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Approfondissement de la crise économique mondiale

Chute du rouble. Vers une nouvelle phase de la crise économique russe ?

Convalescente depuis décembre 2014, la crise du rouble a connu une nouvelle accélération dans la nuit de mercredi et jeudi. La devise russe s’échangeait au matin à 85,99 roubles pour un dollar, un niveau sans précédent depuis la grave crise financière de 1998. Malgré un léger rebond dans la journée, le signal est alarmant et dévoile les faiblesses de l’économie russe. Dans un contexte de forte baisse des prix du pétrole, de sanctions économiques qui perdurent et d’interventions militaires coûteuses, la Russie entrerait-elle dans une nouvelle phase de crise économique et d’instabilité ? Renan Granger

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Une chute du rouble sans précédent depuis 1998

La Russie s’enfonce donc dans la crise économique et ce ne sont pas les déclarations se voulant rassurantes du porte-parole du Kremlin qui vont y changer quelque chose. Derrière le calme apparent, la situation est tendue pour le pouvoir russe, comme en témoigne la réunion d’urgence effectuée jeudi soir en présence de la banque centrale et de plusieurs établissements bancaires russes. La présidente de la banque centrale russe a d’ailleurs annulé en urgence sa venue au Forum économique mondial de Davos qui se tient ces jours-ci. Dans la même journée, les autorités russes ont annoncé la fermeture définitive de la banque Vnechprombank, devenue trop fragile financièrement après avoir maquillé ses comptes. C’est l’un des plus gros établissements fermés ces dernières années en Russie, classé 40ème du pays sur plus de 700 établissements du point de vue des actifs détenus. Placée sous tutelle depuis plusieurs mois, sa fermeture est une perte douloureuse pour ses créanciers.

Il faut dire que la chute du prix du baril de pétrole sous les 30 dollars, soit plus de 70% depuis l’année 2014, est un lourd handicap pour un gouvernement russe qui dépend à plus de 50% des recettes du pétrole. Cette fragilité est encore accentuée par les mesures de rétorsion économique, prises par les pays occidentaux après la crise ukrainienne, et l’embargo partiel décidé par les autorités russes, après qu’un avion de chasse russe ait été abattu par la Turquie. A tout cela il faudrait ajouter les coûts de l’intervention militaire russe en Syrie. Dans ce contexte, le gouvernement russe ne pourra d’ores et déjà pas maintenir ses prévisions de budget pour 2016, qui prévoyait notamment un déficit à 3%.

Cet approfondissement de la crise économique russe vient donc confirmer un constat que nous dressons depuis longtemps : à l’opposé des discours des grands médias occidentaux sur l’émergence de la Russie, membre des BRICS, en tant que grande puissance ou sur les supposées prétentions de Poutine d’envahir l’Europe ; le géant de l’Est est aujourd’hui dans une situation économique délicate, et les déclarations offensives de Poutine sur la « Grande Russie » ne sont pas très crédibles et masquent mal la période d’instabilité qui s’ouvre actuellement en Russie.

Une étape de plus dans la crise économique mondiale ?

La tâche de résoudre la crise économique s’avère d’ores et déjà très compliquée pour le gouvernement russe. Le ministère de l’économie russe a bien annoncé qu’il planchait sur un plan de relance de l’économie russe à hauteur de 420 milliards de roubles (4,8 milliards d’euros), mais le ministère des Finances a prévenu que la facture serait trop élevée dans le contexte actuel.

Au plan international, les coordonnées géopolitiques et la surenchère autour des prix du pétrole semblent fixer au moins pour un certain temps les coordonnées d’un prix du pétrole très bas. L’Iran, après la levée de sanctions intervenues récemment, ou encore l’Arabie Saoudite, ont tous les deux annoncé leur volonté de maintenir à un niveau élevé leur production de pétrole et de continuer la guerre des prix qui se déroule actuellement. De plus, la Russie apparait aujourd’hui de plus en plus isolée au niveau mondial, et ce malgré les efforts du gouvernement russe.

Tous ces éléments tendent à confirmer qu’après les inquiétudes à répétition sur les bourses asiatiques, la Russie est en train de s’installer durablement comme un nouveau maillon faible du système économique mondial. La tendance actuelle est donc à l’approfondissement de la crise du capitalisme.

Vers un retour de la contestation sociale ?

La situation économique tendue pourrait confirmer les tendances à la contestation de Poutine qui existent déjà en Russie. En novembre et décembre dernier, le gouvernement avait déjà dû affronter un important mouvement de contestation des transporteurs, qui posait les bases d’un affrontement plus radical.

Or, la chute du rouble a déjà des conséquences importantes sur la population russe. En 2015, l’inflation a bondi de plus de 13%, synonyme d’augmentation des prix et particulièrement dans le domaine alimentaire, touché par les sanctions occidentales. Dans le même temps les salaires baissent, voire, parfois ne sont plus versés. C’est désormais plus de 20 millions de Russes - 15% de la population - qui vivent sous le seuil de pauvreté, soit 7 millions de personnes de plus qu’il y a un an. De plus, de nombreux russes ont contracté des emprunts en devises étrangères pour acheter leur logement, une condition souvent imposée par les banques en Russie. La dévaluation importante du rouble, de plus de 100%, depuis l’année dernière a donc mis de nombreux emprunteurs dans une situation très difficile, où ceux-ci se voient contraints de rembourser le double de la somme empruntée au départ.

Dans ce contexte, toute accélération de la crise du rouble pourrait mener à une situation explosive. Ce mercredi, les premiers signes de dévaluation de la devise russe avaient entrainé une action d’occupation des locaux de DeltaCredit, une filiale de la Société Générale en Russie, et la police avait dû intervenir pour déloger les protestataires et arrêter cinq personnes. Le lendemain, de nombreux clients étaient retournés devant les locaux de la banque pour contester :

La Russie apparaît donc de plus en plus clairement comme un épicentre de la crise économique mondiale après l’instabilité des marchés financiers mondiaux de ces derniers jours. Le maintien des prix du pétrole à un niveau très bas ainsi que l’isolement international de la Russie laissent présager à plus ou moins long terme une déstabilisation du pays, ce qui constituerait un saut supplémentaire dans la crise actuelle du capitalisme. Face à cette situation critique, il n’est pas impossible que certains secteurs des classes dominantes européennes cherchent à rétablir des liens plus étroits avec la Russie. C’est en ce sens qu’il faudra scruter avec attention la visite prévue d’Emmanuel Macron à Moscou lundi prochain, où l’avenir économique de la Russie sera certainement mis sur la table.


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