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Mobilisation dans l'ESR

Coordination Facs et Labos en lutte. Vers une grève massive de l’ESR à partir du 5 mars ?

Alors que la mobilisation de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) prend de l’ampleur, une nouvelle Coordination nationale des Facs et Labos en lutte, s'est tenue ce week-end du 1er et 2 février 2020, et a été une véritable réussite. En posant l'horizon du 5 mars comme début d'une mobilisation nationale reconductible, elle traduit la tendance de la mobilisation de l’ESR à se doter d’un plan de bataille qui lui permettrait de devenir une composante essentielle de la lutte sociale qui se joue depuis le 5 décembre.

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Une coordination réussie et les dynamiques de la mobilisation dans l’ESR

A l’initiative du collectif « Facs et labos en lutte », ce sont plus de 750 participants que la Coordination réunissait ce week-end : « étudiant·es, enseignant·es et/ou chercheur·es appartenant à 82 disciplines, ingénieur·es, membres des personnels administratifs, techniques, sociaux, de santé et des bibliothèques (BIAT.O.SS, IT.A), précaires ou titulaires, venu·es de nombreux établissements d’Île-de-France et de 33 autres agglomérations, ainsi que de 5 pays étrangers ». Comme le souligne la motion votée son succès réside également dans sa capacité à réunir les différents acteurs de l’ESR ainsi que de très nombreuses facultés et laboratoire à échelle nationale, malgré une surreprésentation logique de l’Île-de-France, la coordination ayant eu lieu à Saint-Denis.

Cette forte participation témoigne de l’ébullition qui traverse les universités, mais dont les dynamiques sont très inégales. D’une part, il existe de fortes disparités entre universités, voire entre départements au sein d’une même université : certains sont mobilisés depuis le 5 décembre, en grève et ayant mis en place une rétention des notes, tandis que d’autres commencent à peine à mobiliser un noyau dur. D’autre part, la mobilisation repose pour l’essentiel sur le corps enseignant, et dans la majorité des cas sur les précaires : les étudiants étaient d’ailleurs la part pauvre de cette coordination, du fait d’une mobilisation estudiantine restreinte et qui s’appuie justement sur la dynamique de leurs professeurs. La détermination était en tout cas au rendez-vous, et cette coordination réussie est l’expression d’une recomposition profonde en cours dans un secteur peu mobilisé ces dernières années.

Construire une grève effective autour de revendications offensives

Le principal axe des discussions a par conséquent reposé sur l’objectif de la construction d’une grève effective dans l’ESR. Les introductions des organisateurs et organisatrices ont d’emblée posé le cadre de revendications offensives et d’un plan de bataille à la hauteur, et les débats se sont par la suite centrés sur l’élargissement de la mobilisation.

En effet, si le creuset de la lutte de l’ESR est bien le rejet de la LPPR (loi de programmation pluriannuelle de la recherche), les revendications vont bien au-delà. L’assemblée s’est montrée unanime dans la condamnation des évolutions néolibérales de l’université, allant de pair avec une précarisation croissante, des logiques qui visent d’ailleurs l’ensemble des services publics. C’est pourquoi la Coordination revendique notamment « un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires » et « un salaire étudiant », et se positionne en faveur d’une université émancipatrice et ouverte à tous. Cet aspect progressiste s’inscrit évidemment dans un contexte de réactualisation de la réflexion sur le projet de société que la bataille contre le projet de réforme des retraites a ouverte.

Si les revendications ont fait consensus, les modalités de la mobilisation dans l’ESR ont été quant à elle plus discutées. Elles ont en effet oscillé entre un secteur favorable à une grève active, à même de rompre avec la routine universitaire en arrêtant cours et recherche pour dégager du temps afin de s’organiser, en faisant la grève des tâches administratives, en dispensant quelques cours alternatifs, et en décrétant la rétention des notes ou la validation automatique des diplômes, et un secteur plus frileux doutant de l’efficacité de la grève dans le monde universitaire. La Coordination a finalement tranché pour un appel à une « grève réelle et effective » prônant toutes les modalités d’action empêchant le fonctionnement normal de l’université. La coordination s’est également prononcée contre la répression administrative et les pressions hiérarchiques.

Surtout, l’enjeu principal de cette première coordination nationale était de doter cette mobilisation embryonnaire d’un plan de bataille : l’ESR est donc appelé à se mobiliser massivement par la grève à partir du 5 mars – et à se saisir d’ici là, pour construire la mobilisation, des dates posées par l’interprofessionnelle contre la réforme des retraites.

Le mois qui vient sera donc celui de la préparation de cette grève, au niveau local, en s’inspirant des enseignements de la lutte des travailleurs de la RATP, qui ont été à l’origine, dès le 13 septembre, de l’appel à la grève du 5 décembre – date qui a marqué début de la mobilisation historique contre le projet de réforme des retraites.

La nécessité d’une lutte commune de tous les acteurs de l’ESR et, au-delà, d’une convergence avec la révolte générale qui se déploie depuis le 5 décembre

L’enjeu aujourd’hui est donc celui de l’extension de la grève, thème central de nombreux ateliers tout au long de ce week-end. Cette extension passe notamment par la capacité de lier les différents acteurs et actrices de l’ESR : enseignants, enseignants-chercheurs et BIATSS, qu’ils et elles soient titulaires ou précaires, mais aussi étudiants, dont la mise en relation était au cœur des objectifs de la coordination.

Pour autant, la mobilisation de l’ESR, aussi massive soit-elle, ne pourra gagner seule : la grève par procuration reposant sur la mobilisation de la RATP et de la SCNF l’a suffisamment démontré, alors même qu’il s’agissait là d’un secteur stratégique. Le mouvement dans les universités s’inscrit de plus dans l’ouverture des possibles que la lutte des agents de la RATP et des cheminots a provoquée. Contre toute tendance corporatiste à penser cette mobilisation comme un mouvement à part, il est donc nécessaire d’envisager cette grève comme prenant place dans la révolte générale qui se déploie depuis le 5 décembre. Une victoire collective sur la question de la réforme des retraites transformerait considérablement le rapport de force, et rendrait possible une éventuelle victoire contre la LPPR et la précarisation généralisée de l’université.

Elodie Djordjevic, enseignante-chercheuse, y revient dans une interview pour Révolution Permanente : « C’est un mouvement très profond qui ne s’arrêtera pas comme ça. Quelque chose a été lancé le 5 décembre. Les cheminots, les ratpistes et bien d’autres ont été les locomotives et je crois que c’est le moment pour les universitaires d’arrêter de se poser des questions et d’y aller, de rejoindre ce mouvement de fond qui veut aussi reprendre en main la manière dont on peut décider de vivre ensemble et de produire. »

Il s’agit d’une nécessité que la Coordination a d’ores et déjà mise à l’ordre du jour, en organisant un meeting Interpro réunissant professeurs du secondaires, cheminots et machinistes de la RATP et en appelant à faire de nos facs des facs ouvertes et des lieux d’organisation de l’ensemble des travailleurs en lutte. Cette nécessité devra cependant se traduire sur le terrain au niveau local, au-delà des initiatives bienvenues de la Coordination nationale. La réussite de cette première coordination des facs et labos en lutte est en tout cas un point d’appui important dans la construction d’une grève effective dans l’enseignement supérieur et la recherche.


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