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Conférence virtuelle

Conférence de l’extrême gauche d’Amérique latine et des États-Unis : un premier bilan

Nous publions un premier bilan de la Conférence virtuelle d'Amérique latine et des États-Unis convoquée par le Front de Gauche-Unité d'Argentine. Lors de cette conférence, nos camarades de la Fraction Trotskiste de la Quatrième Internationale (dont les militants qui animent Révolution Permanente sont membres) ont défendu leurs positions et perspectives quant aux tâches actuelles des organisations révolutionnaires d'Amérique latine.

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Nous publions ci-dessous la traduction d’un premier bilan de la Conférence virtuelle de l’Amérique latine et des États-Unis, convoquée par le Front de Gauche-Unité d’Argentine, qui a eu lieu entre le 30 juillet et le 1er août. Lors de cette conférence, nos camarades de la Fraction Trotskiste de la Quatrième Internationale étaient présents et ont défendu leurs positions et perspectives quant au tâches actuelles des organisations révolutionnaires d’Amérique Latine. Fraction Trotskiste dont les militants du Courant Communiste Révolutionnaire du NPA, qui animent Révolution Permanente, sont des membres actifs.

La conférence virtuelle d’Amérique latine et des Etats-Unis convoquée par le Front de Gauche-Unité d’Argentine du 30 au 1er août a été un événement important pour la gauche anticapitaliste et socialiste du continent.

Évidemment, les organisations qui font partie des regroupements internationaux des différentes forces du FIT-U ou qui entretiennent des affinités politiques avec elles y ont participé : la FT-CI, dont fait partie intégrante le Parti des Travailleurs Socialistes ; l’UIT-CI, dont fait partie le parti argentin Gauche Socialiste (Izquierda Socialista) ; la LIS, dont fait parti le MST Argentin ; et les organisations qui ont partagé une déclaration commune avec le Partido Obrero, qui après la dissolution de la CRCI, n’appartient à aucun courant international défini. Ont notamment participé d’autres organisations comme, entre autres, la Ligue de l’Unité Socialiste du Mexique, qui fait partie de l’aile gauche du Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale, dirigée par une des références historiques du trotskysme mexicain Manuel Aguilar Mora ; Plinio de Arruda Sanpaio Jr, militant de l’aile gauche du PSOL du Brésil et rédacteur en chef de la revue Contrapoder, ou encore le Parti Socialiste Révolutionnaire de Bolivie.

Parmi les 50 organisations qui ont participé à la conférence, il existe des différences significatives non seulement dans le degré d’impact réel sur l’avant-garde de leurs pays respectifs, mais aussi dans le fait que certaines d’entre elles ne disposent d’aucune publication récente où leurs activités peuvent être suivies, et d’autres n’ont tout au plus qu’une page Facebook.

Malgré cela, la Conférence a été une initiative promouvant un débat clair et public, s’opposant aux réunions purement diplomatiques, et ce en maintenant un cadre fraternel et en partant d’un programme commun, ce qui n’a pas de précédent récent au niveau international.

Les débats ont montré que, malgré les points d’accord importants que les documents de convocation ont montré, il existe des différences politiques très importantes.

La défense de l’indépendance de classe exprimée par le Front de Gauche-Unité en Argentine ne s’étend pas à l’ensemble du continent. C’est pourquoi nous ne pouvons pas être en accord avec le PO selon qui la Conférence “a représenté un espace de regroupement politique de la gauche qui se réclame révolutionnaire et qui se délimite par l’indépendance politique des travailleurs” [Pablo Giachello, “Ce que la Conférence virtuelle latino-américaine et américaine laisse comme conclusions”, Prensa Obrera 1602, 04-08-2020].

De fait, les différences existantes quant à l’indépendance de classe, décrites dans ce même article, contredisent cette définition. Cela ne signifie pas que nous ne cherchions pas dans les différents pays du continent, avec les courants qui y sont présents, à promouvoir des actions communes dans la lutte des classes chaque fois que cela est possible (à commencer par la mise en place du plan d’action voté lors de la Conférence). Nous devons explorer les possibilités qui permettraient de conclure des accords comme celui du FIT-U en Argentine ou d’autres qui aillent dans le même sens, ou que nous poursuivons les débats par le biais d’un Bulletin de discussion commun, une proposition que nous avons faite et qui n’a pas pu être approuvée lors de la Conférence elle-même, en raison de l’opposition du MST-LIS.

Le PTS et les organisations du continent américain de la Fraction Trotskiste-Quatrième Internationale, qui vient de réaliser un meeting international en ligne très important contre le racisme et la violence policière le 11 juillet dernier, ont été des défenseurs et des participants actifs de la Conférence. Toutes nos organisations font partie du réseau international La Izquierda Diario, qui est présent dans 14 pays en 7 langues, et qui a atteint dans son ensemble plus de 13 millions de visites par mois, un fait unique pour l’extrême gauche mondiale.

