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Crise sanitaire

Concert d’Indochine : le gouvernement en opération de comm’ sur sa gestion de la crise sanitaire

Samedi soir, Indochine donnait le premier concert depuis longtemps devant 5000 personnes à Bercy. L’événement, vécu comme un tournant dans la crise sanitaire et comme une expérience émouvante par les spectateurs, constitue cependant un véritable coup de communication pour le gouvernement et la promotion de son pass sanitaire.

Irène Karalis

31 mai 2021

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Crédits photo : AFP/STEPHANE DE SAKUTIN

Sur les 7500 personnes retenues et âgées de 18 à 45 ans qui se sont fait tester et au terme des trois jours de tests qui avaient pour but d’écarter les cas de Covid, 5000 personnes ont constitué un groupe « expérimental » et ont assisté au concert d’Indochine, debout dans la fosse de l’arène de Bercy, sans aucune distanciation physique. Les 2500 personnes restantes, elles, constituent le groupe « contrôle ». Une semaine après le concert, elles devront toutes retourner effectuer un test salivaire pour comparer le nombre de personnes contaminées et déterminer dans quelle mesure le virus circule.

Organisé par le Prodiss − le syndicat national du spectacle musical et de variété −, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris ainsi que par la mairie de Paris, ce concert était prévu depuis longtemps. « Émus » et « heureux » selon les mots du Monde 5000 personnes ont pu retrouver un peu le goût de la vie d’avant : « C’était ouf, génial. Ça fait un bien fou, moi qui fréquente beaucoup les concerts et étais en manque »expliquait Hortense Lancesseur, dentiste équin, au Monde.

Pourtant, loin d’être une offrande de la part du gouvernement, ce concert était bien l’occasion pour lui de faire un énorme coup de communication et de promouvoir son pass sanitaire, tout en légitimant la gestion autoritaire de la crise par l’exécutif.

Le nouveau coup de communication du gouvernement

Pour le gouvernement, ce concert est la tentative d’imposer au débat public une sortie par le haut de la crise sanitaire et l’oubli de sa gestion catastrophique de la crise et ce alors que les présidentielles se rapprochent. Ainsi Olivier Véran, venu en jean, sa « tenue de concert », s’est déclaré « percuté par l’image de la masse des gens, proches les uns des autres, heureux d’être là, 5000 personnes qui dansent, une scène que l’on avait oubliée » et a affirmé : « c’est un premier concert, un avant-goût de l’été, d’un été libre ». Roselyne Bachelot, fossoyeuse du secteur de la culture, était également présente.

S’il est évidemment positif qu’il y ait un retour des événements culturels après plusieurs mois sans vie culturelle, l’attitude du gouvernement et sa récupération est avant tout hypocrite. Ainsi, il n’est pas étonnant que ce soit Indochine, un groupe dont le membre fondateur Nicola Sirkis n’a pas hésité à défendre Emmanuel Macron par le passé, qui ait été mis à l’honneur pour ce concert-test quand dans le même temps le concert d’IAM à Marseille était interdit. Ce concert ne nous fera pas oublier que ce même gouvernement ne touchait mot ou envoyait la police pour réprimer les occupations de théâtre qui ont fleuri il y a quelques mois dans toute la France et qui exprimaient une colère profonde dans le secteur de la culture. Nous ne sommes pas dupes et si la macronie feint de fêter le retour de la culture, elle consacre dans le même temps la précarité culturelle du secteur et en pleine crise économique s’attaque avec violence à ses acteurs avec la réforme de l’assurance chômage.

Par ailleurs, en arrière-plan ce concert a servi de premier test afin de légitimer la gestion autoritaire du gouvernement et de promouvoir son pass sanitaire. Si Olivier Véran a assuré que ce dernier était « un outil pour des cas exceptionnels, comme ces grands concerts, pour changer de pays sûrement », l’événement de samedi soir est une première réalisation dans l’espace culturel de ce qu’on pourrait voir se généraliser dans les prochaines semaines. En effet, le pass sanitaire, contenu dans la liberticide loi de sortie de l’état d’urgence adoptée jeudi dernier, va être mis en place à partir du 9 juin pour les grands événements où les gestes barrières ne pourront pas être mis en place. Il s’agira alors de présenter une preuve de vaccination, un résultat négatif à un test PCR ou une preuve de rémission du Covid. Pendant comme pour la sortie de crise la macronie aura offert à la pandémie une réponse autoritaire, archaïque et inefficiente. Pour l’exécutif ce concert a bon dos et répond à la double exigence de consacrer d’une part sa gestion de la pandémie, ce serait d’ores et déjà le retour des jours heureux, et d’autre part de légitimer la continuation de sa logique répressive et une de ses mesures phares donc : le pass sanitaire.

En ce sens, la culture et la jeunesse, premiers secteurs que Macron tente de draguer, ne doivent pas cautionner le retour à la normale proposé par le gouvernement, qui se fera à marche forcée, en filant des miettes à la culture et aux jeunes qui sont restés sur le carreau pendant toute la durée de la crise sanitaire. En ce qui concerne la culture, l’attitude du gouvernement à son égard a été claire : sa gestion criminelle a choisi de sacrifier le monde culturel au service d’une gestion pro-patronale, sans que des moyens ne soient injectés pour la mise en place de protocoles sanitaires et de faire des travailleurs de la culture une variable d’ajustement pendant la crise. Employés en grande majorité en contrats courts et précaires, avec peu ou pas de protection sociale, ces travailleurs « jetables » sont aujourd’hui en première ligne des attaques du patronat en temps de crise et ne reçoivent que du mépris gouvernement. Il en est de même pour la jeunesse, dont la détresse et la précarité a été mise au grand jour par la vague de suicides au début de l’année et par les files de queue pour des colis alimentaires. Si Macron tente de redorer son blason en jouant les youtubeurs avec McFly et Carlito, le nouvel habillage communicationnel de la macronie n’effacera pas son indifférence ou ses mesures cosmétiques. Surtout, cela ne pourra masquer le fait que Macron aura préféré verser des milliards pour sauver « quoi qu’il en coûte » les grandes entreprises après avoir réduit les APL pour des étudiants qui crèvent de faim et n’ont déjà pas de quoi payer leur loyer.

Que Macron aille se pavaner en terrasse et son gouvernement dans les concerts, et joue au chantre de la liberté retrouvée ne pourra faire oublier à personne que c’est sa stratégie libérale et sa protection « quoi qu’il en coûte » des intérêts des capitalistes et de la propriété privée qui retarde la sortie de crise. A l’image de sa défense, quoi qu’il en dise, des brevets des grands groupes pharmaceutiques qui alimente la pénurie à l’échelle mondiale au nom de la propriété privée. Dans une sortie de double effet kiss-cool néo-libéral, Macron incarne aujourd’hui à la fois les restrictions et le drame sanitaire, qui a fait plus de 100.000 morts en France.
En définitive, Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF, a très bien résumé la situation : « J’espère vraiment que l’expérimentation sera concluante, pour la filière du spectacle et, plus largement, pour le tourisme ». Il ne s’agit pas pour le gouvernement de faire une fleur à la population, mais bien de remonter sa cote de popularité en vue des présidentielles et, surtout, d’augmenter les profits du patronat.


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