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Convention citoyenne pour le climat et référendum : le Greenwashing à la sauce Ve république de Macron

Ce lundi, Emmanuel Macron a annoncé la possibilité de recourir à un référendum pour inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. Derrière l'effet d'annonce, se cachent les mécanismes anti-démocratiques de la Vème République et un coup de com' pour le gouvernement affaibli dans l'opinion publique.

Alberta Nur

16 décembre 2020

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« Je suis là ce soir pour un point d’étape », a déclaré Emmanuel Macron pour ouvrir la discussion qui s’est tenue au conseil économique et social, ce lundi 14 décembre. Accompagné par sept ministres - Barbara Pompili, Julien Denormandie, Emmanuelle Wargon, Jean-Baptiste Djebbari et Gabriel Attal - le président a échangé avec les membres de la convention citoyenne pour le climat, tentant de se redonner un visage écologique et démocratique en « mettant à plat » les mesures de la convention. Mesure phare : l’annonce d’un référendum pour inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la constitution. Un coup de com’ écolo, qui ne va pas résoudre les enjeux climatiques mais cherche plutôt à faire grimper la cote du président.

Initiée en avril dernier, la Convention citoyenne pour le climat, dans la continuité du grand débat, cherchait à répondre aux aspirations populaires écologiques et démocratiques. Le principe : 150 citoyens tirés au sort pour proposer un ensemble de mesures au gouvernement concernant l’écologie. Depuis le début des discussions, tout semble montrer que tout est joué d’avance et que peu de place est laissée aux initiatives et au débat venant d’en bas. Déjà, le casting de la commission de gouvernance de la convention laisse à redire : Catherine Tissot-Colle, une membre du Medef, Augustin de Romanet, le PDG des aéroports de Paris ainsi que plusieurs membres du gouvernement, comme Barbara Pompoli … de quoi faire rêver les ambitions écologiques.

Au début du processus, Emmanuel Macron revendiquait une démarche « sans filtre », et disait que chaque mesure sera appliquée dans l’immédiat, soumise au parlement ou proposée par référendum. Quelques semaines plus tard, les filtres sont revenus en force, avec la possibilité pour le Président de la république d’utiliser des « jokers » pour poser un veto sur certaines mesures proposées. On est donc loin du processus démocratique vendu par le gouvernement, puisque tout se heurte à la volonté du président de la république, incarnation des mécanismes anti-démocratiques de la Vème République.

Des jokers qu’Emmanuel Macron a d’ores et déjà utilisés sur trois mesures : la limitation de la vitesse sur l’autoroute, le fait de taxer les dividendes et le fait de faire rentrer dans la constitution le terme d’écocide. Alors que le président avait promis de mettre en œuvre ces 149 mesures, Clément Sénéchal, de Greenpeace France, déplore : « les jokers sont devenus la règle ».

Les annonces de façade et les nombreuses décisions arbitraires prises par le gouvernement pour décider quelles seront les mesures « possibles » ou pas à mettre en œuvre, ont provoqué des remous chez différents acteurs de la convention. A la mi-novembre, le réalisateur, écrivain et militant écologiste Cyril Dion, également gardien de la commission de la convention, lançait ainsi une pétition intitulée « Sauvons la convention citoyenne pour le climat » qui a recueilli près de 450.000 signataires, dénonçant « le gouvernement [qui] est en train de détricoter et d’affaiblir bon nombre [des] mesures » proposées par les 150 tirés au sort.

En réponse, dans l’interview accordée au média Brut le vendredi 3 décembre, Emmanuel Macron interrogé sur le fait que le gouvernement vidait de principe les propositions de lois, a rétorqué qu’il ne pouvait « pas prendre ce que 150 citoyens ont écrit pour la bible ou le coran ». Une faible tentative de se défendre face aux doutes pointés sur l’efficacité de la convention, suite à quoi Cyril Dion a dénoncé dans une tribune parue dans Le Monde, un « simulacre de démocratie participative ». Avant de pointer à propos de l’échange de ce lundi 14 décembre, « l’enterrement définitif de la promesse du sans-filtre ».

« Commencez par vider vos boîtes mails » : les réponses du gouvernement loin d’être à la hauteur des aspirations écologistes

C’est donc dans un contexte tendu que la réunion s’est tenue lundi au sein du Conseil social et économique, les limites démocratiques de la convention étant au cœur des débats. Dans un contexte d’offensive sécuritaire du gouvernement qui promeut des lois liberticides, la convention pour le climat apparaît d’autant plus comme une opération de communication pour le gouvernement. Face à une jeunesse mobilisée en masse contre la loi sécurité globale et qui dénonce les attaques démocratiques du gouvernement, le président cherche à mettre en avant son profil écologique, et fait mine d’écouter les revendications populaires.

Ce lundi 14 décembre, le président a répondu aux différents groupes de travail, répartis autour de plusieurs thèmes (« se déplacer », « se loger », « consommer », « produire et travailler », et « se nourrir »). En général, le président et les ministres répondaient abstraitement sur les mesures proposées, et ramenaient beaucoup les problématiques à un problème de changement de conscience et responsabilité individuelle.

A propos de la 5G par exemple, alors que la demande de la convention est celle d’un moratoire sur sa mise en place – à laquelle sont favorables « 65 % des français » selon un sondage OpinionWay réalisé fin août – afin d’évaluer les impacts sur l’environnement, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, a rétorqué « commencez par vider vos boîtes mails ». Une déclaration qui renvoie le problème à la responsabilité individuelle de chacun, à vider nos mails, alors même que l’utilisation de la 5G viendrait augmenter la consommation de données mobiles, très néfastes pour l’environnement.

