×

Tuto licenciement

Comment « bien » licencier : un ancien DRH se confie sur Envoyé Spécial

Comment licencier des milliers de personnes sans faire de vagues, sans ternir la réputation des entreprises, en permettant le maximum d’économies sur la misère des gens ? Comment pratiquer des licenciements abusifs sans qu’il n’y ait de suite ? Le 8 mars, France 2 diffusait une émission d’Envoyé Spécial autour de Didier Bille, ancien directeur des ressources humaines (DRH) de plusieurs multinationales. Les patrons et leurs agents d’exécution savent s’y prendre.

Facebook Twitter

Directeur des Ressources Humaines : métier bien particulier consistant la plupart du temps à être grassement payé pour faire le sale boulot des entreprises. Une des tâches principales : réduire les effectifs soit, licencier les salariés en montant des dossiers en béton pour que ceux-ci aient le moins de recours possibles et que cela ne fasse pas de vagues. Et les techniques, exposées par un des fleurons du métier, Didier Bille, sont bien rodées. Dans son CV, celui-ci peut se targuer d’avoir travaillé pour 10 grandes multinationales (automobiles, pharmaceutiques..) et licencié près de 1000 salariés de manière illégale ou non, « abusive » (selon les lois en vigueur) ou pas.

« Vous faites ce qu’on attend de vous c’est-à-dire quelque chose qui ne laissera pas de trace, qui ne touchera pas l’entreprise et qui fera disparaître le salarié le plus vite possible. »

Trucs et astuces pour licencier quand l’entreprise n’a pas encore de fautes à faire endosser

Didier Bille nous livre ainsi ses petites astuces pour monter un dossier de toutes pièces contre un salarié qui n’a pas commis de faute qui pourrait lui être directement imputée pour justifier son licenciement par l’entreprise. Tout d’abord, un DRH peut « inventer de toutes pièces » mais attention, pour cela il lui faut être créatif et tout de même un peu crédible ! L’autre solution consiste à « exagérer » : un dossier rendu un peu en retard il y a quatre mois et c’est la porte lorsque l’entreprise n’a plus besoin de vous ! Quand vraiment, les patrons et les DRH n’ont rien à se mettre sous la dent, il reste possible de « scénariser » : prendre n’importe quels éléments, les mettre n’importe comment et raconter sa petite histoire... Dans tous les cas, l’important reste le moment de l’annonce. Là, surtout il faut trouver le bon moment, c’est-à-dire mettre l’employé en état de choc, lui apprendre qu’il n’a plus de boulot au moment où il s’y attend le moins. Cette technique permet de minimiser les réactions, du tout bénéf’ !

Envie de plus de profit et besoin de moins de salariés : la solution clé-en-main !

Tout d’abord, il faut rester sur le qui-vive et toujours penser sur le long terme : se préparer à un jour licencier. Certaines entreprises produisent des classements de leurs employés et les notent selon des critères tels que leur expertise, leur nombre d’années, leur comportement, leur résistance aux changements, etc. Ainsi, il peut être demandé aux DRH de sous-noter les salariés pour disposer plus tard d’éléments jouant en leur défaveur lors d’un licenciement, système appelé « sous-notation forcée ». Les salariés sont classés de 1 à 5 et, à 5, ont un gros risque de se faire licencier. Certaines entreprises demandent même de faire des groupes de salariés entre ceux à garder et ceux à jeter selon un pourcentage établi à l’avance. Par exemple, en demandant aux managers de trouver 5 % ou 10 % de personnes sous leurs ordres à virer et les forcer à mal les noter.

« Dans l’état d’esprit et dans la mentalité de beaucoup d’entreprises aujourd’hui, [...] on estime que les salariés doivent être constamment sous pression si on veut obtenir le meilleur d’eux, c’est-à-dire qu’ils doivent avoir en permanence deux choses : d’une part une carotte, en générale financière et d’autre part un gros bâton, c’est être un 5 ou autre chose. »

Tout un ensemble de pratiques qui permettent de licencier beaucoup mais petit à petit, parfait pour passer inaperçu. En effet, les licenciements au compte-goutte sont l’alternative parfaite aux plans sociaux qui coûtent de l’argent et ternissent quelque peu l’image des grosses firmes et cela prévient de tout mouvement social. Et rien de plus facile que de créer des motifs de licenciement quand l’objectif est donné (x personnes à virer sur x mois) : plus de pression et de harcèlement pour provoquer des « départs volontaires », ils commettront bien une faute en étant au bord de la dépression ! Mise en abîme : le reportage fait même état de managers ayant été licenciés car ils refusaient de licencier.

