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Tribune d'Anasse Kazib

Combattre l’islamophobie à la FI et ailleurs : la nécessité d’un parti révolutionnaire

Des propos islamophobes étaient au rendez-vous à l'Université d'été de la France Insoumise. Retour sur quelques éléments sur cette organisation, et sur les tâches que nous avons pour mettre fin à l'ensemble des oppressions.

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Je voulais revenir plus sur le fond politique de la discussion sur l’islamophobie à l’Université d’Été de la France Insoumise.

On a pu voir qu’un tweet dénonçant des propos revendiquant le "droit à être islamophobe" suscite bien plus de condamnations au sein de la France Insoumise que l’agression physique qu’a subi Taha Bouhafs. Personne, non plus, n’a dénoncé les propos de Sofia Chikirou qui désignait le « petit caïd » Taha qui a eu le malheur d’avoir exprimé son point de vue sur des propos entendus au sein d’un atelier de l’Université d’Été de la France Insoumise.

La contre-offensive menée contre Taha et Youcef, notamment par Sofia Chikirou, Emmanuel Bompard ou Alexis Corbière, mais également par le silence des autres ou "l’appel à l’apaisement" sans dénoncer les propos de Peña-Ruiz a donc un sens profondément politique.

L’organisation d’une Université d’Été ne se fait pas à la légère. S’il est évident que l’on ne maîtrise pas l’ensemble du discours de ses invités, le fait que personne n’ait réagi à ces propos - qui ont au moins le "mérite" d’être clairs -, ainsi que le fait qu’il y ait cet espace pour affirmer ces propos au sein de l’Université d’Été des Insoumis, ne peut être lié à un hasard. De même, l’invitation de Thierry Ardisson par Adrien Quatennens n’est pas non plus un hasard. L’ancien présentateur est royaliste de conviction, et déclare vouloir "rétablir la monarchie constitutionnelle en France"... Tout cela ne peut être délié d’une dynamique politique plus générale de La France Insoumise sur fond d’affirmation de la stratégie populiste.

Mais personnellement je ne suis pas étonné, nous avons vu le tournant opéré dans la campagne 2017. Quand je me rappelle des propos de Mélenchon sur les prières de ‪rue en 2011‬, notamment dans un contexte où l’extrême-droite appelait à un Apéro Saucisson et Vin rue Mirah dans le 18ème, pour dénoncer les prières de rue, regardez l’attitude de Mélenchon, face à des journalistes loin d’être gauchistes et qui sont estomaqués par ce qu’il dit. C’est pour cela que les événements d’aujourd’hui ne me surprennent pas.

Lisez Chantal Mouffe sur la théorie des mouvements réformistes de gauche, Podemos - France Insoumise - Syriza, vous comprendrez que le projet de « révolution » citoyenniste, n’est qu’un gloubiboulga politique, mélangeant souveraineté nationale, patriotisme, jacobinisme, un peu de ci un peu de ça, qui vise à essayer de batailler sur le terrain du Rassemblement National comme on a pu le voir plus récemment avec le "bougé" sur l’immigration ou encore les propos de Mélenchon « [...] qui volent le pain des Français » en 2017.

La lutte des classes et la lutte contre le racisme ne sont pas un jeu électoral. Le temps des politiciens qui viennent faire 3 passes de ballon dans une cité pour gratter des voix est révolu.

La politique de la France Insoumise montre une fois de plus ses contradictions. Le fait de soutenir des mouvements sur les plateaux sans ne jamais proposer un autre plan bataille que celui de suivre la stratégie perdante des directions syndicales, en disant qu’il nous faut « économiser des kilomètres de manifestations ». Ou bien encore en affirmant avec l’émergence des Gilets Jaunes, que c’est « mon programme » « votez pour nous ». Le fait de dénoncer les violences policières, contre les Gilets Jaunes, tout en dénonçant les manques de moyens de la police et le renforcement de l’institution. Dénoncer les inégalités, tout en essayant de faire des compromis, sans remettre fondamentalement le capitalisme au centre pour le détruire.

Une politique de la marelle : on saute de case en case en cherchant où est-ce qu’on va récupérer le plus de voix. Aujourd’hui l’objectif est sans doute de récupérer les anciennes voix de « gauche » parties au Rassemblement National.

Quand on s’inscrit dans le cadre républicain, c’est à dire le cadre d’une démocratie bourgeoise, pas étonnant qu’ils jouent à cela. Lors du débat des européennes sur BFM, la question était en parlant des Gilets Jaunes « les oubliés de la République », Mélenchon a répondu « Laissez tranquille la République elle n’a rien à voir là dedans » ... Vraiment, elle n’a rien à voir ? L’immaculée démocratie bourgeoise !

Alors bien sûr, il y a de nombreux militants intègres, qui maintiennent leur soutien, malgré les orientations, en se disant que la France Insoumise c’est toujours mieux que En Marche.

Je pense également à Eric Coquerel pour qui j’ai, et nous avons beaucoup de respect, pour toutes les fois où il a lutté à nos côtés avec engagement et sincérité.

Nous ne voulons pas de mieux ou de moins bien, nous voulons renverser la table définitivement, non pas pour quelques mois ou quelques temps, mais définitivement.

Il est temps que les camarades, des quartiers populaires aux Gilets jaunes, aux militants et syndicalistes combatifs, et toutes celles et ceux qui partagent le combat pour une société débarrassée de toute forme d’exploitation et d’oppression, on se lance ensemble dans la lutte en posant celle-ci d’un point de vue stratégique.