Ce sont des journaux faits pour la lutte et dont se servent nos militants quotidiennement alors qu’ils interviennent dans la lutte des classes, pour défendre un programme de transition et une stratégie révolutionnaire et socialiste. Lors de la table ronde sur “La crise mondiale et la rébellion dans l’Empire”, nous avons été représentés par notre camarade Jimena Vergara de Left Voice, aux États-Unis. Dans le débat sur le “mouvement ouvrier latino-américain”, Lester Calderón, dirigeant du principal syndicat de l’usine Orica à Antofagasta, au Chili, et membre de la direction de la CONSTRAMET (Confédération des métallurgistes) du Chili, de la direction du Parti des Travailleurs Révolutionnaires. Et dans la “Situation de l’Amérique latine”, André Barbieri, rédacteur international du journal Esquerda Diario au Brésil et de la direction du Mouvement révolutionnaire des travailleurs (MRT). Christian Castillo et Claudio Dellecarbonara, du PTS, et Javo Ferreyra, de la Ligue ouvrière révolutionnaire pour la Quatrième Internationale (LORCI) de Bolivie, respectivement, sont également intervenus à ces tables.

Lors du plénier général de samedi, notre discours d’ouverture a été prononcé par Christian Castillo du PTS et le discours de clôture par Nicolás Del Caño. Sont intervenus au long du plénier Dauno Tótoro (PTR, Chili), Julia Wallace (Left Voice, États-Unis), Karina Rojas (CTS, Uruguay), Ángel Arias (Venezuela), Diana Assuncao (MRT, Brésil), Violeta Tamayo (LORCI, Bolivie), Cecilia Quiróz (CST, Pérou), Jorge Medina (travailleur Madygraf, PTS Argentine), Myriam Bregman (PTS, Argentine), Aldo Santos (MTS, Mexique) et Esteban Fernández (OS, Costa Rica).

La FT-QI, étant au niveau international une ligue de propagande et d’action, s’est révélée être une organisation dynamique, avec des cadres et des dirigeants implantés dans la lutte de classe de leurs pays respectifs, dont les positions et interventions peuvent être vues dans les publications qui font partie du Réseau International La Izquierda Diario.

À chaque événement important de la lutte des classes, les journaux numériques ont montré leur importance. Par exemple, la persécution subie par les différents gouvernements, comme par les putschistes boliviens ou la poursuite pour "sédition" du gouvernement chilien contre notre camarade Dauno Tótoro, à laquelle le gouvernement a dû renoncer après une grande campagne de défense nationale et internationale. Récemment, des correspondants de La Izquierda Diario du Chili ont été arrêtés en pleine répression contre les mobilisations pour la défense du peuple Mapuche.

Aux États-Unis, Left Voice a aussi gagné sa place dans l’avant-garde militante, tout comme Esquerda Diario l’a fait au Brésil lors des événements qui ont conduit au coup d’État institutionnel contre Dilma Rousseff, à la proscription de Lula, ou aux mobilisations contre Bolsonaro. En France, le rôle de Révolution Permamente a été reconnu par des médias tels que New Left Review, Mediapart et Arrêt sur images [1], entre autres.

Comme nous l’avons souligné, au cours de la Conférence, divers débats ont eu lieu, dont certains étaient prévus dans le document d’appel ; et d’autres, qui ont surgi pendant la Conférence. Nous allons exposer ce que nous pensons être les principales discussions qui ont traversé ces trois jours.

Crises, Guerres et Révolutions

Un premier débat qui a eu lieu porte sur le caractère de l’époque que traverse le capitalisme. Peut-être sans tirer toutes les conséquences de leur proposition, la gauche socialiste et l’UIT-CI ont soutenu que les affrontements entre les États-Unis et la Chine ne voyaient pas venir la guerre et que, au fond, les deux puissances avaient un intérêt commun à exploiter de plus en plus les travailleurs.

Ils ont ensuite souligné qu’ils n’excluaient pas qu’il puisse y avoir des escarmouches militaires entre ces pays, mais étant tous deux capitalistes, ils n’avaient pas de contradictions structurelles entre eux et ce qu’ils considéraient comme dangereux était ceux qui embellissaient la Chine ou la Russie en les montrant comme progressistes devant les États-Unis, car cela pouvait conduire à des positions de défense d’un “camp” contre l’autre.

À notre avis, et c’est ce que nous avons mis en avant dans le discours de clôture, cette vision, si elle se veut “harmonisante” des contradictions entre les États-Unis et la Chine, impliquerait de considérer que le capitalisme serait dans une sorte de "super-impérialisme" ou d’"ultra-impérialisme", des visions développées par Kautsky et Hilferding après un cycle d’internationalisation des forces productives qui a précédé le déclenchement de la première guerre mondiale et qui ont été sévèrement critiquées par Lénine.

La “mondialisation” capitaliste - qui a accompagné le néolibéralisme et la sortie transitoire des États-Unis en tant que puissance sans concurrents après la fin de la Guerre froide et l’implosion de l’Union soviétique - a également créé l’illusion d’un dépassement des contradictions entre les différents États impérialistes.

De nombreux théoriciens de gauche et de droite avaient une vision fausse de la fin des États-nations (souvenez-vous de Empire de Toni Negri et Michael Hardt comme texte emblématique de cette approche) et l’idée d’une coopération vertueuse entre les États-Unis et la Chine qui était partie pour demeurer de manière pratiquement éternelle.

Il est vrai que pendant cette période, on a observé une intégration sans précédent dans l’histoire du capitalisme des chaînes de valeur dans la production, le commerce et la finance mondiale. Mais la crise de 2008 a brisé le consensus de la mondialisation néolibérale. Trump, comme la politique de plus en plus anti-chinoise de toute la classe dirigeante américaine, sont les fruits directs de cette crise.

