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Multinationales

Corruption, catastrophes écologiques, droits humains : Total en 10 scandales

La grève des raffineurs de Grandpuits, qui dénoncent le greenwashing de Total et la suppression de 700 emplois, est l’occasion de rappeler dix des scandales que ce géant de l’or noir a connu ces dernières années.

Sara Yuki

3 février 2021

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Total est la 17ème entreprise la plus polluante du monde, représente à elle seule 0,9% des émissions de gaz à effets de serre sur la planète entre 1988 et 2015. C’est environ le même taux d’émission que la France, cette entreprise pollue donc autant qu’un pays de 66 millions d’habitants. Depuis plus d’un demi-siècle, ce pilier de l’impérialisme français ne se gêne pas pour détruire l’environnement tant qu’il y trouve des profits. Souvent traîné en justice par différentes associations ou ONG, le géant de l’or noir est adepte de la corruption.

Si face à ce lourd passif le géant pétrolier a choisi de développer une stratégie de défense active, en se présentant comme un acteur à part entière de la transition écologique, les déclarations d’intention ne résistent pas à l’examen. Commes le notait récemment Alain Deneault sur Révolution Permanente : « Le groupe Total ne se transforme en rien. Il se soucie d’additionner de nouvelles filières d’activité dans le domaine de l’énergie et du courtage. Ainsi, à l’exploitation pétrolière, de plus en plus hasardeuse dans ses méthodes non conventionnelles, s’ajoutent des formes d’exploitation nouvelles tendant à toujours augmenter sa production globale d’énergie. »

Surtout, dans le récit écologique qu’il tente de mettre en avant, le groupe ne saurait se défaire d’une longue histoire de scandales, qui coure jusqu’à aujourd’hui. Revenons sur dix affaires dans lesquelles Total a été mis en cause ces dernières années.

1. 1992 : Une explosion mortelle à la Mède

En 1992, une explosion à la raffinerie de la Mède fait six morts et un blessé grave. « La réduction des effectifs, la dégradation de la maintenance des installations, le recours à la main-d’oeuvre précaire, l’automatisation à outrance aboutissent à la montée des risques de catastrophe » dénonce à l’époque la FNIC.

Le 7 août 2005, Total laisse s’échapper un nuage d’une dizaine de tonnes d’hydrocarbures de la même raffinerie. Le vent fort a permis d’éloigner le nuage des lieux à plus forte densité, plusieurs centaines d’habitations ont été touchées malgré tout. En juin 2007, Total France est condamné à 10.250 euros d’amende.

2. 1999 : le naufrage du pétrolier Erika

Le 12 décembre 1999, le pétrolier de Total Erika échoue en pleine mer et provoque une terrible marée noire au large de la Bretagne. C’est 30 884 tonnes de fioul lourd qui se déversent dans la mer. L’entreprise est condamnée à verser 375 000 euros d’amende et avec trois autres prévenus 192 millions d’euros de dommages et intérêts aux parties civiles.

3. 2001 : l’explosion de l’usine AZF à Toulouse

Le 21 septembre 2001, l’usine AZF à Toulouse, appartenant à une filiale de Total, est détruite par l’explosion de stock de nitrate d’ammonium. Les conséquences sont terribles : 31 morts, 2500 blessés et de nombreux dégâts matériels. Total a dû verser 2 milliards d’euros en dommages corporels et matériels.

4. 2002 : L’affaire « Pétrole contre nourriture » en Irak

En 2002, une enquête est ouverte à Nanterre pour « abus de biens sociaux ». La multinationale est accusée d’avoir contourné le programme « Pétrole contre nourriture » de l’ONU, qui visait à organiser des échanges de pétrole irakien contre des biens de première nécessité dans le cadre de l’embargo criminel imposé au pays après la Guerre du Golfe. En 2016, Total est condamné en appel à 750.000 euros d’amende pour corruption d’agent public étranger.

5. 2008 : Fuite de fioul à la raffinerie de Donges

Le 16 mars 2008, l’estuaire de la Loire est pollué par une fuite de fioul dans la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique). C’est en mars 2009 que l’entreprise est mise en examen, la dépollution lui coûte 50 millions d’euros. Cet accident ne semble ne rien lui apprendre puisque pas plus tard que ce mois-ci une nouvelle fuite a eu lieu à Donges, la réactivité des ouvriers a cependant permit d’éviter les plus gros dégâts.

6. 2009 : Scandale de la corruption en Italie

Poursuivons avec les scandales de corruption pour Total qui semble ne pas les compter sur les doigts de la main. En février 2009, la justice italienne suspend pendant un an la concession d’exploitation de la filiale Total en Italie sur le gisement Temps Rossa. Cette mesure constitue une sanction suite à la découverte d’un scandale de « corruption » et « d’appels d’offre truqués » pour des montants s’élevant à 10 millions d’euros.

7. 2015 : Total accusé d’exposer des ouvriers à des produits toxiques

Salarié de Marsol, un sous-traitant de Total, et licencié en 2015 pour inaptitude, Thibault Moncade dénonce les conditions de travail sur la zone industrielle de Lacq, où Total avait confié à des entreprises sous-traitantes la dépollution du site. Sur place, les ouvriers travaillaient avec des produits hautement toxiques sans les équipements adaptés.

