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Analyse

Crise du logement : une situation critique sur fond de spéculation et de politique anti pauvres

Alors que le gouvernement multiplie les annonces pour tenter de tourner la page des retraites, Emmanuel Macron a présenté, mercredi, « un double choc sur le logement » pour remédier à la crise qui touche le secteur. Des annonces cosmétiques qui masquent mal l’offensive répressive du gouvernement sur le logement alors que la situation se fait de plus en plus critique.

Simon Derrerof

11 mai 2023

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Crise du logement : une situation critique sur fond de spéculation et de politique anti pauvres

Ce mercredi 10 mai Macron a fait de nouvelles annonces sur un sujet qui s’impose de plus en plus sur le devant de la scène, celui de la crise des logements. Dans une interview à l’hebdomadaire Challenges, le chef de l’Etat a annoncé préparer « un double choc » pour sortir de la crise du logement. L’occasion de tenter, colère sur les retraites oblige, de redorer son blason social alors que la situation promet d’être de plus en plus incontrôlable sur fond d’inflation et d’approfondissement des tendances à la crise économique.

Une crise du logement qui s’aggrave dans le contexte inflationniste

Au début de l’année, la Fondation Abbé Pierre, publiait son rapport annuel sur la situation du logement en France. Un rapport qui mettait sous le feu des projecteurs la situation catastrophique du mal-logement et le bilan désastreux de celui qui promettait en 2017 un « droit à la domiciliation » et la « fin du mal-logement ». En effet, en février dernier, étaient comptabilisées au moins 330 000 personnes ne disposant pas d’un domicile, un chiffre en augmentation de plus de 130% par rapport à 2012. Autre chiffre éclairant, la fondation notifiait « 12,1 millions de personnes fragilisées par la crise du logement »

Une situation de crise structurelle depuis plusieurs années, approfondie par les tendances à la crise économique et à la récession ces derniers mois. Ainsi, la hausse des taux de la BCE (Banque centrale européenne) ou de la Fed (la banque centrale américaine) s’est par exemple répercutée dans les crédits immobiliers qui sont passés de 1,06% en décembre 2021 à 3,15% en Avril 2023 en France. De plus, selon les estimations de la Banque de France, la production de crédits à l’habitat devrait chuter de 44,4% sur un an et selon la BCE la situation devrait encore empirer :« les banques s’attendent à une nouvelle baisse nette marquée de la demande de prêts au logement ». Une infographie du Monde donne une vision encore plus inquiétante des approfondissements de la crise depuis le début de l’inflation. Entre février 2019 et le premier trimestre de 2023, l’offre des biens à louer a baissé de plus de 46%, le nombre de mises en chantier depuis 2016 est passé de plus de 40 000 en 2016 à moins de 30 000 en mars 2023. Autres exemples, le site Bien’ici, leader français dans les annonces immobilières constate une baisse de 17% de l’offre de biens à louer entre 2022 et 2021, en quatre ans cette offre a même baissé de moitié.

Et qui est attisée par la spéculation des grands groupes

En plus de l’inflation, l’approfondissement de la crise du mal logement a également pour racine les politiques économiques de grands groupes financiers. Dans son dernier article sur la situation du logement, Médiapart relate par exemple la bataille entre la Banque nationale du Qatar et la banque Suisse pour acheter un terrain vague près d’une autoroute à Saint-Denis. Une bataille motivée par la possibilité d’un lucratif placement long terme. Derrière la crise du logement, c’est aussi la course au foncier, vu comme un produit spéculatif, qui se joue. Ainsi, pour les grands acteurs financiers, pour les groupes milliardaires, la poussée inflationniste a poussé les spéculateurs à rechercher des investissements perçus comme stables et sûrs.

Ainsi, comme le note Edouard Dequeker interviewé par Médiapart : « L’Institut de l’épargne foncière et immobilière (IEIF), a ainsi établi qu’un placement financier sur cinq ans dans des foncières a un taux de rentabilité de 11,4 % bien supérieur à d’autres produits comme les actions (8,6 %), les bureaux en France (5,6 %), les SCPI (5,3 %), les obligations (4,4 %), les logements à Lyon (4,2 %) ou les logements à Paris (3,6 %) ». » Un appât du gain qui a provoqué l’explosion des achats de foncier et de terrains très souvent laissés en friche dans l’attente que leur prix explose pour faire toujours plus de profits. Une politique spéculative qui a déjà des conséquences désastreuses, selon l’observatoire du foncier en île de France : le prix moyen de l’achat de terrain a augmenté de plus 46% en un an.