L’année dernière déjà, le Pentagone avait désigné la Chine et la Russie comme les deux principales menaces pour la sécurité nationale américaine, laissant loin derrière lui les soi-disant "nouvelles menaces", telles que le "trafic de drogue" et le "terrorisme international" qui avaient été en tête de l’ordre du jour lors de la phase précédente, surtout depuis l’attaque des tours jumelles le 11 septembre 2001, et qui ont servi de justification aux guerres impérialistes en Afghanistan et en Irak.

Déjà l’offensive de Bush et des "néoconservateurs" poussant à des "changements de régime" et à la "construction de nations" au Moyen-Orient, dans le Golfe et dans les territoires de l’ex-URSS, a exprimé un changement par rapport aux "interventions humanitaires" qui ont caractérisé la politique impérialiste américaine pendant les années Clinton, mais sans confrontation avec la Chine.

La pression d’Obama pour que le projet de traité transpacifique encercle et tente d’isoler économiquement la Chine a été une transition vers ce qui, avec Trump, est devenu un saut qualitatif dans le commerce et le contrôle du marché de la "haute technologie" et de "l’intelligence artificielle", ainsi que divers affrontements diplomatiques et des déploiements militaires plus importants dans le territoire entourant la mer de Chine par les États-Unis et leurs alliés.

En réalité, les États-Unis, malgré des reprises transitoires, n’ont pas été en mesure d’arrêter les tendances à leur propre déclin. La Chine, lentement mais sûrement, apparaît comme un concurrent géopolitique et économique de plus en plus préoccupant pour les Américains, même si dans presque tous les domaines, la nation qui a hérité de l’"Empire du Milieu" est loin derrière les résultats américains.

L’agressivité américaine n’est pas due au fait que la Chine soit une puissance similaire à la leur, mais à la volonté de frapper avant qu’elle ne continue à se développer et à gagner davantage de zones d’influence économique et politique sur la scène internationale.

C’est cette contradiction structurelle qui pose un possible horizon d’aggravation des confrontations commerciales, des guerres par procuration et même des guerres réelles entre ces États.

Cela signifie-t-il que les tendances à la guerre sont déjà l’élément le plus dynamique de la situation internationale ? À notre avis, pas pour le moment. La dynamique de cette confrontation dépend de nombreux facteurs, notamment de l’évolution de la crise économique actuelle.

Cependant, en termes de méthode, nous pensons que nous devons agir comme Trotsky l’a fait entre la Première et la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il a souligné le caractère stratégique de l’antagonisme qui se développait entre les États-Unis et l’Europe. Ces contradictions ont été renforcées par la crise des années 1930. Trotsky aborde notamment le sujet dans quatre articles et autres manifestes, de 1930, 1934, 1937 et le dernier en 1940.

Comme à cette époque, nous devons souligner avec une clarté stratégique que si un ensemble de révolutions socialistes victorieuses ne l’empêche pas, au 21e siècle, le capitalisme produira des guerres autant voire davantage catastrophiques que celles que l’humanité a connues au 20e siècle. Notre époque est toujours celle des "crises, des guerres et des révolutions", et pas seulement des "crises et des révolutions".

Pour sa part, le PO tend à mettre en avant une vision de la guerre pratiquement imminente, qui ne semble pas être la plus probable, et qui peut conduire à justifier des accords avec des secteurs staliniens qui, en raison de leurs différences avec les États-Unis, tiennent des positions de de défense d’un “camp” contre l’autre, qui considèrent l’État russe ou l’État chinois comme progressistes, comme cela s’est produit avec le Parti des communistes unis de Russie, une organisation qui se prétend stalinienne et qui entretient de bonnes relations avec Poutine, et avec laquelle le PO, avant la rupture avec Altamira, participait à des événements internationaux communs, comme lors de la conférence tenue à Buenos Aires en avril 2018. Nous ne savons pas si la direction actuelle du PO tient toujours ces positions, mais nous n’avons pas eu connaissance de critique publique de cette politique jusqu’à présent.

Sur leur page web, vous pouvez voir l’intervention du leader de cette organisation, Darya Mitina, lors de cette conférence. À cela s’ajoute l’insistance du PO à considérer que le processus de restauration capitaliste en Chine et en Russie n’ont pas été menés jusqu’au bout, en mélangeant la possibilité de leur semi-colonisation avec leur caractère social. Au contraire, nous pensons que personne ne peut prétendre sérieusement que la Russie n’est pas un État capitaliste à part entière depuis maintenant de nombreuses années.

En Chine, le fait que le Parti communiste ait toujours maintenu son pouvoir peut entraîner une certaine confusion. Le processus de restauration a connu une autre dynamique, liée à la pénétration du capital international dans le pays et à l’association croissante entre la bureaucratie et la nouvelle bourgeoisie chinoise qui, loin d’en devenir un adversaire aux intérêts contradictoires, s’appuie sur elle pour continuer à se développer.

Dans les rangs du Parti communiste chinois, on trouve certains des hommes d’affaires les plus importants du pays, dont certains sont de véritables méga-millionnaires. Si les secteurs de l’économie et de la propriété foncière restent majoritairement propriété de l’État, c’est la recherche du profit capitaliste plutôt que la planification qui expliquent les mouvements de l’économie. Le système de santé, par exemple, est largement marchandisé, comme l’a mis en évidence la crise initiale du Coronavirus à Wuhan.

