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Réduire, subordonner, s’allier ou articuler ?

De Barbès à Bastille, la Marche pour la dignité et contre le racisme

Jean-Patrick Clech Entre Barbès et Bastille, la manifestation de samedi « pour la dignité et contre le racisme » a rassemblé largement, avec un franc succès, à l’arrivée, pour le concert. Dix ans après la révolte de 2005 et l’assassinat de Zyed et Bouna, alors que les crimes et les violences de la police se poursuivent, il s’agissait de la seule mobilisation d’envergure nationale pour dire qu’on en a assez. Une façon de souligner que le silence qui a entouré la révolte des banlieues et la militarisation des quartiers par la proclamation de l’état d’urgence se poursuit dans une bonne partie de la gauche politique et syndicale. Une indication, également, du chemin qui reste à parcourir pour reconstruire un puissant mouvement contre tous les racismes et pour l’émancipation sociale.

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L’appel à manifester de Solidaires, la présence de la CGT75, du NPA, d’Ensemble et de la JC montraient combien la ligne de fracture au sein de la gauche radicale et de l’extrême gauche autour des questions de république, laïcité et voile, en dernière instance, épaissit davantage encore les difficultés à ce que les organisation du mouvement ouvrier embrassent et reprennent dans le combat l’ensemble des questions d’oppression spécifiques dont souffrent les populations racisées et des quartiers en France.

Faut-il en conclure, à partir de ces défaillances et faillites, comme le font certains, à l’instar de la sociologue Nacira Guénif, membre fondatrice du MAFED, qu’il faille « faire une déclaration d’indépendance par rapport aux organisations de gauche et aux syndicats qui ont parlé en notre nom et confondu alliance et subordination » ?
Les lutte contre les oppressions spécifiques et contre les oppressions spécifiquement déclinées par une république française vertébrée par ses anciennes pratiques coloniales de maintien de l’ordre, les luttes contre les violences policières, dont toute une frange de la population travailleuse et des couches populaires font plus spécifiquement l’objet, ne sauraient être subsumées dans une espèce d’essentialisme ouvriériste qui, par nature, aurait la vertu de changer (mais plus tard) cette situation, en ne posant (pour aujourd’hui) que de simples bagarres économiques. Et c’est bien ici que le bât blesse, dans la mesure où une partie des courants qui se réclament de la lutte des classes et de la révolution sont incapables ou ne veulent pas répondre à toutes les formes d’oppression (racisme, sexisme, homophobie), empêchant de ce fait de poser la question d’un mouvement ouvrier capable d’être à la hauteur de sa tâche dans la société de classe.

Mais ces luttes spécifiques, à elles seules, ne sauraient trouver un débouché politique conséquemment anti-système sans s’articuler (à savoir ni s’allier, ni se subordonner) autour d’une dynamique de classe plus large, c’est-à-dire en se liant à celles et ceux qui, de par leur localisation dans les principaux centres de production, distribution et circulation du capital sont en capacité de le paralyser et de battre en brèche l’Etat bourgeois. A moins, là encore, de finir par être instrumentalisées par ceux qui se veulent ou se proclament les uniques et authentiques porte-voix, porte-parole, porte-drapeaux légitimés de tel ou tel combat, auprès des autorités telles qu’elles existent ou telle qu’elles pourraient être réformées. C’est la trajectoire qu’a suivie, au cours des décennies, le puissant mouvement afro-américain aux Etats-Unis. Le mouvement #Blancklivesmatter et les violences quotidiennes contre les minorités sont là pour rappeler ce que cette involution a de tragiquement catastrophique.

Il n’en reste pas moins que parmi celles et ceux qui ont défilé samedi, ces milliers de femmes, de jeunes, de militants, toutes et tous représentatifs de notre classe telle qu’elle existe, dans sa diversité d’origines, de vécus et de statuts, il y a les ferments de ce qui pourrait contribuer à une dynamique de reprise de l’initiative et de la combativité de notre camp et de notre classe contre les renoncements, les complicités voire la collaboration dans les plans sociaux, le pseudo-dialogue social, la casse des statuts et des services publics et la criminalisation des mouvements sociaux.

Les travailleur-se-s d’Air France d’Ile-de-France, de Roissy et d’Orly, celles et ceux qui ont montré que le monde du travail n’a pas l’intention de se laisser faire, sont assez représentatifs de cette diversité. Face à eux, d’ailleurs, le pouvoir de l’entreprise et du gouvernement, majoritairement « blanc » malgré ses ministres, ministrables et communicants « racisés », entend montrer ce que risquent celles et ceux qui se révoltent contre les diktats de ce système. Le 2 décembre, aux côtés des 5 d’Air France, ce serait aussi l’occasion de construire ensemble une étape ultérieure de ce mouvement pour la dignité, contre le racisme, contre les violences, policières et patronales. Sans subordination ni alliance, mais avec la conviction que la reprise de la perspective du « toutes et tous ensemble » est la seule façon de commencer à créer les conditions pour en finir avec l’état existant de nos vies exploitées, opprimées et piétinées.


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