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En première ligne

Confinement dans les Crous : les étudiants précaires face à la crise sanitaire

Pendant le confinement, les facs ferment mais les étudiants précaires restent. Isolés dans des chambres d'une dizaine de mètre carré des résidences universitaires (Crous) sans aucune mesure sanitaire, licenciés ou obligés de travailler sans protections, des jeunes en première ligne face à la crise.

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Montpellier - la Cité universitaire de la voie domitienne - mars 2020. / Crédit photo : © F3 LR

Les jeunes précaires sont en première ligne de la crise. Plus de 20% des étudiants vivaient déjà en dessous du seuil de pauvreté, tandis que 40% des étudiants exercent un emploi pendant l’année scolaire, absolument nécessaire pour vivre pour 54% d’entre eux. Seulement voilà, beaucoup de ces étudiants travaillant dans la restauration ou l’hôtellerie ont été licenciés après l’annonce par le premier ministre Edouard Philippe de la fermeture des restaurants et cafés. D’autre part, beaucoup d’étudiants travaillent sans contrat de travail reconnu, et ne peuvent donc bénéficier des mesures de chômage partiel annoncées. Ces mêmes étudiants ayant perdu leur emploi quelques semaines plus tôt se retrouvent sans aucune source de revenus et dans l’incapacité de couvrir des dépenses les plus élémentaires comme se nourrir et payer leur loyer. Qu’adviendra-t-il de ceux qui ne paieront pas, puisque aucune solution n’a été prévue par ce gouvernement n’a que faire des plus précaires ? Quant à ceux qui ont pu garder leur emploi, ils sont obligés de travailler sans matériel de protection face à l’épidémie.

La crise sanitaire est d’autant plus insoutenable pour les étudiants qui habitent dans l’une des 729 résidences administrées par les Centres Régionaux des Œuvres Universitaires (CROUS) dont les chambres dépassent rarement les 10m² et dans lesquelles la plus-part des espaces communs – cuisines collectives, restaurants universitaires, salles de travail – ont tout simplement été fermés sans prendre en compte les besoins de celles et ceux qui n’ont eu d’autre choix que de rester. Après avoir « invité » tous les étudiants logeant au CROUS à quitter les lieux, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a annoncé le 19 avril une série de « mesures de soutien » aux étudiants, insuffisantes.

Si le maintien des chambres universitaires était une nécessité criante pour que des milliers d’étudiants ne se retrouvent à la rue, l’annulation des loyers concerne seulement ceux qui ont pu quitter leur chambre pendant la période de confinement, mettant ainsi en difficulté tous ceux qui n’ont pas d’autre endroit où aller et qui se sont fait licenciés des petits jobs dans la restauration, essentiellement occupés par des étudiants. Pour ce qui est de la conservation des bourses, elle ne concerne pas tout le monde, et excluent car les étudiants étrangers, exclus de la quasi-intégralité du système d’aides sociales étudiantes, qui se retrouvent encore une fois sur le carreau et doivent toujours s’acquitter de leur loyer, licenciés ou obliger d’aller travailler sans mesures de protection. La précarité étudiante est ainsi d’avantage exacerbée en ces temps de crise, et ceux qui étaient déjà forcés de sauter des repas pour ne pas finir à découvert à la fin du mois font partie des plus vulnérables et voient leurs conditions de vie largement dégradées.

D’un point de vue sanitaire, les mesures d’hygiène les plus élémentaires semblent aujourd’hui ne pas être respectées : les lieux communs, moins fréquentés ne sont pas nettoyés avec la même rigueur alors qu’au vue des circonstances. Pourtant, les résidences CROUS où sont confinés de nombreux étudiants devraient faire l’objet d’une attention particulière en matière d’hygiène. Jusue là les seules mesures prises par le ministère ont été l’interdictions de se rassembler dans les salles communes qui ont d’ailleurs été fermées, renforçant l’isolement dans des chambres minuscules d’une dizaine de mètre carré. Le seul lieu commun resté à disposition des étudiants est la laverie, mais avec l’obligation de s’y rendre seul et sans que le matériel de protection soit mis à disposition. Un étudiant étranger habitant dans la résidence universitaire de Villetaneuse (93) raconte : « Il n’y a ni gants, ni masques, ni gel hydroalcoolique pour éviter de contaminer les autres et de se faire contaminer, et vu qu’il n y’a pas de tests de dépistage, on ne peut pas savoir si on est infecté par le coronavirus ou pas. Et encore moins d’accès à un médecin pour se faire examiner si jamais on tombe malade. »

De plus, la fermeture des restaurants universitaires qui proposaient des repas à des prix abordables met en grande difficulté des étudiants qui doivent concilier baisse de revenus ou licenciement et augmentation des dépenses alimentaires. D’autre part, certaines chambres individuelles ne disposant pas de cuisine individuelle, les habitants se retrouvent démunis et dans l’incapacité de cuisiner correctement. Une étudiante étrangère qui réside à la résidence l’Hermitage à Saint-Denis interrogé par Révolution Permanente, raconte avoir dû se procurer une plaque électrique et bien que cela soit interdit par la réglementation des lieux pour des raisons évidentes de sécurité, c’est ce à quoi les étudiants en sont réduits s’ils espèrent se nourrir pendant la durée du confinement et tant qu’aucune solution digne ne leur soit proposée.

Les jeunes travailleurs et étudiants précaires sont aujorud’hui en première ligne face à l’épidémie et aux licenciements. C’est à eux que le gouvernement et le patronat veulent faire payer la crise. Face à cette situation, il est nécessaire de revendiquer un moratoire pour l’annulation des loyers pour l’ensemble des étudiants en incapacité de payer leur loyer, sans condition de nationalité, de même que l’interdiction des licenciements, l’embauche en CDI des étudiants licenciés, et l’arrêt des entreprises non essentielles à la lutte contre l’épidémie accompagnée d’un paiement à 100% des jours non travaillés. Sur le plan sanitaire il faut également exiger la réquisition des logements vides pour loger toutes celles et ceux qui n’ont pas accès à un logement digne pour passer la période de confinement, ainsi que la mise en place de véritable mesures sanitaires dans les résidences universitaires, avec la mise à disposition de gel hydroalcoolique, de gants, de masques, d’accès aux soins, et d’une campagne de dépistage massive.


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