Crédit photo : Loïc Venance. AFP
Le SI-VIC (Système d’information pour le suivi des victimes d’attentats et de situations sanitaires exceptionnelles) est le logiciel par lequel les établissements de santé enregistrent les décès dus au Covid-19. Santé Publique France utilise les indicateurs provenant de ce logiciel pour mettre à jour sur son site le bilan quotidien des décès. Au delà de l’erreur humaine, les équipes médicales devant rentrer elles-même dans le logiciel au sein de chaque structure le nombre de patients tués par le virus, les Ehpad ne sont pas équipés de ce logiciel et les décès n’y sont simplement pas enregistrés, donc non pris en compte par les chiffres officiels. L’Agence Régionale de Santé d’Île de France confirme également que les décès pris en compte pour les personnes résidents en Ehpad ne sont que ceux survenant à l’intérieur des hôpitaux.
Les Ehpads sont pourtant très durement touchés par l’épidémie : 21 résidents décédés dans un Ehpad de Cornimont (Vosges), 7 à Sillingy (Haute-Savoie), 7 dans celui de Mauguio (Hérault), 15 dans celui de Thise (Doubs), 16 à Saint-Dizier (Haute-Marne)... selon un recensement de France Inter. La situation dans les Ehpads semble pourtant pour le moment impossible à estimer entièrement, comme l’a déclaré à l’Agence France Presse Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France : “On sait qu’en Île-de-France, sur les 700 Ehpad il y en a entre 100 et 150 qui pourraient être déjà touchés par le Covid-19. (…) On ne sait pasmesurer l’étendue des dégâts dans les maisons de retraite, il faut avoir la lucidité de le dire”.
Dans une lettre envoyée au ministère de la Santé et relayée par la Société Française de Gériatrie et Gérontologie, des professionnels du secteur ont d’ailleurs fait preuve de lucidité dès le 20 mars et alerté sur le fait que la majorité des contaminations dans les EHPAD est liée à la transmission virale de soignants asymptomatiques et ne portant pas de masque. "Cumulant en moyenne près de 8 maladies chroniques, ceux-ci constituent une cible à très haut niveau d’exposition au risque d’infection au coronavirus Sars-CoV-2", signalent-ils à propos des résidents d’EHPAD. Ils réclament 500 000 masques par jour, pour subvenir aux besoins des personnels des Ehpad.
Outre les décès, le nombre de personnes contaminée au sein des Ehpad, et donc le nombre de décès liés au coronavirus et au manque de matériels et moyens, est difficile à évaluer, notamment par manque de dépistage, le gouvernement français ayant fait le choix de ne dépister que les cas graves au lieu de lancer une campagne massive. Dans les Ehpads, à partir de deux ou trois cas avérés positifs, on ne teste plus. Sur les 720 Ehpad d’Île-de-France, 148 établissements ont au moins deux cas positifs, selon l’Agence Régionale de Santé. Par ailleurs, en l’absence de dépistage post-mortem pour les résidents d’Ehpad, mais aussi les décès isolés, il n’y a pas de moyen d’estimer les chiffres réels des conséquences de l’épidémie dans ce secteur de la population.
Ces erreurs dans les chiffres de recensement des décès viennent porter un nouveau coup à la gestion de la pandémie par le gouvernement. A l’heure où Macron annonce être en guerre, les soignants, y compris ceux des Ehpad, sont envoyés au front sans “armes”, comme l’expriment ceux qui réclament 500 000 masques par jour pour les Ehpad, tandis que l’absence de chiffres crédibles ne permet pas de connaître l’ampleur réelle de l’épidémie, faisant craindre à beaucoup de soignants une véritable "hécatombe" chez les seniors.
