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Brésil, Temer a du plomb dans l’aile

Coup d’Etat. 100.000 manifestants dans les rues de Sao Paulo

La manifestation contre le coup d’Etat qui s’est déroulée dimanche dans les rues de Sao Paulo, la capitale économique du pays, a été bien plus nourrie que ce qu’espéraient les organisateurs eux-mêmes. Et bien plus importante 0que ce qu’escomptaient les partisans du coup d’Etat institutionnel qui vient de mettre en selle, à la présidence de la république, Michel Temer, l’ancien vice-président de Dilma Rousseff, qui a été destituée.

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André Augusto, Esquerda Diário

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Face au nombre de manifestants qui ont défilé dans Sao Paulo dimanche, le ministre de l’Economie, Henrique Meirelles, a dû rectifier le tir. Depuis la Chine, où il siégeait au G20, Temer avait affirmé, plus tôt, qu’il n’y aurait pas plus d’une quarantaine de personne dans la rue. Meirelles, lui, a dû parler « d’un chiffre substantiel de manifestants ». Celui que ses homologues internationaux surnomment « le concierge [des portes du palais présidentiel] aux pouvoirs affaiblis », Temer, n’a pas fait d’autres commentaires.

Les médias pro-coup d’Etat, ceux-là même qui avaient inventé le chiffre de « un million de personnes » pour parler de la manifestation anti-Dilma de mars dernier, n’ont pas manqué, eux aussi, de tirer la sonnette d’alarme. « Il serait de bon augure, en ce début [de mandat] d’éviter de trébucher sur les mots. Il y avait plus de quarante personnes dans les rues, ce dimanche. Et ces personnes font bien partie du Brésil que Temer est censé gouverné », a ainsi souligné Valdo Cruz, l’un des principaux analystes de la Folha de São Paulo.

« Plus de quarante personnes ». Voilà bel et bien l’expression du fait que le vote par le Sénat de la destitution définitive de Dilma Rousseff ne referme pas les brèches de la crise organique que traverse le régime politique brésilien. Cette crise est toujours ouverte. Indépendamment des acrobaties rhétoriques de Temer, la manifestation de dimanche révèle au grand jour la colère de larges portions de la population contre le coup d’Etat institutionnel. C’est donc à grands coups de « Dehors Temer ! » et « Temer putschiste ! » que les manifestants ont défilé, le 4 septembre, dans les rues des principales villes du pays. C’est encore ces slogans que l’on pouvait entre dans les transports en commun de la capitale économique du pays le lendemain.

Mais cette colère ne vise pas uniquement Temer. Dans le viseur, on retrouve également les partis traditionnels du régime brésilien, à commencer par le PSDB (droite) et le PMDB, le parti de l’actuel président. Dans le cas du PSDB, le parti des « tucanos », selon le symbole de la formation, n’a pas de leader. Cela se matérialise au Congrès par un secteur emmené par Aloyso Nunes, ancien vice-gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, opposé à celui qui est conduit par Cássio Cunha Lima, représentant du Nordeste brésilien, mais également au troisième secteur, influencé par Aécio Neves, incarnation de la riche bourgeoisie industrielle de l’Etat de Minas Gerais. Les « tucanos » soutiennent au gouvernement Temer et n’arrivent pas à percer. Par ailleurs, ils sont tout aussi mouillés dans les scandales de corruption ayant trait à Petrobras, la grande entreprise nationale d’hydrocarbure, que les autres partis politiques, à commencer par le Parri des Travailleurs, et ils ne réussissent même pas à tirer profit de la crise que traverse le PT.

Certains disent que des « tucanos » seraient en train de préparer, en coulisses, une nouvelle formation politique, plus présentable que le vieux PSDB, éclaboussé par les scandales mis en lumière par les enquêtes des juges chargés des affaires « Lava Jatos ». On se souviendra de l’Opération Mani Pulite, en Italie, au début des années 1990, qui a fini par liquider le vieux parti chrétien-démocrate mais a donné lieu à l’émergence de nouveaux partis, encore plus à droite, à l’instar de celui de Silvio Berlusconi.

Du côté du PMDB, la situation est encore plus catastrophique. Non seulement Temer jouit d’une côte de popularité qui stagne sous la barre des 5% mais les caciques régionaux du parti se déchirent. Cette division est particulièrement visible dans le cas de Renan Calheiros, président du Sénat. Lors de la cérémonie d’investiture de Temer, avec qui il entretient des rapports exécrables, Calheiros a souligné qu’il était « avec le président », une façon de lui dire qu’il ne faut pas qu’il oublie ses élus s’il ne veut pas se retrouver avec le Sénat contre lui. Temer n’a pas manqué de répondre à son rival en affirmant, en conférence de presse depuis la Chine, que « celui qui n’était pas content du gouvernement pouvait partir ». On imagine l’ambiance au sein du PMDB.

C’est donc dans ce cadre, illustratif de la situation de crise organique du régime brésilien et de son système de partis, que se joue une partie centrale de la situation actuelle autour de la dynamique du mouvement contre le coup d’Etat.

Trad. CT


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