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Derrière le discours médiatique

Comment la RATP met la pression sur les jeunes agents pour les empêcher de faire grève

Depuis quelques jours le discours médiatique tente d’opposer grévistes et non-grévistes, les premiers étant accusés d’insulter et d’agresser les seconds. Pourtant, comme l’explique un agent la réalité est toute autre : les non-grévistes sont bien souvent de jeunes agents qui subissent la pression d’une entreprise qui tente d’empêcher à tout prix la lutte.

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Avec la grève à la RATP, les travailleurs ont renoué avec la tradition du piquet combatif et actif. Depuis le 5 décembre, les blocages de dépôts montrent détermination et la combativité impressionnante des grévistes de la RATP ainsi que leurs soutiens, et ce malgré la répression qui s’abat sur nombre d’entre eux à Pavillons-sous-Bois, Ivry, Vitry, Malakoff ou Aubervilliers.

Ces blocages ont pu occasionner des tensions avec les non-grévistes qui, de fait, contribuent à limiter l’impact de la grève. Pourtant, s’il est important de continuer à bloquer les dépôts et même d’être plus offensifs pour empêcher les bus de rouler, à l’image de la radicalité qui s’exprime du côté des dockers à Marseille, il faut également comprendre ce qui se cache derrière les « briseurs de grève ». Ces derniers restent en effet, envers et contre tout, des collègues qu’il faut convaincre, des potentiels grévistes, voire parfois des grévistes qui reprennent le travail pour mieux être présents sur les temps forts de la lutte.

En particulier, les jeunes agents non commissionnés sont particulièrement concernés par la difficulté à se mettre en grève. Interrogé par Révolution Permanente, un agent nous raconte leur situation.

RATP : un discours anti-syndical de l’entreprise dès la formation !

Comme nous l’explique Thomas (le prénom a été modifié), machiniste-receveur, l’importance de ne pas se mêler à la lutte est inculquée très vite aux jeunes agents : « Dès la formation des jeunes agents au NEF, on leur fait comprendre qu’il faut surtout pas s’approcher des syndiqués ou d’un syndicat. Il faut pas faire grève. C’est explicite, ya beaucoup de jeunes quand ils arrivent en centre bus qui nous le disent. ‘’Nous on nous a dit : il faut pas s’approcher des syndicats, c’est pas bénéfique pour notre avenir dans l’entreprise’’. Ils le disent clairement, enfin pas tous… »

Des jeunes agents très exposés à la pression de l’entreprise

Ce discours va de pair avec une forte surveillance des agents non-commissionnés, agents en période d’essai faciles à licencier. Ces derniers sont en effet fliqués dans leur travail par la Brigade de surveillance du personnel qui traque la moindre erreur et peut facilement faire tomber un agent non commissionné pour le prétexte le plus minime. Mais la surveillance peut aussi s’étendre aux rapports entre les agents. « Les jeunes agents ont tellement peur de ce qu’ils subissent qu’ils n’osent pas en parler. Ils pensent que le syndicaliste ou l’agent syndiqué, aller le contacter, c’est le licenciement direct. D’un côté on les licencie pour un rien les jeunes agents. On veut l’excellence, mais une excellence soumise au bon vouloir de la direction. »

En définitive, les jeunes agents « ont l’épée de Damoclès au-dessus de la tête pendant un an » résume Thomas, « on leur fait bien comprendre qu’il faut qu’ils se plient aux envies des entreprises. » Une pression qui permet de contraindre les agents non commissionnés à briser la grève. « Les gens qui roulent actuellement en temps de grève, bah c’est des jeunes agents qui sont en repos mais à qui on demande « gentiment » - je te laisse imaginer la gentillesse – de bosser sur leurs repos. Chez nous on peut pas bosser sur tous les repos, on a un maximum de 6 jours et 48 heures par semaine, donc ils font avec ça… mais une entreprise comme la RATP sait très bien jouer des lois et les contourner. » explique ainsi Thomas.

Une partie des briseurs de grève est ainsi contrainte par l’entreprise à travailler sous couvert de perdre son emploi : de quoi contredire les discours médiatiques sur les agents « empêchés de travailler », alors qu’il s’agit bien souvent d’agents contraints de travailler par une direction qui tente d’étouffer la lutte !

Quelles solutions pour étendre la grève ?

Pour Thomas, les briseurs de grève, lorsqu’ils ne sont pas téléguidés par l’entreprise à l’image des maîtrises qui conduisent les bus, « ne sont pas des ennemis » mais doivent être convaincus de la nécessité de lutter. Par ailleurs, rappelle-t-il, de nombreux agents grévistes ont pu reprendre le travail sur quelques journées pour tenir le mois ou assurer leurs repos.

Dans le cas des collègues confrontés à des difficultés économiques pour poursuivre la grève, la caisse de grève reste un enjeu central pour l’ensemble des dépôts. Cet outil de lutte, au travers duquel les soutiens peuvent soutenir financièrement les grévistes et qui peut permettre de nouer des liens avec la population localement, n’a rien à voir avec la charité, mais constitue un vrai enjeu stratégique pour assurer que le mouvement continue dans la durée et éviter les reprises.

Par ailleurs, derrière la question de l’attitude à avoir face aux briseurs de grève, c’est surtout la question de l’extension de la grève qui se pose finalement. Pour les jeunes agents menacés par la hiérarchie, seul un rapport de force supérieur peut leur donner la confiance d’entrer dans la lutte, ce qui pose la question de l’extension du mouvement pas seulement à la RATP mais dans l’ensemble des organisations publiques et privées.

Comme le notent Damien Bernard et George Camac à ce propos : « Pour avoir le retrait de la réforme comme cadeau de Noël, il n’y aurait donc pas de raccourci : il s’agit de construire réellement la grève générale illimitée en se servant du tremplin de la date du 17 décembre pour faire rebondir les taux de grévistes et généraliser la grève, y compris à des secteurs du privé. La question de l’auto-organisation et d’une grève contrôlée à la base, avec des AGs démocratiques et des coordinations est également clé. C’est ce type de coordinations, capable d’impulser une orientation distincte des directions syndicales, où la reconductible était voté jour après jour, qui avait permis en 1986 de faire durer le conflit et de mettre un coup d’arrêt au gouvernement.


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