Crédit Photo : © L.Bonaventure/AFP
La semaine dernière, les violences sexistes et sexuelles au sein des IEP ont été dénoncées en masse par des centaines d’étudiantes qui ont fait preuve d’un courage et d’une force immenses.
Nous voulons leur dire merci.
Nous voulons leur dire que nous les croyons.
L’ampleur et les similitudes entre les agressions révélées ne laissent aucun doute : il s’agit d’un problème systémique qui trouve ses racines dans le fonctionnement même de l’institution.
En tant qu’anciennes étudiantes et/ou chargées de cours, actuelles ou passées, à l’IEP de Toulouse, nous pouvons aussi témoigner de certaines pratiques abusives entretenues par les étudiant.e.s, parfois au sein même de l’établissement, et longtemps considérées comme des rituels festifs anodins. Elles reposent néanmoins sur des ressorts emblématiques de la culture du viol :
Il existe dans les IEP une déclinaison particulière de la culture de viol qui essaime dans tout l’enseignement supérieur et la recherche (et que nous vivons aussi en tant que doctorantes et docteures). A Sciences Po, elle s’associe à l’esprit d’entre-soi et participe à l’entretien et au renforcement d’un corporatisme élitiste et viriliste. Si l’accent est aujourd’hui mis sur les discriminations sexistes et sexuelles, nous tenons à rappeler qu’elles s’articulent avec d’autres rapports de pouvoir (de race et de classe notamment) qui stigmatisent celles et ceux qui ne détiennent pas les attributs et ressources des dominant.e.s.
Sans que les directions des IEP initient ou encouragent ces pratiques, elles portent une responsabilité indirecte en n’ayant pas repéré et considéré certaines situations comme problématiques et en n’ayant pas tenté d’agir sur leurs fondements symboliques.
La récente exposition publique de l’ampleur des violences sexistes et sexuelles a entrainé une prise de conscience et des réponses de l’administration de l’IEP dont nous ne pouvons que nous réjouir (annulation des subventions aux associations dont les membres ont commis ces violences et systématisation de l’exclusion des agresseurs du campus). Si nous partageons le constat d’une nécessaire remise en question de la politique de lutte contre les violences sexuelles dans les IEP, ces mesures occultent l’aspect systémique de ces violences et sont donc loin de s’avérer suffisantes.
Afin que les réponses apportées à la crise actuelle ne se limitent pas aux décisions ponctuelles prises lors de précédentes alertes (dissolution de l’association des Gorets, mails aux étudiants rappelant l’interdiction du bizutage, signalements judiciaires suite au weekend d’intégration 2019...), il est nécessaire de lancer une réflexion globale autour de ces pratiques.
Certaines mesures nous paraissent néanmoins urgentes et incontournables. En accompagnant de manière informelle des victimes de violences sexuelles à l’IEP, certaines d’entre nous ont été confrontées à leurs effets dévastateurs sur la scolarité des étudiant.e.s (décrochage, marginalisation par les pairs). Ni personnels, ni étudiant.e.s, ni intervenant.e.s de l’IEP ne sont formé.e.s à repérer, alerter et orienter les victimes, retardant la prise en charge de ces dernières.
Nous demandons donc :
Signataires :
Nolwenn Armogathe, Anouk Batard, Aïcha Bourad, Bérénice Crunel, Mayada Madbouly, Anaïs Malié, Fanny Parent, Anne Lise Rodrigo, Bérengère Savinel, Laure Sève, Mathilde Zederman.
Pour nous contacter : [email protected]