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Vague de lutte de classes

Colombie. Journée massive de grève générale

Alors que l’Amérique du sud est traversée par une vague de lutte de classes la Colombie se mobilise massivement. Deviendra-t-elle un nouveau foyer de contestation dans la région ?

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Le spectre de la lutte des classes hante l’Amérique latine. Ce dernier a fait directement irruption début octobre à la Casa de Nariño, siège du gouvernement colombien, avec l’appel de différentes organisations syndicales ouvrières, mouvements sociaux, et leaders populaires à la grève générale du 21 novembre (21N). Un appel national à la grève rejoint par la majorité des secteurs professionnels, paysans, étudiants, population pauvres des villes, professeurs et communautés indigènes.

Le président Iván Duque  élu depuis 16 mois – et porté au pouvoir par le parti ultra-libéral du Centre Démocratique dirigé par l’ex-président Alvaro Uribe, craint que la révolte chilienne contamine la Colombie. S’ensuivent des mesures extraordinaires prises depuis lundi dernier telles que l’ordre de fermeture des frontières avec le Pérou, l’Equateur, le Venezuela et le Brésil. L’habilitation des maires à décréter le couvre-feu, et l’impressionnante démonstration de force militaire qui a lieu dans les plus grandes villes du pays, tels que Bogota, où l’armée en « alerte maximale » occupe les places publiques et défile en moto à grand bruit à travers les avenues.

Ces mesures accompagnent une série de tactiques d’étouffement de l’appel à la grève nationale. Parmi lesquelles l’arrestation et la mise en garde-à-vue des leaders sociaux, une propagande d’intimidation menée sur les réseaux sociaux (menaces contre les manifestants, fake news présentant la découverte de plusieurs kilogrammes de dynamite destinés à être utilisées lors du 21N) montages de propagande prétendument pacifiste où l’on oppose les constructifs et ceux qui veulent tout détruire pour désigner tout sympathisant à l’appel du 21N comme un possible « casseur », faux posts de la part de faux manifestants qui appellent à la violence, et récemment des policiers infiltrés à l’université se faisant passer pour des étudiants cagoulés tentant de dérober des bonbonnes de gaz, empêchés d’agir par les étudiants eux-mêmes.

Voilà le quotidien des colombiens depuis octobre. Mais à l’heure où nous écrivons ces lignes, la population rejoint en masse les manifestations dans quasiment toutes les villes. Ces mesures extraordinaires sont la preuve de la fragilité d’un régime haï par la population dans un pays où les mesures néolibérales ont été appliquées sans concessions depuis des décennies, où la corruption et les inégalités atteignent des niveaux spectaculaires, et où le chômage de masse et la précarité, la violence à l’encontre des leaders sociaux (702 leaders sociaux assassinés depuis la signature des accords de paix selon l’Instituto de Estudios Sobre la Paz – 24.11.2016 et 135 ex-combattants de la Farc) ont réussi à mettre les colombiens en tension.

Qu’est-ce qui déclenche aujourd’hui la colère ?

Août 2019 est un moment de bascule. Le gouvernement a dissimulé le bombardement d’un présumé camp de dissidents des Farc ayant fait huit victimes mineures – parmi ces victimes une fillette de 12 ans, un adolescent de 15 ans, et une adolescente de 16 ans. S’ensuivit la démission du Ministre de la défense ; clef de voûte d’un gouvernement ayant fondé sa campagne sur la sécurité.

Le président interrogé sur les événements a répondu à un journaliste de RT « De quoi tu me parles vieux ? » déclaration devenue virale révélant la totale déconnexion du chef du gouvernement avec les réalités du pays.

Puis arrivent les réformes nommées « el paquetazo », en raison de leur nombre et de leur disproportion. Au cœur de ces mesures la possibilité de payer 75% du salaire minimum les jeunes de moins de 25 ans, l’élimination du fond de retraite public, le recul de l’âge de départ à la retraite, l’établissement d’un salaire minimum différentiel tenant compte du coût de la vie selon les régions, la possibilité d’embauche à l’heure et la cotisation à la retraite par heure, la fusion de plusieurs entités financières de l’Etat conduisant à des licenciements en vue d’économies, la privatisation d’entreprises publiques comme Ecopetrol, l’intensification des mesures de surveillance et répressives envers les leaders sociaux, et la liste est encore longue...

Ces réformes arrivent par une porte dérobée. En effet quelques jours avant le 21N le gouvernement n’a cessé de démentir sa volonté d’appliquer de telles mesures. Mais il y a eu des fuites, des documents divulgués par les médias.

Du côté des revendications, on vise l’application pure et simple des accords obtenus lors de grèves précédentes des professeurs et des étudiants – à propos notamment du financement des universités. Les mêmes demandes de la part des communautés indigènes et paysannes. S’ajoute la problématique des accords de paix et notamment le financement de la protection des leaders sociaux, les difficultés liées au retard pris dans les réformes agraires et les programmes de transition de l’agriculture illicite. Ainsi bien sûr que le rejet total du « paquetazo » lui-même.

Quoi qu’il en soit, les mesures d’intimidation ne semblent pas avoir fonctionné et les travailleurs et les jeunes sont descendus en masse dans les rues colombiennes. Nous continuerons à suivre la situation qui pourrait devenir le nouveau front de la lutte de classes au niveau régional. La Colombie étant avec le Chili l’autre pays sud-américain où le modèle néolibéral s’est imposé avec le plus de force. Ils pourraient peut-être devenir les postes avancés de la contestation de même modèle.


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