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Ni A, ni B, pour un Plan I comme Internationaliste

Conférence du « Plan B ». L’appel de Lordon à un rassemblement de « la gauche du plan B »

A Paris, ce dimanche, s’est clôturé le meeting du « Plan B ». Deux lignes politiques se sont dégagées. La première, avec de la « gauche du plan B », s’articule autour de la revendication de la sortie de la zone euro comme première étape nécessaire à une restauration de la « démocratie » et la fin des politiques « austéritaires ». La seconde, l’aile « européiste », regroupe quant à elle les partisans d’un « euro démocratisé », et rejoue, avec des variantes, la partition du « Plan A ».

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Damien Bernard

La rencontre qui s’est tenue à la Maison de la Chimie, à Paris, a réuni des économistes et des personnalités politiques de la gauche de la gauche pour aborder, autour de trois tables rondes, les questions de la monnaie, des dettes publiques et des échanges internationaux. C’est notamment autour de la question de la zone euro que se sont cristallisés les débats et les désaccords.

L’appel de Lordon à la « gauche du Plan B »

Malgré les exhortations de Jean-Luc Mélenchon à élargir le spectre du « Plan B », qu’il aurait aimé au pluriel, Frédéric Lordon a paru être le plus conséquent pour définir une ligne politique claire sur la définition d’un seul et unique « Plan B », sous peine que la « gauche radicale » continue à semer des « illusions ». Ce plan B devrait, pour faire la « différence », pour restaurer la « souveraineté démocratique » et réaliser un « internationalisme réel », trancher sur la question de la sortie de la zone euro.

A l’aune de la capitulation de Tsipras, Lordon tire le bilan que « ne plus avoir l’austérité et rester dans l’euro, avoir l’euro et la démocratie, ces promesses-là sont intenables car elles sont contradictoires, et pire que contradictoires, sans compromis possible ». Il tranche ainsi incontestablement en faveur de la nécessité de la sortie de l’euro, contre toute tentative de la « gauche radicale », et de Mélenchon, de rester vague sur cette question.

C’est par un appel, à la « gauche du Plan B » à trancher le débat que Lordon a conclu son intervention : si elle veut retrouver « le goût de la vraie politique », sous peine de rester « inconséquente », sa « plaie d’époque », elle doit sortir de l’euro. Lordon a fustigé, également, tous ceux qui tentent de « repousser le moment où les contradictions sont mises à nu », la « droite » du plan B, les tenants du « parlement de l’euro » ou « l’euro démocratique ». Ce sont bien les « européistes » qui se voient pousser des ailes, notamment avec la possibilité d’une alliance de Podemos avec le PSOE en Espagne, qu’il a en ligne de mire.

L’appel de Costas Lapavitsas au retour à la dévaluation compétitive de « gauche »

Passé le débat pour une unification de la « gauche du Plan B », afin de trancher la question de la sortie de la zone euro, les économistes Cédric Durand, membre d’Ensemble ! (Front de gauche), Costas Lapavitsas, du parti Unité populaire en Grèce, et Fabio De Masi, eurodéputé Die Linke, se sont attachés à définir en pratique ce que serait ce plan B « jusqu’au bout ». Ce plan, qui devrait être adapté à chaque pays en fonction de son importance, tranche la question d’une sortie de la zone euro comme première étape d’un processus de reconstitution à l’intérieur de l’État-nation, pour gagner des « marges de manœuvres » nécessaires à l’abandon des politiques « austéritaires ».

Costas Lapavitsas a ainsi pu expliciter étape par étape ce plan de sortie de la zone euro, qu’il a qualifié de « sortie progressiste », à la différence de la « sortie conservatrice ». Cette première serait, en dernière instance, une variation de la « sortie de gauche », elle serait de préférence « ordonnée », ou, au pire, « imposée ». Le défaut de paiement est alors posé comme le premier acte contestataire. Les tâches à résoudre seraient différentes, en fonction du poids économique et géopolitique du pays, qu’il s’agisse d’un pays du cœur de l’UE à l’instar de la France ou de l’Allemagne, ou d’un pays « périphérique », comme la Grèce ou l’État espagnol.

Cette sortie de la zone euro permettrait ainsi un retour à la souveraineté nationale, un « souverainisme de gauche », de gauche parce que mené par un gouvernement de gauche, et progressiste. Après ce retour à la « démocratie » s’ensuivraient la mise en place d’une monnaie parallèle, d’un contrôle des capitaux, la nationalisation de la banque centrale, la dévaluation pour les pays périphériques ou la réévaluation pour l’Allemagne.

