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Grève d'étudiants précaires

Chronodrive. « Tu fais une journée de livraison là-bas, tu n’as pas envie de travailler tes cours »

Interview de Maëva, livreuse et préparatrice de commande à Chronodrive en temps partiel et étudiante. Elle nous raconte les conditions de travail dans la filiale d’Auchan, son vécu par rapport à la menace de licenciement puis au licenciement de Rozenn, ainsi que sa première journée de grève.

11 avril 2021

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*le prénom a été modifié

Est-ce que tu peux raconter une journée de travail à Chronodrive ? 

M : On doit faire un parcours en moins de 5 minutes avec des caisses à récupérer ou des sacs à faire, selon les commandes, et scanner les articles. Dans le parcours on passe par le surgelé, ensuite on va dans le secteur des fruits et légumes, puis les produits lourds - comme les bouteilles d’eau -, ensuite on passe par les produits secs et frais et enfin, plus rarement, on va chercher les bouteilles de gaz.

Avec la menace de licenciement - puis le licenciement - de Rozenn, beaucoup de témoignages relataient des pressions au travail à Chronodrive, comment tu le vis ?

M. : La pression c’est surtout au début, maintenant je m’y suis faite mais c’est vrai qu’au début j’avais beaucoup la pression, j’étais pas très à l’aise. Après au fur et à mesure tu te dis « bon je m’en fous si je fais pas moins de 5 minutes ». Mais au début ils te mettent la pression si tu fais pas 2 minutes 30. En gros les managers ont des moyennes à partir de nos statistiques, si elles sont bonnes, eux seront mieux payés et si on fait plein de « plus 5 minutes » ils seront moins bien payés. Quand on ne va pas vite, on doit reprendre des commandes qui sont déjà commencées, qui sont déjà à 4 minutes par exemple, et il faut faire la course pour la finir. Nous on va faire surtout de la livraison, on va pas remplir le coffre des gens, c’est plutôt les responsables qui vont remplir le coffre des gens. En plus, les heures de pause ne sont pas payées, du coup on travaille des heures en plus par semaine qui ne sont pas payées pour compenser le temps de pause ! C’est le truc qui craint le plus au final parce que ça nous fait perdre du temps. Après je ne pense pas que l’on pourrait travailler sans pause parce que vu le taf que c’est il nous faut un moment pour se reposer mais le fait que ce ne soit pas payé … quand on m’a dit ça j’étais choquée !

Si un.e ami.e à toi voudrait travailler à Chronodrive, tu lui dirais quoi ?

M : Je ne conseillerais pas de travailler là, c’est un taf qui te met la pression c’est très physique aussi, tu portes des trucs lourds toute la journée donc niveau dos c’est pas le top non plus et puis c’est fatiguant. Tu fais une journée de livraison là-bas, tu n’as pas envie de travailler tes cours ou faire quoique ce soit. En plus, ce n’est pas optimal en étant étudiant mais quand tu es obligée, il faut des sous, mais si j’avais la possibilité de ne pas travailler je préférerais ne pas travailler. En plus, il faut savoir qu’à Chronodrive il y a des gens qui sont en chiropraxie, j’ai pris des séances là-bas parce que j’avais mal au dos. Il y a eu quelques périodes où je disais « non je ne veux pas aller en livraison parce que j’ai trop mal au dos », je ne voulais pas faire de faux mouvements alors que je suis déjà bloquée. Et je n’avais pas forcément de problème de dos avant. C’est 15e la séance, avec la réduction de 5e payée par Chronodrive, c’est un budget en plus, j’y suis allée deux fois avec un mois d’intervalle. 

Ils ont donc bien conscience de casser le dos des jeunes de 18, 19, 20 ans… Et au niveau des batailles menées par la CGT Chronodrive et notamment Rozenn, qu’en penses-tu ?

M : Sur le sexisme, j’en ai parlé avec Rozenn, je n’ai pas ressenti le sexisme dans l’entreprise car le sexisme on le vit partout, peut être que j’y ai pas trop fait attention mais il est présent. Dans mon secteur il y a plus de filles, c’est peut être pour ça…. Sur le gaspillage, quand je suis au secteur fruits et légumes, on donne des produits aux roms mais ça m’est arrivé de voir des poubelles remplies de champignons, ils jettent des trucs, clairement. 

Et je trouve ça dégueulasse, qu’importe que ce soit l’une ou l’autre des deux raisons évoquées, on ne peut pas licencier quelqu’un pour ça, c’est n’importe quoi. Je suis totalement d’accord avec elle sur ce qu’il se passe, j’essaie de la soutenir et de combattre le truc avec elle même si c’est elle qui est médiatisée, qui est au centre de l’histoire, mais on essaie de la soutenir comme on peut. 

Tu as fait partie de la vingtaine de grévistes en soutien à Rozenn justement, qu’est ce que ça fait de faire une première grève ?

M : Vis-à-vis du travail, il y a des nouveaux qui ont posé des questions pour savoir ce qu’il se passait, ils sont totalement en faveur de la cause, ils nous ont dit « c’est bien ce que vous faites, mais nous comme on est en période d’essai on ne mettra jamais notre poste en jeu  ». Ils ont peur de ce qu’il pourrait se passer après. Les responsables n’ont donné aucun retour. Et bien évidemment les collègues grévistes ont été positivement impactés, ce sont des personnes qui sont toujours motivées pour la suite. Et personnellement je suis prête à recommencer si la cause est juste pour moi, si je trouve que les causes sont bonnes évidemment que je recommencerais. 

A quel point la caisse de grève t’a aidée dans ton choix ?

M : Avant de savoir qu’il y allait avoir une caisse de grève j’allais faire la grève, mais c’est sûr que ça aide quand on voit qu’il y a une caisse de grève et qu’on ne va pas perdre 1 ou 2 jours de salaire, c’est très rassurant surtout quand on est étudiant. 

Dans ce sens, continuons à soutenir Rozenn qui a perdu son emploi et les luttes à venir, à travers la caisse de grève.


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