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International

Chili. Grève massive contre l’inflation et la politique du « progressiste » Gabriel Boric

Ce lundi, plusieurs appels à la mobilisation ont été lancés pour dénoncer le gouvernement de Boric, principalement par des secteurs de droite, mais aussi par certains secteurs de gauche. Qui s'est mobilisé et pourquoi ?

Álvaro Pérez Jorquera

26 avril 2022

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Cet article est une traduction d’un article paru en espagnol dans La Izquierda Diario, média frère de Révolution Permanente en Argentine.

Près de deux mois après son entrée en fonction, la coalition dirigée par Gabriel Boric a été confrontée au décalage entre les attentes qu’elle a suscitées lors des élections et la réalité, où elle a montré son vrai visage, à savoir qu’elle propose de petits aménagements sans jamais toucher aux intérêts des grandes entreprises.

L’un de ces décalages concerne l’abandon des prisonniers politiques de la révolte sociale de 2019, dont la majorité est toujours sous le coup de poursuites judiciaires. Mais sans aucun doute, la question qui a le plus affecté la crédibilité du gouvernement auprès de la population est celle du débat sur l’inflation et le cinquième retrait des fonds de pension [ndt : sous la pression de la rue, les retraités chiliens ont pu à quatre reprise retirer en avance leur retraite par capitalisation vue la situation d’urgence générée depuis la crise du Covid], à un moment où le coût de la vie a fortement augmenté, surtout pour les familles de travailleurs.

La nouvelle administration "progressiste" s’est non seulement positionnée contre un autre versement, reproduisant l’argument néolibéral selon lequel les retraites sont responsables de l’inflation, mais a également présenté son propre projet dans lequel les retraites iraient directement au remboursement des dettes des banques et des entreprises, c’est-à-dire un projet qui profiterait sans vergogne aux grandes entreprises au détriment des travailleurs.

Cela a sans aucun doute conduit à la déception d’une partie importante de ses électeurs et des secteurs qui voyaient la possibilité d’un changement plus profond, mais cette faiblesse du gouvernement a également été mise à profit par la droite pour s’organiser et chercher à imposer son propre agenda et ainsi imposer ses conditions au gouvernement. L’une de ces actions était l’appel à des manifestations le lundi 25 avril

L’appel des camionneurs et l’hypocrisie de la droite

L’appel s’est principalement répandu comme un appel des camionneurs, un secteur historiquement de droite qui s’est opposé aux revendications de la révolte de 2019, qui a mis en avant au cœur de ses revendications une plus grande sécurité, une subvention sur le prix du carburant et le versement des fonds de l’AFP [ndt : Administration des Fonds de Pensions], mais en soutien au projet promu par la droite qui vise à placer ces millions dans des AFP internationales.

Cet appel a été rejoint par d’autres secteurs d’opposition de droite au gouvernement, notamment par "Patriotas Chilenos Organizados" qui met l’accent sur "le désordre et le manque de sécurité" et demande le retrait de 100% des fonds de l’AFP, et par J.A. Kast lui-même, ancien candidat à la présidence du Parti républicain d’extrême droite, qui a appelé à se joindre à la grève "contre le TAG (dispositif de paiement automatique sur les autoroutes), une nouvelle Constitution et le gouvernement de gauche" sur son compte Twitter. Il a ainsi montré ouvertement l’hypocrisie de la droite, qui reprend une demande populaire telle que le besoin de fonds pour lutter contre la hausse des prix et l’associe à sa campagne pour que tout reste en l’état et que les privilèges des entreprises soient maintenus. Pendant ce temps, il reste muet sur la responsabilité des grands hommes d’affaires et des spéculateurs dans l’augmentation de l’inflation par des pratiques telles que le placement de leurs capitaux dans des paradis fiscaux offshore, la distribution de millions de bénéfices sur leurs comptes respectifs et la spéculation sur des produits de première nécessité comme le gaz et l’huile.

Les revendications de la classe ouvrière

Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, toutes les critiques à l’égard du gouvernement ne proviennent pas de secteurs de droite, comme ne cessent de le répéter les principaux défenseurs de Boric, mais aussi d’une frange importante qui lui reproche de décevoir ses attentes immédiates, en l’occurrence sur les retraites pour atténuer l’inflation qui ronge les salaires.

Dans ce contexte, il existe différents appels au niveau des quartiers, comme La Victoria et La Pincoya, qui appellent à des manifestations contre la hausse des prix et contre les AFP, ainsi que des secteurs du mouvement étudiant, comme le Liceo de Aplicación, qui a récemment organisé des manifestations pour réclamer davantage de moyens pour l’éducation, et l’Unión Portuaria, qui a placé la demande du cinquième retrait au centre de ses revendications, mais qui s’est ensuite retirée de l’appel car il était principalement porté par la droite.

Pour leur part, les chauffeurs routiers se sont également retirés de l’appel, se démarquant ainsi de l’appel de la droite, qui parle directement de rejet de la nouvelle Constitution, bien que cela n’exclue pas la participation de secteurs de chauffeurs routiers qui mènent une grève effective.

Cela conduit à un scénario complexe où divers groupes de différents secteurs politiques manifestent, mais cela soulève un avertissement en particulier pour la classe ouvrière, car puisque les bureaucraties syndicales et les bureaucraties des mouvements sociaux sont restées alignées et obéissantes vis-à-vis du gouvernement, faisant la sourde oreille au problème de l’inflation et de son effet sur les familles ouvrières, de nombreux secteurs de travailleurs qui manifestent honnêtement pour défendre leurs conditions de vie vont tomber dans la supercherie de la droite et apporter de l’eau à leur moulin en gonflant leur capacité de mobilisation.

Nous devons donc exiger des directions syndicales, à commencer par la CUT (ndt : Centrale Unitaire des Travailleurs), qu’elles cessent de se comporter comme si elles n’étaient qu’un ministère de plus du gouvernement Boric et qu’elles prennent en main les revendications de la classe ouvrière, notamment un salaire minimum de 650 000 pour contrer l’augmentation du coût de la vie, le contrôle des prix des produits de première nécessité contre la spéculation et la collusion des entreprises, une cinquième retraite sans conditions ni restrictions, afin que ce soit les travailleurs qui décident de ce qu’ils font de leurs ressources, et un impôt sur les grandes fortunes et les bénéfices pour faire baisser les prix et soutenir ceux qui en ont besoin, afin que ce ne soient pas les familles de travailleurs qui paient les frais d’une inflation générée principalement par les patrons eux-mêmes.


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