Techniques très utiles pour virer les syndicalistes ou aspirants !

Que de motivations à licencier pour les entreprises, et lorsqu’il ne s’agit pas de motivations financières sur le court terme, cela peut se faire pour se débarrasser des salariés troublions qui pourraient s’en prendre au bon fonctionnement de l’entreprise : les syndicalistes. Ainsi, un ancien ingénieur de NXP raconte avoir été pour la première fois très mal noté au moment où il avait voulu se présenter aux élections syndicales. Au final, il a été licencié avec des motifs minimes et mensongers. C’est que l’entreprise a un temps limité puisque que, si un salarié devient délégué du personnel, il est protégé, alors vite vite vite ! « Dès qu’il y a la moindre rumeur que quelqu’un pourrait se porter candidat, il n’y a pas de temps à perdre, il y a une course contre la montre. Tant que ce n’est qu’une rumeur, vous pourrez prétendre que vous ne la connaissiez pas », confie ainsi l’ancien as des licenciements.

En somme, un glaçant exposé des techniques patronales

Si le reportage livre un portrait de Didier Bille, il est clair que ce n’est ni un cas isolé ni un problème de personnalité. Les DRH jouent dans le camp des patrons et leur servent de fusible de décompression pour licencier massivement en se prémunissant de toute riposte collective. Individualiser et casser un maximum les salariés en se servant des lois bourgeoises faites pour eux, voilà le nerf de la guerre. Et il est certain que plus les travailleurs sont précaires, moins les patrons s’embarrassent de pros des licenciements. Savoir jouer avec les lois pour masquer des licenciements « abusifs », voilà une partie de la stratégie patronale. L’autre partie résidant dans le fait de nous faire croire que certains licenciements seraient justifiés quand ils répondent à chaque fois à leur besoin d’augmenter leurs profits !


Facebook Twitter
« Ils veulent museler toute contestation ». La CGT Fleury Michon appelle à la grève contre la répression

« Ils veulent museler toute contestation ». La CGT Fleury Michon appelle à la grève contre la répression

100€ à débourser pour accéder à son CPF : le gouvernement fait à nouveau payer les travailleurs

100€ à débourser pour accéder à son CPF : le gouvernement fait à nouveau payer les travailleurs

5 jours de mise à pied : la SNCF réprime Marion, cheminote ayant dénoncé une agression sexuelle

5 jours de mise à pied : la SNCF réprime Marion, cheminote ayant dénoncé une agression sexuelle

SNCF : 300 personnes en soutien à Régis, menacé de licenciement pour avoir dénoncé des VSS

SNCF : 300 personnes en soutien à Régis, menacé de licenciement pour avoir dénoncé des VSS

Roissy : face à la pression patronale, les salariés d'un sous-traitant de Sixt en grève reconductible

Roissy : face à la pression patronale, les salariés d’un sous-traitant de Sixt en grève reconductible

« Tavares gagne 36,5 millions grâce aux ouvriers sous-payés » Vincent, délégué CGT Stellantis

« Tavares gagne 36,5 millions grâce aux ouvriers sous-payés » Vincent, délégué CGT Stellantis

Toulouse. Marche blanche en mémoire d'Adrien, employé de l'ATPA-SPA en lutte contre la maltraitance animale

Toulouse. Marche blanche en mémoire d’Adrien, employé de l’ATPA-SPA en lutte contre la maltraitance animale

Chambéry. Les parents d'élèves rejoignent la mobilisation en soutien à une enseignante

Chambéry. Les parents d’élèves rejoignent la mobilisation en soutien à une enseignante