En outre, la Chine présente des caractéristiques impérialistes dans ses relations avec différentes nations, principalement en Afrique. Nous ne définissons pas pour autant la Chine comme un pays impérialiste parmi d’autres. Nous ne pensons pas non plus qu’en cas de guerre avec les États-Unis, la position doit être celle du "défaitisme" des deux côtés de manière égale, mais qu’il faudra analyser tout type d’affrontements sur la base de ces faits concrets. [2]

Un autre débat a porté sur le slogan “Trump out” (Trump dehors), mis en avant par le PO, auquel Jimena Vergara de Left Voice a répondu en soulignant que dans la situation actuelle de course électorale ouverte et de pression pour obtenir un soutien comme "moindre mal" pour la candidature démocrate de Joe Biden, cela ne permettait pas craffronter les illusions réformistes de la population.

À notre avis, il présente le même problème que le slogan "Macri dehors" lancé par Altamira en plein processus électoral argentin en 2019, qui laissait de côté toute critique de l’opposition péroniste qui se présentait aux élections. Aujourd’hui, le slogan "Trump dehors" abandonnerait toute critique du Parti Démocrate, dont le rôle est clairement dénoncé dans le document qui a appelé à la tenue de la conférence virtuelle.

Il est vrai que les États-Unis ont vécu un processus de rébellion populaire et que les mobilisations continuent de se développer, mais la position du PO est-elle que la mobilisation est d’une telle intensité qu’elle pose directement la question de la chute du gouvernement et du boycott ouvert du processus électoral ? Si tel n’est pas le cas, et nous pensons que tout observateur sensé dirait que ce n’est pas le cas, le slogan mis en avant par les camarades ne confronte pas la politique de remplacement du régime impérialiste par la candidature de Biden et le retour des démocrates au gouvernement.

Au cours du débat, un des intervenants du PO a tenté de lier notre critique de ce slogan à notre prétendue opposition à proposer la chute du gouvernement en France ou dans d’autres pays d’Amérique latine, ce qui est totalement faux : nous avons soutenu la revendication de "Macron démission", tant dans la lutte des "Gilets jaunes" que dans la lutte contre la réforme du système des retraites. De même en Équateur face à la rébellion contre Lenin Moreno ou au Chili contre Piñera. Faire des amalgames et falsifier les positions de l’autre n’aide pas à clarifier les différences.

Enfin, lors de cette réunion, nous n’avons pas voulu laisser de côté la question du soutien aux grèves et aux syndicats de police. Depuis la FT-QI, nous avons soulevé dans plusieurs interventions le fait qu’actuellement aux Etats-Unis, il y a un mouvement des secteurs combatifs de la classe ouvrière pour l’expulsion des syndicats de police qui sont intégrés aux organisations ouvrières comme l’AFL-CIO, alors que ces mêmes syndicats de police sont ceux qui organisent la défense des policiers accusés de bavures et assassinats et de corruption. Pour nous, ce mouvement met clairement en évidence le caractère des syndicats de police et le fait qu’ils ne sont absolument pas progressistes pour le mouvement syndical. Malgré notre insistance, étant donné que cela a été un point de différence important au Brésil et en Argentine avec l’UIT-CI et la LIS, ainsi qu’avec le PSTU et la LIT-CI, aucune autre organisation ne l’a mentionné.

Comment agir face aux coups d’Etats et aux mobilisations de la droite ?

Un autre débat a eu lieu sur la politique des coups d’État et des soulèvements de droite devant les gouvernements dits "nationaux et populaires". Dans le discours d’ouverture de la dernière séance plénière, nous avons déclaré que "pour nous, les directions nationales et populaires ou de centre-gauche ne peuvent en aucun cas être vaincus en mélangeant nos drapeaux avec la droite. Ni l’autoritarisme de Maduro ni les critiques que nous portons à Evo Morales ne peuvent justifier de marcher aux côtés de Guaidó et des différentes variantes de la droite vénézuélienne ou des putschistes boliviens, compte tenu des soulèvements et des dites "rébellions populaires" alimentés par la droite et l’impérialisme – ce qui serait une position libérale, démocratisante et non marxiste. Même chose au Brésil : l’opposition à l’austérité de Dilma Rousseff et du gouvernement du PT ne pouvaient pas justifier l’approbation du coup d’Etat institutionnel au Brésil ou la proscription et l’emprisonnement de Lula, sur la base de l’opération Lava Jato, alors que celle ci est menée par l’impérialisme américain. Nous avons ce débat en particulier avec les organisations qui font partie de l’UIT-CI au Venezuela, en Bolivie et au Brésil.

Au Venezuela, bien que José Bodas et Miguel Hernández du Parti du Socialisme et de la Liberté aient tous deux souligné qu’ils ne mélangeaient pas les drapeaux avec ceux de la droite et qu’ils étaient contre les agressions de l’impérialisme, la vérité est que jeudi, Simón Porras a décrit le soulèvement déclenché par la droite en 2017 comme une "rébellion populaire".

Plus stratégiquement, notre camarade Angel Arias de la LTS vénézuélienne a expliqué comment, dans le cas de l’actuel PSL et de Marea Socialista (membre de la LIS dans ce cas), ces organisations sont passés d’un chavisme enjolivé (Marea Socialista faisait même partie intégrante du Parti socialiste unifié du Venezuela - PSUV - au pouvoir) à une absence de différenciation d’avec la droite (dans le cas du PSL, en maintenant des accords syndicaux avec des secteurs qui répondent à Juan Guaido, la marionnette de l’impérialisme) ou à se présenter comme un "chavisme critique".

