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Droite et extrême-droite

Congrès des Républicains : coincée entre Macron et l’extrême-droite, la droite cherche un candidat pour éviter la fracture

Les Républicains ont décider de désigner leur candidat pour les présidentielles 2022 par le biais d'un congrès. Après l'abandon d'une nouvelle primaire de la droite, l'équilibre des forces au sein du parti traditionnel de la droite semble tourner en faveur de Xavier Bertrand. Mais l'émergence de Zemmour à sa droite et l'attraction de Macron au centre fait craindre le danger d’une fracture du parti.

Boris Lefebvre

29 septembre 2021

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Crédits photo : AFP

Après l’expérience catastrophique de la candidature de François Fillon en 2017 marquée par la corruption et les scandales médiatiques en cascade, les Républicains viennent de trancher : il n’y aura pas de primaire de la droite pour la présidentielle 2022.

Alors que le parti avait mobilisé en 2017 près de 4 millions de participants à sa primaire, les militants de l’organisation de droite vont décider en toute autonomie qui se présentera à la présidentielle lors d’un congrès en décembre. Une façon d’éviter une guerre publique et médiatique des chefs, mais aussi de paver la voie à Xavier Bertrand qui était opposé à une primaire. Une option qui est cependant loin de résoudre les problèmes structurels du parti, qui connaît une polarisation entre une ligne centriste et une ligne plus radicale sur le terrain identitaire, dont Eric Zemmour veut se faire le héraut.

La primaire abandonnée mais le problème de la candidature des Républicains reste irrésolu

Depuis les élections régionales et en l’absence de chef naturel et incontesté comme le fut Nicolas Sarkozy, trois figures étaient pressenties pour incarner la droite traditionnelle aux présidentielles : Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand. Si les deux derniers ne sont plus membres de la formation de droite, ils n’en restent pas moins des figures longtemps attachées aux Républicains et que l’électorat de droite plébiscite. Les trois avaient rempli la condition sine qua non pour briguer la candidature de droite : remporter honorablement leurs régions respectives lors des élections de juin dernier. En août, Laurent Wauquiez créait pourtant la surprise en jetant l’éponge. Le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, ancien secrétaire général de l’UMP et tenant d’une ligne identitaire, affirmait ne pas vouloir « ajouter de la division à la division », dans une famille politique où « les candidatures à la présidentielle à droite se multiplient de façon inquiétante ».

Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ancien membre des Républicains qui se rêve en chef des droites pour 2022, réalisait un très bon score contre Sébastien Chenu, le candidat du Rassemblement national, en rassemblant 53% des voix au second tour. Celui qui appelait à voter pour lui et « faire rempart au RN » gagnait en assise et en posture présidentiable en doublant LREM sur le terrain du front républicain. De quoi alimenter sa candidature affirmée depuis des mois. De son côté, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a elle aussi quitté les Républicains et lancé sa campagne durant les vacances d’été. La candidate qui se voit en opposante de droite à Macron a mis le paquet sur les thématiques de l’immigration et d’une surenchère raciste et xénophobe.

Dans la perspective du congrès de décembre, où s’affronteraient Valérie Pécresse, Michel Barnier, Éric Ciotti et Philippe Juvin, candidats déclarés à la primaire, la première et Xavier Bertrand apparaissent comme les favoris. En effet, si le président de la région Nord n’est toujours pas officiellement en lice pour l’investiture du congrès, il semblerait qu’il se prépare à y présenter sa candidature après avoir réussi à obtenir l’abandon d’une primaire à laquelle il s’opposait. Comme le confirme Christian Jacob, il est « plutôt clairement » dans la logique de se présenter au vote des militants lors du congrès du 4 décembre. C’est d’ailleurs ce que ses porte-paroles ont avancé en appelant de leurs vœux « un congrès de rassemblement plutôt que d’affrontement ».

Le but de la démarche de Xavier Bertrand, sûr de son ascendant alors qu’il est crédité du meilleur taux de réussite parmi les candidats de droite en cas de duel entre Macron et un Républicain, est, comme l’explique Cécile Cornudet de parvenir à éliminer, lors des 68 jours qui vont précéder le congrès, tous les autres candidats en les ralliant à sa candidature par la négociation. Si Ciotti, Juvin et Barnier seront les plus aisés à convaincre de laisser la place à celui qui cherche à s’imposer comme le leader de la droite en 2022, Pécresse pourrait donner du fil à retordre à Xavier Bertrand comme le pointe L’Opinion. En ce sens, elle dénonce pour l’instant : « Au départ, Xavier Bertrand ne voulait pas participer à une primaire, puis il a semblé accepter de se soumettre au vote des militants et maintenant que c’est le cas, il ne veut plus que d’un vote avec son seul nom ! Ils ont voulu un vote, ils l’auront ».

L’abandon de la primaire est donc loin de résoudre tous les problèmes auxquels font face les Républicains. Surtout, le parti continue de subir des pressions extérieures, qu’elles viennent de Macron ou de l’extrême-droite, alors que Eric Zemmour aspire à dynamiter le parti.

Un parti pris entre le macronisme et l’extrême-droite

Si les Républicains ont réussi à réaliser un bon score lors des dernières régionales, celles-ci ont été l’occasion de passes d’armes avec certaines figures Macron-compatibles. L’ouverture de la liste de Renaud Muselier en PACA a des figures de LREM a ainsi suscité des remous en interne du parti. Finalement, la situation s’est résolue, causant au passage le départ du maire de Nice pro-Macron Christian Estrosi.

