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Le « sens de l'histoire » et le vent de la révolte

Dans une tribune au Monde, Bertrand Pancher, député UDI, appelle à aller jusqu’au bout contre les cheminots

Dans sa tribune dans le journal Le Monde du 5 avril, Bertrand Pancher (UDI) récite le credo néo-libéral sur l'ouverture à la concurrence et la privatisation du réseau ferroviaire, en justifiant par un « sens de l'histoire » qui contraindrait le gouvernement à mettre en place les réformes qu'il s'apprête à passer de force.

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Alors qu’il feint de s’étonner de la réaction des cheminots et de la grève qui commence, Pancher défend la réforme de la SNCF et l’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire. D’un politique à l’autre, d’une réforme à l’autre, la logique rhétorique ne change pas : ceux qui luttent contre les réformes agitent des peurs infondées et n’ont pas bien compris que l’intérêt commun est du coté des décisions du gouvernement – autrement dit, il faudrait que nous calmions nos inquiétudes et que nous nous trouvions des pédagogues qui nous rassurent et nous expliquent où est notre intérêt. 

Les arguments de Pancher sont assez vaseux, mais trois choses sont assez remarquables pour qu’on les souligne

D’abord, l’argument massue de la dette, devenu maintenant célèbre par l’usage quasi-fétichiste qu’en fait le gouvernement pour opérer des coupes dans tous les budgets des services publics (hôpitaux, écoles). Ah, la dette... Fabriquée de toutes pièces par l’introduction du financement des États par les marchés financiers, elle s’avère bien pratique pour contraindre à accepter des budgets austéritaires et le désengagement de l’état vis à vis des services publics. Et elle a l’avantage d’en imposer, la dette, avec son caractère quantifiable, son parfum culpabilisateur, sa mise en scène édifiante : alors, quoi, dit Pancher, faut bien payer la dette d’une manière ou d’une autre – et on se prend à imaginer un dialogue improbable entre le député UDI et Dario Fo : bin, non, faut pas payer, la dette, elle ne nous concerne pas et on ne voit pas pourquoi on nous la ferait supporter. Passons donc sur l’argument massue qui n’assomme qu’à force d’être systématiquement ressorti – Pancher et ses collègues essaient de nous avoir à l’usure, avec la dette, mais nous sommes endurants. 

Ensuite, l’ouverture à la concurrence. La main invisible du marché semble s’être progressivement transformée en main magique, tant les bourgeois n’ont pas assez de mots pour décrire les bienfaits de « l’ouverture à la concurrence ». Pensez donc, la concurrence, en voilà un principe régulateur, voilà qui est moderne – belle cécité, puisque le marché est né avec la liberté du commerce, et le règne du tout marchand a été celui du premier capitalisme : c’est en imposant, par la lutte et par la grève, des droits pour les salariés qu’on a fait régresser la part de la marchandise dans les économies européennes. En fait de modernité, avec l’ouverture à la concurrence, Pancher se laisse aller à un lyrisme nostalgique : qu’il était beau, le capitalisme de nos grands-parents... 

Enfin, et c’est l’argument le plus beau parce que le plus vide, Pancher a finement compris que l’histoire est une tempête et qu’il faut se fier au sens du vent. L’histoire va quelque part, nous dit Pancher, et il s’agirait de suivre le mouvement pour ne pas rester « dans le tunnel ». Entre le « bon sens » de Macron et le « sens de l’histoire » de Pancher, on se dit au moins qu’il y a une direction et qu’on a même des guides sérieux. Passons sur l’absence totale de sens historique que révèle cette expression, puisque l’histoire ne décide de rien par avance et qu’elle va où les luttes la mènent, quoi qu’en disent les gouvernements. Mais on peut remarquer une chose qui, là, mérite qu’on s’y arrête : c’en est fait, de la « fin de l’histoire », apparemment. Simple abandon d’un motif difficile à assumer ou changement de discours ? En tout cas, puisqu’on nous tend l’histoire comme argument, il n’y a aucune raison de refuser de s’en saisir, par la lutte et l’affrontement avec le gouvernement, jusqu’à imposer nos choix, nos vies, notre histoire. 


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