À l’inverse de cette politique, notre camarade a appelé à “un regroupement des forces de la gauche anticapitaliste et socialiste, de ceux qui résistent à la démoralisation et aux chants pseudo-démocratiques de la droite pro-impérialiste et de ceux qui sont ouverts à surmonter le chavisme par sa gauche”.

Dans le cas de la Bolivie, le représentant de l’Alternative révolutionnaire du peuple travailleur (ARPT), la section locale de l’UIT-CI, a défendu sa proposition de comparer le gouvernement putschiste d’Añez au MAS d’Evo Morales, ce qui est cohérent avec à sa neutralité initiale vis-à-vis du coup d’État d’Añez et de Camacho. Cette position les place complètement en dehors des processus qui se déroulent dans la lutte contre le nouveau report du processus électoral, un mécanisme du gouvernement pour se perpétuer au pouvoir alors que les sondages lui ont tourné le dos.

Critiquer sévèrement le rôle du MAS et son rôle démobilisateur (qui a notamment accepté au Parlement la démission d’Evo Morales au lieu de la rejeter lorsque la résistance était à son apogée), et maintenir une indépendance totale par rapport à lui, ne peut en aucun cas conduire à mettre un signe d’égalité entre le gouvernement raciste et pro-impérialiste d’Añez, qui est précisément issu d’un coup d’État, et le Parlement issu des élections précédentes avec le soutien majoritaire des travailleurs et des paysans. "Añez et le Parlement dehors. Qu’ils s’en aillent tous", dit le journal de l’ARPT, Fuerza n° 60 du 28 mai 2020, sur sa couverture. Une politique totalement démocratisante, qui conduit à ne pas affronter le gouvernement putschiste.

Enfin, dans le cas du Brésil, les faits nous ont donné raison lorsque nous avons dénoncé tant la mise en accusation de Dilma Rousseff que l’opération Lava Jato, dans le cadre d’une politique orchestrée par l’impérialisme. Soutenir qu’il n’y a pas eu de coup d’État au Brésil lorsque Rousseff a été démise de ses fonctions et, plus tard, proposer "d’emprisonner Lula et tous les corrompus", en chœur avec Sergio Moro et toute la droite, comme l’a fait la CST (UIT-CI), n’a fait que favoriser l’application d’une politique qui a fini par faire entrer Bolsonaro au gouvernement.

Pour leur part, les camarades du MST se trouvaient à ce moment-là dans un groupement commun avec le MES, qui avait une politique similaire, sans que cela soit le point de leur rupture (selon leur explication, la rupture est liée au fait que les partis larges soient une tactique ou une stratégie, mais pas à la politique au Brésil).

Aujourd’hui, dans la lutte contre le gouvernement Bolsonaro, il s’agit de ne pas tomber dans le piège de l’“impeachment” qui, si il avait lieu, mettrait le général Mourao au gouvernement. Il s’agit de balayer Bolsonaro-Mourao et l’ensemble du régime putschiste et de proposer une Assemblée constituante libre et souveraine, comme l’a développé Diana Assuncao dans son discours, en appelant le Bloc de gauche du PSOL et le PSTU à se regrouper derrière cette politique.

Par conséquent, il est faux de dire, comme le fait la Izquierda Socialista dans son bilan, que nous les critiquons principalement parce qu’ils sont membres du PSOL (c’est la critique en dehors du temps et de l’espace du PO, pas la nôtre). Dans notre cas, notre questionnement fondamental porte sur la politique qu’ils ont soutenu et qu’ils continuent à soutenir.

Une stratégie non corporatiste pour le mouvement ouvrier

En ce qui concerne le mouvement ouvrier latino-américain, nous proposons, sur la base de nos interventions en tant que FT-QI, certains des points centraux basés sur notre expérience et qui selon nous, font l’objet d’un débat. C’est dans ce sens qu’allaient les interventions de nos camarades Lester Calderón du PTR chilien et de la confédération métallurgique de ce pays, ainsi que de Claudio Dellecarbonara, leader de la minorité de l’union des métro et actuellement député provincial de la province de Buenos Aires du PTS.

Lester a fait la synthèse de l’expérience développée à Antofagasta pendant tout le processus de la rébellion chilienne, qui comprenait la mise en place d’une organisation de regroupement d’avant-garde, le Comité d’urgence et de protection, l’alliance avec les habitants de la région et l’imposition du front unique des travailleurs à la direction bureaucratique de la CUT à différentes occasions. Dellecarbonara a expliqué comment, au sein du PTS, où des dirigeants très importants issus du mouvement ouvrier ont occupé et occupent encore des sièges législatifs gagnés par le Front de gauche dans les assemblées législatives et les conseils délibérants, la stratégie consiste à agir en tant que "tribuns du peuple" et non pas comme de simples dirigeants syndicaux ou parlementaires.

Lors de la séance plénière de samedi, Jorge Medina, de l’usine sous contrôle ouvrier Madygraf et également membre de la direction nationale du PTS, a souligné la contradiction entre la défense de la démocratie syndicale que les différents courants défendent en paroles et l’absence de toute politique de modification des statuts des syndicats, pour garantir, entre autres, la représentation des minorités, lorsque ces mêmes syndicats sont dirigés par la gauche, comme c’est le cas dans la SUTNA en Argentine. À l’inverse, c’est l’exemple qu’a donné le Syndicat des ouvriers et employés de la céramique de Neuquén à l’instant où il a été récupéré de la bureaucratie syndicale suite à la grande lutte de Zanon.