De même, alors que Edouard Philippe doit lancer sa nouvelle organisation pour attirer à la majorité présidentielle une partie des Républicains, la question du macronisme se pose à nouveau autour de la décision d’abandonner la primaire. Jean Leonetti, député LR et maire d’Antibes, pointe ainsi une « procédure fermée à double tour » et s’inquiète qu’elle profite à Macron. La tenue d’un congrès va en effet exclure de fait d’éventuels électeurs de Macron ou du centre-droit de la participation alors même que le président des Républicains Christian Jacob affirme qu’« on ne gagne jamais une présidentielle en se repliant sur soi ». Dans un édito pour Le Figaro, Guillaume Tabard note : « Pour ébranler le mur Macron et pour résister à la tornade Zemmour, la droite aura besoin de ratisser large, le plus large possible. Or d’emblée, une règle est instaurée : pas question de donner voix au chapitre à qui ne serait pas LR pur sucre. Amis centristes, amis de la droite macronisée, amis de la droite « hors les murs », ne nous rejoignez pas. À une semaine du lancement de son propre parti, Édouard Philippe peut dire merci à LR. »

Symétriquement, des tensions concernant l’attitude à adopter vis-à-vis de l’extrême-droite ont marqué le parti ces dernières années, alors que des figures comme Robert Ménard ou Marion Maréchal Le Pen défendent le projet d’une « union des droites ». On a ainsi pu entendre ces derniers mois Guillaume Peltier, numéro 2 du parti, défendre Robert Ménard et sa volonté de participer à un « gouvernement d’union nationale » à ses côtés. Or, de ce point de vue, l’émergence d’une potentielle candidature de Eric Zemmour vient réactiver cette perspective et exercer une pression sur LR.

L’éditorialiste, qui n’a pas encore officiellement déclaré sa candidature mais qui agit déjà en candidat, vise en effet explicitement les Républicains dans sa rhétorique. Comme il l’a dit à la Convention de la droite, il ne cache pas aspirer à une recomposition politique permettant d’allier l’électorat bourgeois des Républicains et l’électorat populaire de Marine Le Pen autour d’un projet identitaire et raciste, quitte à faire exploser le parti historique de la droite. Zemmour se ainsi réclame d’« une famille politique qui s’appelait le RPR » qui aurait été « nié, trahi » par « un parti de notables centristes », tout comme « le chiraquisme avait trahi le gaullisme ».

Revendiquant de s’inscrire dans l’histoire de la droite française, à la différence de l’extrême-droite de Marine Le Pen dont la filiation est anti-gaulliste, Zemmour fait ainsi des appels clairs du pied à toute une frange des Républicains qui pourraient être tentés de le rejoindre pour un projet axé sur le terrain identitaire. Alors que Laurent Wauquiez et sa ligne proche de celle de Zemmour se sont retirés de la course à la présidentielle, certains d’entre eux ne cachent pas leur intérêt pour le polémiste à l’image de Julien Aubert, député LR du Vaucluse, Eric Ciotti. François-Xavier Bellamy, tête de liste aux dernières européennes, affirme même sur Public Sénat que rien n’empêcherait Zemmour d’être candidat au congrès des Républicains. De quoi attiser les clivages au sein du parti alors que Valérie Pécresse dresse une « ligne rouge intangible » propre à « la famille de la droite et du centre » contre « les alliances avec l’extrême droite » ou encore Christian Jacob qui explique sur France Inter : « il y a des valeurs que l’on ne partage pas avec Éric Zemmour ».

Vers une candidature ultra-réactionnaire, qui pourrait faire son chemin dans un paysage politique éclaté

Si le polémiste confirme sa candidature, LR pourra difficilement éviter de s’y confronter, alors que celui-ci progresse dans les sondages en récupérant une partie de l’électorat de la droite et une partie de celui de l’extrême-droite.. D’ores et déjà, cette concurrence réactionnaire entretient une radicalisation sur la droite des propositions réactionnaires. Si le racisme et la xénophobie font partie de l’ADN de la droite française, les candidats de LR se sont alignés sur les revendications les plus dures. Ainsi, l’ensemble des candidats à la candidature revendiqueront par exemple un référendum sur l’immigration, mesure également mise en avant par Marine Le Pen.

Dans cette course réactionnaire, la candidature Zemmour constitue une menace mais peut aussi aussi profiter à la droite en divisant les voix et abaissant le seuil d’accès au deuxième tour. S’il affaiblit suffisamment Marine Le Pen, les chances que LR affronte Macron seront augmentées. En outre, Les Républicains et Xavier Bertrand ont encore des atouts à opposer à Zemmour auprès de la bourgeoisie : une réputation plus modérée en dépit d’un projet profondément raciste et sécuritaire, des expériences de gouvernement, un parti implanté localement, etc.

Quelle que soit l’issue du Congrès, les tensions qui traversent le parti sont révélatrices de potentielles recompositions de la droite dans le cadre d’un cependant durcissement plus général du discours raciste et sécuritaire. Sur ce terrain, si Zemmour contribue à pousser le curseur à droite, les gouvernements successifs ont joué un rôle fondamental en ce sens. De Hollande et son instrumentalisation réactionnaire des attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan à Macron, qui a lancé depuis un an une grande offensive islamophobe et sécuritaire avec l’appui plus ou moins explicite d’une grande partie de la gauche, du PCF au PS en passant par EELV.

Face à cette radicalisation de la droite, il faudra opposer lors de la présidentielle une candidature de notre classe, porteuse de l’héritage des luttes qui ont traversé le quinquennat Macron et profondément anti-raciste. C’est le projet que nous défendons avec la candidature de Anasse Kazib.


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