« La filiale de Total est responsable de la sécurité sur le chantier et doit s’assurer que les équipements de protection étaient portés par les sous-traitants. « Ils ont le pouvoir et l’obligation d’arrêter les travaux dès lorsqu’ils constatent que les mesures de prévention ne sont pas respectées », déclare Gérald Le Corre, inspecteur du travail et syndicaliste. Or sur le chantier en question, le niveau de protection des salariés semble dépendre de la bonne volonté de chaque entreprise sous-traitante. » rapporte Basta Mag en revenant sur l’histoire de Thibault Moncade qui n’a jamais obtenu justice.

8. 2015 : Au Yémen, de la torture dans des installations de Total réquisitionnées ?

Une usine de liquéfaction de gaz est accolée à un port et un gazoduc qui parcourt plus de 300km de plateau désertique au Yémen. Mis à l’arrêt en 2015, au début de la guerre du Yémen, des témoignages recueillis par Amnesty International déclarent que ce lieu est aujourd’hui utilisé par l’armée comme centre de détention. Total et l’Etat Français, qui a soutenu l’installation de l’entreprise dans ce pays, ne peuvent pas jouer aux aveugles face aux multiples arrestations et témoignages. L’enquête menée par les Amis de la terre, l’observatoire des armements et SomOfUs déclare : « il ressort de notre enquête que la France aurait fourni, à travers Total, la logistique nécessaire à un programme de torture et de disparitions forcées ».

Un soupçon de compromission qui peut se comprendre, lorsque l’on sait que Total entretient des relations privilégiées avec les Émirats Arabes Unis, à l’origine des exactions. En effet, la compagnie pétrolière Adnoc, basée à Abu Dhabi, a signé en 2018 un accord avec le groupe Total, lequel produit environ 300 000 barils par jour de pétrole aux Émirats Arabes Unis.

9. 2018 : Pollution massive en Argentine

Au Nord de la Patagonie, la communauté Mapuche est le témoin impuissant d’une pollution orchestrée par des groupes pétroliers dont Total Depuis des années, les sols du sud de l’Argentine sont exploités sans se préoccuper des déchets toxiques générés par ces activités. Ceux-ci sont déversés à seulement quelques kilomètres des habitations des Mapuche, dans de grandes piscines creusées pour l’occasion, sans aucune protection. Total se targue de suivre les normes nationales… et effectivement il profite du fait que celles-ci soient très laxistes sur la protection de l’environnement.

Greenpeace dénonce le scandale et note que « ces activités hautement polluantes, menées en toute illégalité, démontrent une fois de plus le gouffre entre les discours et engagements des dirigeants de Total sur le papier ou sous les projecteurs et les pratiques réelles du groupe dans l’ombre, au détriment de communautés isolées et vulnérables.

10. 2021 : Ouganda. Un pipeline géant qui détruit des villages entiers

C’est dans le parc naturel des Murchison Falls au cœur de la région des Grands Lacs que Total mène son dernier scandale en date. L’entreprise prévoit de forer 419 puits pour atteindre une production d’environ 200 000 barils par jour. Deux ONG les attaquent en justice, dont Les Amis de la Terre, et parlent de « milliers de personnes dont les terrains et maisons sont accaparés » au bord du lac Albert et pointent du doigt la menace que ferait peser la traversée d’un « oléoduc géant » sur ces écosystèmes. Le géant de l’or noir s’apprête à construire le plus grand pipeline chauffé jamais construit (1445 km). L’impact de cette construction est désastreux pour l’environnement en Ouganda et en Tanzanie.

A ces quelques scandales on aurait pu rajouter beaucoup d’autre. La pollution de la Loire en 2018, les drames sociaux générés par le plan de conversion de La Mède ou encore l’opération Greenwashing derrière le projet Galaxie de Grandpuits. Et si l’énorme entreprise pétrolière a fait face à de nombreux scandales autant sur le plan de la corruption que sur la destruction de l’environnement, elle finit toujours par s’en sortir avec des sanctions limitées, totalement dérisoires face aux profits générés par ces pratiques scandaleuses.

A l’heure où les raffineurs de Grandpuits se battent contre un projet de greenwashing, leur combat dessine ce que pourrait être une autre perspective que les illusoires recours en justice face à Total : la reprise en main par les travailleurs eux-mêmes de l’outil de production. Comme le notait Adrien Cornet récemment : « Quand on parle d’environnement on dit que nous, travailleurs ouvriers, on a la priorité de l’environnement parce qu’on se baigne dans les rivières à côté de Grandpuits, on pousse nos enfants dans les balançoires et on a des jardins à côté de Grandpuits… Et si on avait le contrôle de l’outil de travail on pourrait arrêter la raffinerie quand on a des dépassements sur les rejets air et les rejets eau. Ce que ne fait pas la direction de Total parce qu’ils ne veulent pas arrêter la machine à profit. »

En ce sens il est essentiel de soutenir la lutte des raffineurs de Grandpuits, en grève depuis bientôt un mois pour dénoncer la suppression de 700 emplois et les motifs pseudo-écologiques avancés par la multinationale.


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