“Fronts larges” et “partis anticapitalistes larges”

L’un des débats les plus importants qui ont eu lieu pendant la conférence a porté sur la légitimité ou non de certaines tactiques pour le développement de partis révolutionnaires. Nous avons une première différence avec ceux qui considèrent que l’indépendance de classe peut être défendue en intégrant des fronts ou des partis de centre-gauche ou de front populaire, qui la nient explicitement, comme c’est le cas aujourd’hui du Front large du Pérou (où participent UNIOS, membre de la UIT-CI) ou comme c’était le cas à l’époque du Projet Sud ou du parti de Luis Juez en Argentine (dont a fait partie le MST).

IS nous a accusés de sectarisme pour avoir souligné la contradiction entre la promotion du FIT-U en Argentine, qui prône l’indépendance de classe et la perspective d’un gouvernement ouvrier, et la participation à un front de centre-gauche comme la FA au Pérou, qui selon son programme lutte pour le "bon gouvernement" et "contre la corruption". IS a justifié sa politique en affirmant que la FA rassemble le "meilleur du progressisme péruvien". Et il a réaffirmé qu’il est "fier" de son appartenance à cette coalition politique, qui a notamment appelé à un vote au second tour en 2016 pour Pedro Pablo Kucinsky, l’équivalent du Macri péruvien, comme moindre mal contre Keiko Fujimori.

Où est l’indépendance de classe ? Comment le FA peut-il aider à la construction d’un parti révolutionnaire, alors qu’il a à sa direction Marco Arana, qui sanctionne toute critique envers sa direction ? En Argentine, Izquierda Socialista a critiqué le MST pour sa participation aux fronts de centre-gauche et a fait valoir que cela constituait une limite dans le cadre des alliances possibles. Au Pérou, en revanche, l’UIT-CI a justifié l’adoption de cette politique, elle même critiquée par le MST, en répondant que cette décision était “tactique”.

Le PO, pour sa part, amalgame la participation à ces fronts de centre-gauche, opposés à la lutte pour l’indépendance des classes, avec une tactique d’intervention au sein des partis dits "anticapitalistes larges" (dans le cas précis, du PSOL au Brésil et du NPA en France) et ce même si cette intervention se base sur une analyse concrète, qui puisse poser des délimitations de classe claires (par exemple, si ces partis assument ou non des responsabilités exécutives ou sont pleinement intégrés dans les fronts populaires). Évidemment, étant donné que le PO n’a pas d’intervention concrète dans ces pays, il peut paraître suffisant, de loin, de proclamer la nécessité de la construction de partis révolutionnaires.

Mais aucun militant, en France ou au Brésil, qui souhaite agir sur les regroupements de l’avant-garde de gauche, ne peut éviter d’envisager sérieusement d’avoir une politique active envers ces partis qui, par ailleurs, ne sont déjà plus comparables l’un et l’autre.

Avoir participé dès le début au NPA mais lutter pour que cette organisation se batte pour construire un parti révolutionnaire de la classe ouvrière, basé sur une intervention active dans les processus de lutte de classe intense, ainsi que le développement audacieux de Révolution Permanente, est ce qui a permis le renforcement de nos camarades du CCR et de toute la gauche du parti, au point que la direction historique de la majorité de l’ancienne Ligue Communiste Révolutionnaire menace actuellement de scission le parti. Les batailles qui ont eu lieu ont permis à des leaders de l’avant-garde ouvrière de rejoindre le CCR, comme Anasse Kazib, l’une des principales figures publiques dans la lutte contre la réforme des retraites [3].

L’autre critique que le PO nous adresse concerne notre politique au Brésil à l’égard du PSOL. Le PO confond en fait deux politiques. La première est la demande d’entrée du MRT dans le PSOL à deux occasions : après le soulèvement de juin 2013 - lorsque le PSOL était clairement devenu la référence à la gauche du gouvernement du PT ; et après le coup d’État contre Dilma pour lutter contre le régime du coup d’État.

L’autre politique est celle des candidatures démocratiques (que nous avons également demandées au PSTU en d’autres occasions) qui, comme leur nom l’indique, n’impliquent pas un engagement dans une politique de parti, mais plutôt dans un pays où la législation électorale est profondément prohibitive. C’est ce qui nous permet de présenter des candidatures, de faire des campagnes indépendantes de celles du PSOL et de participer à la campagne avec notre propre politique. C’est pourquoi nous n’avons apporté aucun soutien à des candidats comme Erundina à Sao Paulo et d’autres qui, sans être aussi connus, étaient liés aux politiques plus à droite du PSOL. En même temps, nous n’avons pas présenté de candidatures démocratiques dans les États où le PSOL intègre des coalitions avec des partis bourgeois.

Le MRT a demandé de pouvoir entrer au PSOL pour mener un combat politique contre les ailes ouvertement opportunistes de ce parti, qui aujourd’hui essaient de converger avec le PT et d’autres forces en dehors de la classe ouvrière dans une sorte de front "anti-Bolsonaro". C’est pour cette raison, et aucune autre, que la direction du PSOL a refusé de nous laisser entrer, montrant qu’il s’agit d’un "parti large" pour les opportunistes ou autres groupes sans influence, mais pas pour les révolutionnaires qui luttent de manière conséquente pour leur stratégie. La direction du PSOL savait qu’elle devrait faire face et répondre aux interpellations publiques du MRT qui atteint des centaines de milliers de personnes avec son journal Esquerda Diario.

