, entraîner l’ensemble du mouvement ouvrier dans la bataille, en lien avec les étudiants qui, historiquement, ont joué un rôle moteur en alliance. Ce n’est pas en comptant sur le calendrier de l’Euro de football et à sa médiatisation mais bien en convergeant avec la mobilisation contre la loi travail que les cheminots serons plus forts, plus « audibles ». Si un secteur stratégique du mouvement ouvrier se lève et part en grève reconductible, la peur passera de notre camp à celui d’en face !


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