Beaucoup d’intervenants, citoyens tirés au sort, revenaient sur leur désarroi quant à l’éloignement entre les mesures proposées et celles retenues par le gouvernement. « Est-ce que ce qui sortira du projet de loi sera de la poudre de Perlimpinpin ? » a ainsi demandé une membre de la convention, dénonçant notamment les ravages de la mine d’or en Guyane qui n’a pas été fermée comme promis par le gouvernement.

« Quand ça fait payer les riches, vous enlevez les mesures, vous avez enlevé les 4 % de taxes aux dividendes, mais il faut le faire ! » a également pointé un membre de la commission au président, montrant ainsi le vrai visage de « l’écologie » de Macron. En effet, celle-ci n’a de vert que la couleur, et les politiques successives du gouvernement ont approfondi les contradictions climatiques. Pour ne citer qu’un exemple, la réforme ferroviaire, qui implique la destruction des petites lignes de train au profit du bus et des cars, va à l’encontre de toute considération écologique.

« Aucune des mesures n’a été retenue, aucune des mesures ne figure dans le projet de loi. Nous posons donc la question, est ce que cette commission [sur les traitements de déchets] n’aurait pas pour but de désamorcer les mouvements sociaux ? » demande Vita, autre membre de la convention citoyenne, ce qui met le président dans une position plus que délicate. Du côté du gouvernement, il n’a pas été jugé bon de répondre à cette interrogation, ni aux autres d’ailleurs, Macron et ses ministres se contentant d’un discours creux et de mesures édulcorées de leur contenu initialement proposé.

Le référendum : un coup de com’ pour masquer l’autoritarisme de la Macronie

Dans ce contexte, la proposition d’un référendum pour inscrire dans la constitution la lutte contre le réchauffement climatique apparaît comme une grande mascarade. Dans un contexte de mobilisation importante contre les lois liberticides du gouvernement, la mise en place d’un référendum apparaît comme l’opportunité parfaite pour Macron de se refaire une popularité au sein de la jeunesse toute en draguant son électorat de gauche.

Une tactique politique qui n’avait pas été utilisée depuis 2005 avec le référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe, dont le résultat avait d’ailleurs été bafoué par le gouvernement Chirac puis Sarkozy. Le référendum permet à Macron d’apparaître, en dialogue direct avec « le peuple », survolant ainsi les oppositions politiques, qu’elles soient de droite ou de gauche. Le référendum est donc une manœuvre bonapartiste pour simuler la consultation populaire sur un sujet donnée, mais qui cherche surtout à relégitimer la politique et l’autorité du président, à la manière de De Gaulle en son temps.

Par ailleurs l’apparence démocratique du référendum ne sert ici qu’à masquer les mécanismes anti-démocratiques de la Vème République largement employés par le gouvernement. Cité par Mediapart, Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, explique : « Avant de soumettre une révision constitutionnelle à référendum, il va falloir l’aval du Sénat selon les dispositions de l’article 89… et c’est loin d’être gagné… encore moins vu le peu de temps restant dans le calendrier parlementaire… un référendum fort peu certain donc ». Tandis que le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, affirme : « il n’y aura pas de référendum ! », « c’est une manœuvre politique. 1) Macron ne pourra pas : il faut d’abord l’accord de l’Assemblée et du Sénat et ce dernier ne lui fera pas ce cadeau ; 2) Il est inutile ».

Si l’initiative est largement mise en doute, et que la mascarade ne trompe personne, certains politiciens semblent s’enthousiasmer des possibilités que le référendum ouvre. Comme Yannick Jadot ce matin au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, qui expliquait que cela permettrait « de déposer des recours juridiques pour protéger l’environnement ». Il est absolument illusoire de penser que le fait d’inscrire dans la constitution la lutte pour le climat se concrétisera dans des avancées sur le terrain.

La constitution, n’est qu’une législation, que le gouvernement et le patronat ne se privent pas de bafouer sans cesse, et n’est en aucun cas une garantie pour les droits et libertés des individus. De Sivens à Notre-Dame-des-Landes, on pourrait citer des dizaines d’exemples de projets dont les conséquences désastreuses pour l’environnement étaient considérées comme illégales, mais que le gouvernement a défendus jusqu’au bout en réprimant luttes et résistances.

Il n’y a donc aucune illusion à avoir dans le référendum que veut mettre en place Macron, et si la lutte contre le climat est inscrite dans la constitution, ce n’est que par nos luttes et combats que nous ferons appliquer de réels changements. Macron lui, continuera de réprimer ceux qui dénoncent les désastres de sa politique sur le terrain écologique, a l’image des 137 militants dont 5 journalistes arrêtés le 3 octobre dernier pour avoir dénoncé l’inaction climatique du gouvernement.

Lutter contre le réchauffement climatique ne pourra se faire avec l’aide d’un gouvernement qui défend les intérêts du grand patronat et des multinationales. Le climat ne s’autodétruit pas, il y a des responsables qui le détruisent sciemment, à l’image des 57% des émissions de gaz à effet de serre qui sont la conséquence de l’agrobusiness. Comme le disait Anasse Kazib au camp Youth For Climate en septembre dernier, « ce ne sont pas les bourgeois qui meurent de la crise climatique, ce sont les prolétaires, ceux d’en bas ». La lutte pour l’écologie se fera donc en indépendance du gouvernement et du patronat, responsables de cette crise et qu’il s’agit de leur faire payer !


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