Enfin, il y a eu également une discussion sur la manière d’avancer vers la construction d’un parti révolutionnaire aux États-Unis, le MST et la LIS insistant sur le fait que cela ne pouvait se faire sans un engagement actif au sein du parti Democratic Socialists Of America (DSA). Mais s’il est vrai qu’un dialogue avec les militants et sympathisants du DSA est essentiel, sa direction s’attache pour autant à défendre des candidatures principalement au sein du Parti démocrate, une question qui ne peut être ignorée, comme le fait le MST. Les camarades de la LIS vont-ils faire campagne pour les candidats du DSA qui figurent sur les listes du Parti démocrate ? En outre, il existe une large avant-garde qui s’est développée après l’assassinat de George Floyd et qui remet en question le DSA sur sa gauche, du fait que celui ci dilue les critiques au racisme structurel qui caractérise le capitalisme impérialiste américain.

Jimena Vergara et Julia Wallace, de Left Voice, ont toutes deux rappelé non seulement l’importance de l’intervention active et constante au sein de la rébellion populaire contre le racisme et la violence policière, mais aussi la nécessité de lutter contre le soutien apporté par le DSA aux candidats au sein du Parti démocrate, en appelant ces militants à lutter pour un troisième parti qui soit celui de la classe ouvrière et qui lutte pour le socialisme. Left Voice, qui a gagné sa place au sein de l’avant garde américaine, tiendra bientôt sa première conférence nationale.

Pour faire avancer le programme révolutionnaire, organiser l’avant-garde et ouvrir une voie vers le mouvement de masse, l’intransigeance stratégique est indispensable, ainsi que l’audace de déployer des variantes tactiques, comme Trotsky le conseillait aux révolutionnaires en France, en Espagne et en particulier au SWP américain, avec lequel il a discuté d’une batterie d’initiatives tactiques qui comprenaient entre autres la fusion qui a conduit à la formation du Workers Party, l’entrisme au PS, la motion spéciale du Parti des travailleurs qui est soulevée dans les débats sur le Programme de transition ; et le soutien à la candidature présidentielle du PC.

Ceux qui s’adaptent à des dirigeants opportunistes et centristes oublient l’intransigeance stratégique et sont ainsi liquidés en tant que révolutionnaires. Mais ceux qui refusent d’avoir des tactiques de construction et qui ont une position autoproclamatoire stérile, s’abstiennent de la lutte politique nécessaire pour gagner les secteurs les plus à gauche - organisés ou non en "partis centristes" - à une perspective révolutionnaire.

Les voies vers la reconstruction de la quatrieme internationale

En lien avec la discussion sur les tactiques à développer pour avancer vers la construction de partis révolutionnaires, la discussion a également porté sur les moyens d’avancer dans la reconstruction de la Quatrième Internationale. Il faut souligner que le PTS a proposé d’inclure ce point dans la déclaration de convocation, une question qui n’a pas été acceptée par le PO, en soulignant qu’elle ne faisait pas partie du programme du FIT-U.

Sur ce point, comme l’a souligné Nicolás Del Caño dans son discours de clôture avant le vote des Résolutions, les "camarades du PO proposent de revendiquer la méthode qu’ils ont appliquée au CRQI. Mais cette organisation a été dissoute et nous n’avons vu aucun bilan qui permette d’en évaluer les échecs.

À notre avis, aucune internationale ne peut être construite sur quatre points généraux". Déjà dans le passé, l’organisation Causa Operária do Brasil, liée depuis de nombreuses années au PO, s’était séparée du CRQI, sans que les raisons politiques d’une telle rupture ne soient claires non plus. Cette organisation s’est ensuite avancée dans une position de soutien complet au PT.

La vérité est que le CRQI n’a jamais eu d’existence réelle en tant que tendance commune et traînait une longue crise avant la rupture d’Altamira avec la direction actuelle du PO, qui n’a pu entraîner de son côté aucune des organisations avec lesquelles elle partageait un regroupement lâche et des accords programmatiques très limités.

Le PO a présenté un texte commun sur l’Amérique latine avec d’autres organisations qui ont participé à la Conférence, dont la plupart sont des groupes naissants sans publication régulière et dont beaucoup n’ont même pas de site internet (seuls le GAR mexicain et les Jeunes Travailleurs du Costa Rica ont un site). C’est pourquoi, dans les trois tables rondes, les six orateurs correspondant à chaque organisation ou tendance internationale étaient issus du PO argentin, et durant le plénier du samedi, sept sur treize, même si nous comptons comme des organisations différentes du Parti et du Polo Obrero le Groupe des travailleurs boliviens, qui réside en Argentine. En ce sens, un bilan peut être fait concernant la politique de reconstruction de la Quatrième Internationale proposée par le PO et le PTS.

Si la situation du PO est celle que nous venons de signaler (c’est-à-dire une première déclaration signée avec les premiers groupes après la dissolution du CRQI sans que l’on sache clairement quelles étaient les différences politiques qui la motivaient), le FT-QI, encore une petite organisation, est aujourd’hui l’une des tendances les plus dynamiques du mouvement trotskyste au niveau international.