Et de noter : « L’année 2022 a été marquée par le retour de l’inflation ( 6% à fin décembre qui trouve son origine dans la très forte hausse du coût de l’énergie et des matières premières. Cette augmentation des prix, se conjugue au durcissement des conditions d’accès des crédits pour les ménages qui, comme nous l’annoncions l’année dernière, ne manque pas de peser sur l’activité immobilière ». Une situation difficile que les plus précaires paient au prix fort, et sur laquelle les grands groupes multiplient les bénéfices, alors que la situation devrait encore s’empirer. « La situation difficile observée sur les marchés immobiliers ne transparaît pas encore sur les marchés fonciers. Selon les données des Notaires, les ventes de terrains constructibles ont dépassé les 9 000 unités en 2022 (nouveau record) » conclue l’Observatoire.

Derrière les effets d’annonce : la politique libérale et répressive du gouvernement

Dans ce contexte, Emmanuel Macon a annoncé vouloir mener à bien « un double choc. D’abord une simplification et une réduction des délais pour produire des nouveaux logements. Ensuite, regarder comment développer beaucoup plus de logements locatifs intermédiaires pour baisser les prix, parce que la crise du logement se situe là » sans plus de précisions. Avant d’en appeler à une action concertée, « via une conférence des parties », soulignant « qu’on ne pas tout attendre de la réforme gouvernementale ». Et de promettre qu’il arbitrerait ensuite, à son tour, entre les propositions retenues.

Après des mois de silence, le gouvernement a feint, ce mercredi, dese saisir d’une question potentiellement brûlante sur fond d’inflation. Une façon de tenter de sauver la face d’une politique particulièrement anti-pauvres depuis plusieurs années. En premier lieu, les quinquennats de Macon auront été le terrain d’un fort recul sur les logements sociaux. En effet, la production de logements sociaux a fortement diminué sur les dernières années passant selon un graphique de Statitista de plus 105 milliers en 2018 à moins de 80 en 2022. Pire encore, les loyers des logements sociaux ont grimpé de 154% en 20 ans. Dans le même temps, si les plus précaires ont vu leurs conditions de logement empirer, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne en macronie... Le secteur touristique a connu lui un essor important de ses activités et de ses bénéfices . Fin 2021, ce sont par exemple plus 800 000 locations qui ont été recensés sur le site de Airbnb, soit une augmentation de plus de 18% par rapport à l’année précédente.

Dans un article sur la crise du logement Alternatives Economiques met ainsi l’accent sur un certain nombre de « choix » du gouvernement sur la problématique du logement. Par exemple, le gouvernement avait envisagé dans un premier temps de supprimer 14 000 places d’hébergement d’urgence dans le budget 2023, avant de reculer in extremis sous la pression des associations et collectivités. En parallèle, le gouvernement a mis sur pied une véritable offensive répressive contre les plus précaires dans des coordonnées jusqu’à lors jamais vues. 2022 aura ainsi été une année record avec plus de 2078 expulsions collectives. Une situation qui devrait encore empirer en 2023 en raison de la hausse des impayés de loyers constatés dans les HLMS au dernier trimestre 2022, le tout sur fonds de lois anti-squats, ou encore de baisse des APL.

Le « double choc » appelé de ses vœux par Macron, ainsi que la « simplification et la réduction des délais pour produire des nouveaux logements, puis du développement des logements locatifs intermédiaires » peinent ainsi à dépasser les « effets d’annonce ». Alors que la crise du logement pourrait être un nouveau facteur important de mécontentement, dans un contexte social tendu, ces dernières semaines, nombreux sont les députés de la majorité à avoir prétendu découvrir le problème. A rebours des manœuvres politiciennes la situation appelle à la constitution d’un programme d’urgence à la hauteur.

A commencer par la réquisition des logements vides (plus de 300 000 sont entre les mains de l’Etat ou de grands groupes, le blocage des prix des loyers et leur baisse dans un contexte inflationniste, ainsi que la constitution d’un plan de construction de logements sociaux, qui aurait le double avantage d’apporter une réponse de fond au problème du mal-logement et de créer des emplois. Face à ces politiques libérales qui n’ont pour but que de financer toujours plus les pouvoirs capitalistes, il faut réclamer à contrario que les tous les sans-abris puissent être hébergés, pour cela il faut également construire un véritable service public du logement non pas entre les mains des grands groupes immobiliers, mais entre les mains des travailleurs pour garantir un logement correct à chacun.


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