Mais l’économiste grec a su rester réaliste. L’ensemble de ces mesures impliqueraient forcément une forte récession. Celle-ci serait alors un moindre mal pour Lapavitsas : grâce à cette dévaluation compétitive, l’économie renouerait avec la croissance en quelques mois. Pour illustrer cette reprise miraculeuse et mécanique, Lapavitsas a expliqué que l’histoire l’aurait démontré à plusieurs reprises. Une analyse qui apparaît quelque peu légère pour un « économiste marxiste » !

La dévaluation compétitive teintée de gauche …

Faisant fi du contexte de l’une des plus grandes crises mondiales depuis 1930, qui se caractérise par une durée sans précédent quoique d’une brutalité moindre comparée aux années 30, ces économistes de la « gauche du Plan B » tentent en réalité de réhabiliter « la dévaluation compétitive » d’antan qui, mécaniquement, déboucherait sur un sursaut économique. Cette croissance retrouvée permettrait de regagner des « marges de manœuvre » à échelle de l’Etat-nation.

En dernière instance, donc, pour nos économistes, la dévaluation compétitive, alternée entre les différents États se faisant concurrence, différant les rythmes de croissance et des crises, ne serait plus une arme redoutable aux mains des gouvernements, au service du patronat, pour imposer l’austérité aux travailleurs par l’inflation des prix des biens importés. Elle serait « de gauche » et « progressiste », car réalisée par un gouvernement de « gauche », élu « démocratiquement », par le peuple qui souhaiterait en finir avec l’austérité. La différence fondamentale serait que ce gouvernement de « gauche » aurait désormais les « pleins pouvoirs » économiques pour relancer des investissements publics pour l’intérêt général.

… pour masquer un projet de reconstruction nationale

Sous les dessous d’un « souverainisme de gauche », le Plan B cache en réalité un projet de reconstruction nationale et un retour réactionnaire à l’Etat-nation. A la désinflation salariale imposée par les politiques « austéritaires » des différents gouvernements de la zone euro, le Plan A avait pour objet de négocier « l’austérité » dans le cadre de l’union monétaire.

Le Plan B, lui, vise à se défaire de l’étreinte technico-monétaire en sortant de la zone euro. La logique reste pourtant la même, que ce soit à l’intérieur ou en dehors de la zone euro. Pour les pays périphériques, il faudra de la même façon négocier l’austérité et le tribut imposé par le grand patronat local. Cela revient à « négocier » l’austérité imposée par les pays centraux, notamment par les taux de changes, et l’échange inégal, qui se perpétuera, en dehors de la zone euro, enrichissant les pays du centre au détriment des pays du Sud. Une sortie de la zone euro, pour les pays du centre, notamment la France et l’Allemagne, marquerait la fin de la zone euro telle qu’elle existe aujourd’hui, l’Allemagne n’y étant d’ailleurs pas si défavorable. Cela aurait pour conséquence une récession profonde, l’accélération des ajustements structurels ainsi qu’une montée de l’inflation, le tout couronné par un retour aux « dévaluations compétitives ».

Ni Plan A, ni Plan B. Pour un Plan I comme internationaliste

En dernière instance, ces « gouvernements anti-austérité » en seraient réduits à « négocier » l’austérité, l’accentuant même dans un premier temps à travers une inflation galopante qui s’occuperait d’accélérer les ajustements salariaux. Qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone euro, le néo-réformisme est une utopie, qui plus est lorsque les conditions objectives de la « réforme » ne sont pas d’actualité. On se trouve en effet dans le contexte d’une crise mondiale profonde et structurelle du capitalisme, bien loin des taux de profit élevés des « Trente (peu) Glorieuses » de l’après-guerre. Les profits très élevés, pendant les trois décennies de croissance ininterrompue pour les pays impérialistes, étaient la condition objective des réformes, acquises de haute lutte par le mouvement ouvrier pour améliorer ses conditions de vie.

Le plan B n’est qu’une variation de plus de l’utopie néo-réformiste. Le seul plan qui vaille, et duquel devraient se faire l’écho les organisations ouvrières et de la jeunesse, à commencer par une extrême gauche, c’est un Plan I. I comme internationaliste. Un plan contre l’Europe du capital tout comme contre les fausses solutions nationales, pour la nationalisation, sous contrôle des travailleurs, des industries et des services stratégiques, pour mettre hors d’état de nuire le patronat, pour un système bancaire unique, sous contrôle des salariés et des petits déposants, pour une ouverture complète des frontières afin de mettre à bas cette Europe forteresse des barbelés et des morts en Méditerranée.


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