Cela ne vient pas de nulle part, mais d’un dévouement théorique et pratique permanent, qui comprend la publication de plus de 25 livres de notre propre élaboration sur des thèmes centraux de la théorie, de la stratégie et de la tactique marxistes à notre époque, des thèses programmatiques fondamentales des différents groupes, des tactiques particulières adaptées à la réalité de la lutte des classes dans chaque pays, ainsi que l’impulsion du réseau international La Izquierda Diario.

Ce dernier, loin d’être constitué de simples journaux informatifs, comme le PO veut le faire croire, a non seulement joué un rôle, comme nous l’avons souligné, dans tous les processus importants de lutte qui ont eu lieu dans les pays où nous sommes présents, mais a de plus été mené dans la tradition léniniste, combinant information et prise de position politique et théorique.

La FT-QI n’est pas constituée sur la base d’accords diplomatiques ou très généraux, mais, comme l’a souligné Del Caño, avec "la méthode d’unir sur la base du partage d’un programme et de tirer des leçons révolutionnaires des éléments les plus brûlants de la lutte de classe, ce qui est à notre avis la méthode avec laquelle Trotsky a oeuvré pour la fondation de la Quatrième Internationale.

Car nous sommes clairs sur ce point : nous ne pensons pas que la reconstruction de la Quatrième Internationale soit un processus de croissance évolutive de la FT-QI, mais qu’elle sera liée à des fusions et des ruptures, en fonction des processus réels qui se déroulent dans la lutte des classes. C’est pourquoi tout ce que notre tendance a accumulé est au service de cet objectif, dans la reconstruction du Parti mondial de la révolution socialiste, la Quatrième Internationale.

En ce qui concerne le MST et la LIS, Alejandro Bodart a utilisé l’argument de l’existence de traditions diverses pour justifier des accords programmatiques généraux, qui laissent place à tout type de tactique, où la "flexibilité tactique" est étendue au point de permettre l’entrée de mouvements politiques clairement de centre-gauche.

N’oublions pas que le MST en Argentine, alors même que le FIT posait les bases de sa propre existence, faisait partie du Proyecto Sur avec Pino Solanas (aujourd’hui ambassadeur du gouvernement Alberto Fernandez en France) et le parti de Luis Juez (aujourd’hui député national pour le macrisme !) à Cordoba. Lorsqu’il faisait partie du SU, qui nie la stratégie de construction de partis révolutionnaires, il a célébré la victoire de Syriza en Grèce, juste avant que cette coalition n’applique de manière brutale l’austérité sur le peuple. À l’époque, ils étaient enthousiasmés par l’idée d’une "nouvelle gauche" qui "laisserait derrière elle les dogmes du passé".

L’échec dans la recherche de ces raccourcis a conduit le MST à proposer l’année dernière son entrée au sein du FIT, ce que nous célébrons car cela permet de renforcer le pôle d’indépendance de classe que nous constituons depuis 2011. Mais tout comme le PO ne l’a pas fait avec le CRQI, nous n’avons pas non plus vu de bilan public du MST quant à ces expériences. Et, comme le dit le proverbe, celui qui n’apprend pas de ses erreurs est condamné à les répéter.

Enfin, les camarades de Izquierda Socialista et de l’UIT-CI ont insisté avec la proposition d’un Front unique révolutionnaire au niveau international, en soulignant qu’ils s’adressaient non seulement à des organisations issues du trotskysme mais aussi à d’autres traditions. Le Front unique révolutionnaire était une tactique proposée à l’époque par Nahuel Moreno qui, peu après avoir fondé la LIT-CI en 1982, a conduit à des accords totalement opportunistes en Colombie et au Mexique qui ont éclaté à peine après avoir été concrétisés.

Le problème n’est pas "idéologique", à se considérer ou non comme trotskiste, mais politique et programmatique. Les accords de type Front unique révolutionnaire proposés par Moreno sont trop minimes pour former une base stratégique et programmatique solide permettant d’avancer dans la reconstruction de la IVe.

Pour appliquer les mesures votées

Le fait que ces différences et d’autres aient pu être discutées lors de la conférence (en partie, il est vrai, dans de nombreux cas) nous semble faire partie de ce qu’il convient de valoriser, car en même temps, les délibérations ont été accompagnées de textes programmatiques très progressistes et de la promotion d’actions communes, dont toutes les organisations doivent veiller à la réalisation.

Malheureusement, les camarades du MST et de la LIS étaient en désaccord pour que parmi les résolutions de la Conférence apparaisse la mise en place d’un Bulletin commun où les débats menés seraient poursuivis, comme nous l’avons proposé avec le PTS et la FT-QI, ce avec quoi le PO et IS et la UITCI étaient d’accord. Nous continuerons à soulever cette proposition à la Table Nationale du Front de Gauche-Unité. En même temps, le 21 août, nous organiserons un débat en hommage à Léon Trotsky à l’occasion du 80e anniversaire de son assassinat par le stalinisme, où nous débattrons une fois de plus des moyens d’avancer dans la reconstruction de la Quatrième Internationale, une tâche stratégique que la crise actuelle rend plus urgente que jamais.

  •  Voir aussi : Christian Castillo du PTS argentin : « Le défi est de construire des partis révolutionnaires et la IVème internationale »
  •  Conférence virtuelle de l’extrême-gauche latino-américaine et états-unienne

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    Claudia Cinatti

    Dirigeante du Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) d’Argentine, membre du comité de rédaction de la revue Estrategia internacional, écrit également pour les rubriques internationales de La Izquierda Diario et Ideas de Izquierda.

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