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En bande organisée

Débunkage. Pourquoi l’accord signé entre les syndicats traîtres et Total est une arnaque pour les salariés

Alors que les raffineurs en grève exigent 10% d’augmentation sur leurs salaires de 2022, la direction de Total a répondu vendredi 14 octobre, en accord avec la CFDT et CFE-CGC, par une augmentation de seulement 5% pour 2023 et une prime d’un mois de salaire. Dans un régime de forte inflation, le résultat de ces négociations permet à Total de rogner largement, et pour longtemps, sur les salaires réels des travailleurs.

Louis McKinson

26 octobre 2022

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Photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Des miettes ? Même pas, des pertes ! Voilà ce que réserve à la majorité des travailleurs l’accord signé par la direction de Total et les syndicats jaunes qui n’appelaient pas à la grève (CFDT et CFE-CGC) la semaine dernière.

Agité toute la semaine pour légitimer la répression du mouvement et y mettre un terme, cet accord a en fait toutes les raisons de faire que la colère des travailleurs persiste. Alors que les grévistes exigent 10% d’augmentation sur leurs salaires de 2022 (7% pour compenser l’inflation et 3% au nom des bénéfices réalisés), l’accord ne prévoit qu’une prime d’un mois de salaire au titre des bénéfices du groupe et une augmentation de 5% à partir de novembre et pour l’année prochaine.

Pour rappel, les revendications des grévistes émergent dans un contexte particulier de reprise pour le groupe : bénéfices exceptionnels (19 milliards au premier semestre, plus du double de son bénéfice au même semestre en 2021), explosion des revenus des dirigeants (a l’instar de celui du PDG Patrick Pouyanné qui s’est auto-augmenté de 52%, son salaire passant de 3,9 à 5,9 millions d’euros) et distribution de dividendes exceptionnels aux actionnaires (6% de plus qu’à l’accoutumé, pour un total de 2,62 milliards d’euros).

Or dans le même temps, les travailleurs n’ont jamais eu la moindre part du gâteau, tout au contraire : ceux qui sont à l’origine des profits du groupe, le sont d’autant qu’ils ont été sous-payés et que chaque mois leur salaire réel s’est fait ronger par l’inflation. C’est donc sous le signe de la surexploitation que la direction de Total allait clore le chapitre 2022 et que, avec l’aide des syndicats traîtres, elle compte plus que jamais l’entériner.

Côté « partage de la valeur » d’abord, l’accord signé n’accorde pas du salaire aux travailleurs mais une prime. Cette prime exceptionnelle est d’un mois de salaire, a pour plancher 3000 euros (pour ceux qui gagnent moins de 3000 euros par mois) et plafond 6000 euros. Ce cadeau de fin d’année est ridicule par rapport aux bénéfices du groupe et même par rapport aux dividendes versés aux actionnaires : 2,62 milliards de dividendes pour 2022, cela représente 25 800 euros par salarié.

Côté salaire ensuite, il faut tout d’abord comprendre que l’accord est relatif à la négociation obligatoire sur les salaires de 2023. Si la presse bourgeoise a claironné sur la bonne volonté de la direction dans l’avancement des négociations, en fait, la direction de Total à fait de nécessité vertu car les revalorisations pour 2023 sont obligatoires et n’ont jamais été l’objet des revendications des grévistes.

Certes, les revalorisations de 5% (avec un plancher minimum de 2000 euros annuel) prennent effet en novembre, mais cela ne compense en rien les pertes de salaires réels dues à l’inflation.

Par exemple, pour un opérateur qui gagne 2500 euros au début de l’année 2022, il gagne avec l’accord deux fois 145 euros bruts pour novembre et décembre, soit 290 euros. Son salaire annuel étant de 34 425 euros, cette somme représente une augmentation de 0,85% d’augmentation sur l’année. Avec une inflation qui court en moyenne à 5,8% toute l’année, le salaire réel de ce travailleur, avec cet accord, baisse de 5% en 2022.

Qui plus est, parce que l’augmentation obtenue court jusqu’en décembre 2023, elle exclut également une compensation qui soit à la hauteur de l’inflation de 2023. En effet, dans un régime de forte inflation à prévoir pour 2023, l’augmentation salariale de 5%, même avec un plancher de 2000 euros annuel, permettra seulement aux plus mal payés, aux jeunes ouvriers, de passer la tête au-dessus de l’inflation, mais la majorité des travailleurs verra son salaire réel diminuer à coup sûr.

Cet accord pour 2023 n’est donc pas seulement une diversion par rapport aux revendications des grévistes, il remet un jeton dans la machine contre laquelle se sont insurgés les grévistes cette année ! C’est précisément contre cette mascarade toujours recommençante qui promet de faire payer l’inflation aux travailleurs pendant de longs mois, sans même qu’à la fin de l’année on ne les indemnise, que les raffineurs se sont mis en grève.

Au final, cet accord de coquins fait sur le dos des grévistes n’a aucune raison d’éteindre durablement les braises de la colère, c’est même tout le contraire. De fait, la poursuite du mouvement jusqu’au 27 octobre dans la raffinerie de Normandie témoigne d’un moral et d’une détermination qui n’a pas dit son dernier mot.

Ici comme ailleurs, il faut que les salaires suivent, complètement, automatiquement, chaque mois, l’inflation. Les contrats collectifs doivent assurer l’augmentation automatique des salaires, en fonction de la hausse des prix des articles de consommation. Ce n’est pas à nous de payer leur crise pendant qu’ils, les capitalistes, s’engraissent des plus monstrueuses exploitations industrielles et militaires.

La lutte de raffineurs et sa contagiosité pour l’ensemble de la classe ouvrière nous montre encore la marche à suivre pour imposer cette indexation de tous les salaires, bourses et minimas sociaux sur l’inflation. Loin des dates sans lendemain, le mouvement de lutte lancé par les raffineurs ne demande qu’un véritable plan de bataille, en rupture avec la bourgeoisie et ses laquais syndicaux, pour reprendre de manière décisive son bras de fer pour les salaires.


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