Non pas uniquement le temps d’une front commun dans la lutte qui est « indispensable » sporadique, mais de faire des pas dans la construction d’une organisation pérenne, sur la base de nos expériences communes dans la lutte des classes, une organisation qui pourrait être les prémisses d’un parti révolutionnaire qu’il manque cruellement dans la situation.

Ce parti ne serait pas uniquement anticapitaliste, mais résolument révolutionnaire, qui n’a pas peur des mots, qui n’esquive pas la lutte pour le pouvoir politique et la destruction de l’Etat bourgeois, pour mettre en place une société socialiste, débarrassée de toute forme d’oppression, qui ne se perd pas dans les alliances fourre-tout. Mais qui comprend l’urgence de la situation, la fragilité et l’instabilité des démocraties bourgeoises, et ses différentes variantes néo-libérales plus ou moins autoritaires, qui sont les deux faces d’une même pièce comme Macron dont les politiques font le lit de Marine Le Pen, du vent d’extrême-droite qui se diffuse en montrant patte blanche au capitalisme, comme en Italie avec Salvini, en Hongrie avec Orban ou encore au Brésil avec Bolsonaro et l’agrobusiness.

Il nous faut construire une organisation révolutionnaire, capable d’assumer ses responsabilités, non pas être uniquement dans l’analyse et la critique politique, mais dans l’offensive et d’être capable de renverser la table. Une organisation politique et stratégique, non pas une organisation attentiste, qui a peur de diriger et de mener l’offensive. Cela devient de plus en plus urgent, notamment après le mouvement des Gilets Jaunes, où nous avons vu la force de la spontanéité des masses quand elles sont prêtes à lutter, parfois au prix de risquer leurs vies, mais nous avons aussi vu les limites de cette spontanéité, en absence d’un plan offensif pour arracher le pouvoir et faire réellement tomber Macron.

La lutte des quartiers populaires est centrale. Premièrement, car la division de la classe ouvrière instituée et alimentée par les classes dominantes constitue un élément clé de la domination de la bourgeoisie pour construire son "ennemi intérieur" avec des traits profonds de continuité avec l’histoire coloniale de l’Etat français.

Dans les quartiers nous sommes victimes du LBD, mais par dessus tout de la bourgeoisie dans son ensemble, socialement et économiquement. Les organisations, les associations, ne peuvent plus aujourd’hui se contenter d’être des lanceurs d’alerte ou des témoins pacifiques ou actifs de ce qu’ils vivent, mais ils doivent être dans une organisation politique révolutionnaire pour mener la mère des batailles, celle d’une révolution, mais pas n’importe laquelle une révolution socialiste, d’une classe [comprise au sens large] contre une autre, pour en finir avec la misère sociale, l’injustice, les violences, le racisme, le patriarcat, le capitalisme, en somme en finir avec les classes dominantes et cet Etat bourgeois impérialiste à leur service, qui tue, qui mutile, qui criminalise.

Il nous faut donc une organisation qui soit conséquente, non pas uniquement qui apporte son soutien ou qui intervient de manière épisodique, mais qui ait un réel plan de bataille général.

Une organisation révolutionnaire de notre classe sociale ne se construit pas d’elle même ou par volontarisme, mais avec les militants qui la composent, elle ne se fera pas avec uniquement de la sympathie et un échange de bons procédés. Elle doit se construire au feu de l’action, à la lumière même de la lutte des classes, comme nous venons de voir avec le mouvement des Gilets Jaunes.

Mais pour ce faire, il faut dépasser les organisations actuellement existantes, pour sortir de la passivité, et passer à l’offensive.

Tout le monde s’accorde pour dire que la crise va en s’accentuant et que des moments de lutte importants arriveront. Mais quand on a dit ça, quelle est la suite ? On reprend les mêmes et on recommence ? Tout cela n’est pas sérieux.

Il est temps d’avoir un programme, une stratégie et un parti révolutionnaire, qui regroupe tous ceux et celles qui partagent cette perspective. Qu’on soit au sein des organisations politiques existantes, au NPA comme au sein de Lutte Ouvrière, qu’on soit des militants des quartiers populaires, des Gilets Jaunes ou encore au sein des organisations syndicales ou collectifs, si notre point commun est de partager cette perspective audacieuse et offensive, il nous faut préparer ensemble la lutte, en dehors des calculs purement électoralistes, pour ne pas se retrouver éparpillés et pour construire un plan de bataille qui nous permette d’arracher la victoire.

Un parti prenant à bras le corps la lutte contre le racisme, les discriminations, l’impérialisme, le patriarcat, la destruction climatique, la pauvreté, les inégalités, l’exploitation, les oppressions etc... Un parti révolutionnaire, qui ne veut pas les miettes, mais toute la boulangerie.

Un parti révolutionnaire qui fasse peur, non pas à ceux d’en bas mais bien à ceux d’en haut, ceux qui tiennent dans leurs mains autant que toute l’Humanité réunie.

Faire peur à ceux qui ne nous promettent que réforme néolibérale, austérité, précarité, flashball et catastrophe écologique.

Changeons les choses réellement et arrêtons les coups d’épées dans l’eau, les divisions et les stratégies de la défaite.

Une bonne rentrée à toutes et tous.

Crédits photo : O Phil des Contrastes


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