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Aéronautique

Derichebourg Aero : annoncées comme temporaires, les baisses de salaires seront définitives

Augmentation de la charge de travail et des cadences, pertes d’acquis sociaux, baisse de salaire, dégradation des conditions de travail… contre les voix rassurantes venant du gouvernement, la direction et les délégués de FO, les conséquences de l’APC chez Derichebourg seront définitives.

Pepe Balanyà

28 décembre 2020

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L’Accord de Performance Collective (APC) imposé ce juin aux salariés de Derichebourg Aeronautics Services a eu un écho médiatique à niveau nationale. Pour le patronat de l’aéronautique, celui-ci avait été un premier test des attaques contre les travailleurs qui allaient ensuite se multiplier. Pour les salariés du secteur, la courte grève chez Derichebourg, a été une première expérience riche en enseignements et la première pierre sur laquelle s’est mis en place le Collectif des Salariés de l’Aéro se battant pour 0 suppressions d’emploi, 0 baisses de salaire et la coordination des luttes.

Aujourd’hui, bien qu’il n’y ait pas de mobilisation, le cas de Derichebourg continue à avoir une valeur pour l’ensemble des salariés du secteur : après 6 mois d’APC les positions des salariés qui avaient été mobilisés en juin se confirment et les mensonges entretenues par le gouvernement, la direction et les délègues syndicaux FO se dévoilent.

Ce vendredi 18 décembre, l’UNSA SNMSAC Aérien, le syndicat qui avait refusé l’APC et qui avait été à côté des salariés non syndiqués lors de la grève, publiait un communiqué avec la dernière discussion du CSE dévoilant la stratégie de la direction et l’ensemble de mensonges rassurants qui avaient accompagné l’APC.

Pertes de salaire définitives et précarisation du travail

A l’époque, dans la volonté d’enfermer la colère des salariés dans le cadre du « dialogue sociale », la direction avait proposé aux salariés, comme d’habitude, un faux choix toujours favorable aux intérêts du patronat : un PSE immédiat concernant 700 emplois ou un APC permettant de reporter le PSE et de diminuer le nombre d’emplois concernés. La manœuvre (faire un annonce choc et ensuite faire semblant de faire quelques concessions) a fait ensuite école. Elle donne des gages au « syndicat maison » et permet de louer les bienfaits du « dialogue social » tel qu’il a fait Macron en saluant l’exemplarité de l’APC chez Derichebourg qui était vendu comme une mesure temporaire permettant de sauver les emplois.

Contre cet avis rassurant, la majorité des salariés avait déjà dénoncé en juin l’APC comme un chantage à l’emploi qui allait se traduire par des licenciements, et qui, contre les promesses de la direction, allait se pérenniser. Les prévisions des salariés ce sont confirmé rapidement. En aout, sous la pression de la perte de salaire (allant jusqu’à 350 euros par mois) 163 salariés (le 10% de la boite !) ont dû refuser l’APC et se sont fait licencier. Aujourd’hui comme prévu par les salariés mobilisés en juin, ces licenciements se traduisent par une forte augmentation de la charge et des cadences de travail et l’APC devient une mesure definitive.

Comme l’expliquait l’UNSA SNMSAC Aérien : « A la question d’un retour à la normale de nos salaires au vu du bon prévisionnel annoncé par Airbus, Mr Lannette [PDG de l’entreprise] a éludé la question ce qui confirme nos dires d’il y a quelques mois, alors que l’on nous accusait de pessimisme, ces baisses de salaires seront définitives car aucun retour à la normale n’a été évoqué dans son discours. »

Cette pérennisation de la baisse des salaires et la perte d’acquis sociaux via l’APC ne va pas tout seule, mais avec une stratégie de précarisation du travail qui s’inscrit aussi dans la durée : « il a un autre message à faire passer, qui traduit encore une fois le virage qu’a pris notre entreprise dans la gestion de la « ressource humaine » : Il veut retrouver de la flexibilité, comprenez précarisation des salariés avec le recours à l’intérim et au CDD. Notre direction veut gagner sur tous les tableaux, APC : perte d’acquis sociaux, APLD : paiement des salaires par l’Etat et précarisation des salariés avec des contrats à la carte ». Et cela alors que chez Derichebourg il y a eu un manque « de personnel sur plusieurs chantiers. Airbus n’a pas enregistré d’annulation de commande mais plutôt un lissage dans le temps avec même du surbooking (traduction : vendre plus d’avions qu’il est possible de produire) ».

Ce virage avoué de la direction de Derichebourg confirme aussi l’avis des salariés du sous-traitant aéro AAA. Dans un article récent Arnaud Robin délégué syndical CFDT AAA expliquait que « la direction cherche à se débarrasser des gros salaires et laisser ceux qui lui coûtent beaucoup moins cher. Il ne serait pas étonnant qu’une fois le PSE passé la direction embauche plus tard des intérimaires pour faire le même travail moins cher »

En effet si en juin le cas des Derichebourg annonçait les attaques qui allaient se multiplier sur l’ensemble du secteur, le plan dans la durée qui avoue aujourd’hui la direction de cette entreprise semble dévoiler ce qui se cache derrière tous les attaques patronaux : les APC ou les PSE ne sont pas seulement une réponse ponctuelle à la crise, mais aussi la base permettant au patronat, dans un scenario de reprise partielle, de concurrencer plus efficacement dans le marché sous tension. Contre toute logique rassurant et pariant sur le bond économique à venir, les sacrifices que le patronat impose aujourd’hui aux salariés, seront aussi nécessaires demain en cas de reprise : ceux qui partent vont devoir faire face à la difficulté de retrouver un travail en plein crise mais ceux qui restent, à la dégradation sans marche arrière des conditions de travail via l’augmentation de cadences, la perte d’acquis sociaux et la baisse de salaire.

Contre toute illusion de récupérer les conditions de travail perdues de la main du patronat ou comme conséquence d’une reprise économique prochaine, l’UNSA SNMSAC aérien expliquait : « Si on y réfléchit un peu, il y a une opportunité pour nous faire entendre à moins que vous souhaitiez continuer à baisser la tête en attendant des jours meilleurs... ».

La mise en lumière des mensonges et du plan de la direction réactualisent au même temps les enseignement de la lutte des salariés de Derichebourg pour faire face aux attaques patronaux : l’importance de refuser de « négocier le poids des chaines », de l’unité entre les travailleurs syndiqués et non-syndiqués, de construire des assemblés de salariés où décider des suites de la mobilisation, de lutter par la grève et de se coordonner avec les autres boites pour lutter pour 0 baisse de salaire et 0 suppressions d’emploi.


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