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Etats-Unis - Corée du Nord

Derrière les JO, le spectre d’une crise géopolitique dans la péninsule coréenne.

Ce vendredi étaient inaugurés les Jeux olympiques d’hiver en Corée du Sud. Dans les coulisses du théâtre sportif, c’est bel et bien le risque d’une crise géopolitique dans la péninsule coréenne et d’une guerre conventionnelle -voire nucléaire- qui s’y joue.

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La poignée de main entre le président sud-coréen Moon Jae-in et Kim Yo-Jong, sœur de Kim Jong-un, constitue un moment historique.

Le 9 Février dernier s’ouvraient les Jeux olympiques d’hiver dans le district de Pyeongchang, en Corée du Sud. Au-delà de l’attrait pour la compétition sportive, c’est bien des jeux politiques qui s’y mènent dans les coulisses et qui attirent, pour l’instant, une grande partie de l’attention internationale. En effet, l’un des sports favoris des analystes depuis ces derniers mois a été de mesurer le pourcentage de risque d’une guerre, conventionnelle ou nucléaire, dans la péninsule coréenne, dans laquelle serait impliqués, ni plus ni moins, les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

Le gouvernement de Trump mène une bataille afin de faire monter la pression sur le régime nord-coréen de Kim Jong-un, qui a démontré au cours de l’année précédente des avancées significatives dans le développement de son armement nucléaire. Jusqu’à maintenant, la stratégie qui consistait à faire pression sur la Chine pour qu’elle discipline son allié nord-coréen s’est révélée inefficace. L’administration de Trump se trouve dans le dilemme d’une attaque militaire contre la Corée du Nord, mais avec peu de certitude sur les coûts et la réussite de celle-ci, ce qui paralyse pour l’heure leur action, mais qui n’empêche pas la multiplication des menaces verbales cumulées à un arsenal militaire croissant et un durcissement des sanctions économiques.

« Une fois de plus, la fragilité du leadership américain s’est vue démasquer par son incapacité à empêcher la Corée du Sud, l’un de ses alliés dans la région, de mener sa propre politique vis-à-vis du Nord »

La délégation des deux équipes coréennes unifiées au moment de leur défilé

Dès lors, la politique de détente que mène le président sud-coréen Moon Jae-in avec le Nord se montre contraire aux intérêts de Washington. Une fois de plus, la fragilité du leadership américain s’est vue démasquée par son incapacité à empêcher la Corée du Sud, l’un de ses alliés dans la région, de mener sa propre politique vis-à-vis du Nord. Les deux Corée ont en effet fait le choix de s’afficher sous le même drapeau de l’unification pour ces jeux, bien que le spectacle soit évidemment surjoué. Les deux pays présentent des équipes communes dans certaines disciplines comme au hockey sur glace féminin. Une occasion que Kim Jong-un a su saisir afin de protéger le soft-power -même faible- du régime autoritaire et militariste qu’il préside.

Il a également déployé 230 cheerleaders pour accompagner ses athlètes, minutieusement sélectionnées via un casting de beauté entre les étudiantes des secteurs les plus proches de la bureaucratie. Cela dit, ce n’est pas la première fois que le régime nord-coréen utilise la « diplomatie du sourire », preuve du sexisme d’Etat. Par-delà ces faits, le plus significatif est le haut niveau de la délégation officielle de la Corée duNord qui inclue Kim Yo-jung, la très influente sœur du président, et qui fait partie du bureau politique, un des plus hauts organes de l’Etat. C’est la première fois qu’un membre de la famille à la tête du régime depuis 3 générations traverse la frontière blindée vers le Sud.

Que se joue-t-il réellement dans ces olympiades géopolitiques ?

Les Etats-Unis ont envoyé leur vice-président Mike Pence en représentation. Afin d’afficher leur désaccord avec la politique de dégel menée par la Corée du Sud, ce dernier a voyagé accompagné du père d’Otto Warmbier, un étudiant américain qui avait été capturé pendant un voyage en Corée du Nord et détenu dans un camp de travail forcé, accusé d’espionnage. Il était mort peu après son arrivée dans le coma aux Etats-Unis. C’est un personnage qui avait déjà été mentionné par Trump dans son discours sur l’état de l’Union.

Le vice-président des E.U, Mike Pence, à quelques mètres de la sœur du leader coréen.

Avant son arrivée à Séoul, Mike Pence avait fait une escale par le Japon où il avait annoncé une future série de dures sanctions économiques contre la Corée du Nord, réaffirmant que la politique américaine souhaitait poursuivre l’isolement du régime nord-coréen, et ce donc en opposition ouverte avec celle du rapprochement opéré par Moon Jae-in.

Les objectifs de la Corée du Nord sont quant à eux assez clairs. Entre autres, affaiblir le front d’alliés américains dans la région et rompre avec l’isolement international, ainsi que les sanctions menées contre elle. De plus, l’enjeu pour la Corée du Nord est également d’améliorer son image très négative à l’internationale, construite par le discours de diabolisation de l’Occident. Sa stratégie est d’être reconnue de fait comme un état nucléaire et sortir du rôle de paria que lui ont assigné les Etats-Unis.

« La politique "pacifiste" des deux Corée bénéficie à la Chine comme à la Russie, car elle met en lumière l’agressivité de l’impérialisme américain »

La Chine quant à elle laisse couler. Cela fait longtemps que son alliance avec la Corée du Nord ne lui est plus fonctionnelle, bien qu’elle lui serve toujours de tampon pour barrer la route à son ennemi nord-américain dans la région. La politique « pacifiste » des deux Corées bénéficie à la Chine comme à la Russie, car elle met en lumière l’agressivité de l’impérialisme américain. En plus de cela, l’exposition de la fragilité des Etats-Unis leur convient pleinement, dans le cas présent à travers son incapacité à contrôler l’action relativement indépendante de la Corée du Sud, même si celle-ci ne doit durer que le temps des jeux.

« Quand la torche olympique s’éteindra, la péninsule coréenne redeviendra l’un des endroits les plus dangereux de la planète »

Le mauvais rôle est joué par la Corée du Sud, qui doit trouver l’équilibre entre les stratégies contradictoires des grandes puissances et son voisin du Nord. C’est un allié des Etats-Unis qui détient une importante réserve d’armements et de militaires. Chacun des deux réalise des exercices militaires à proximité de la frontière avec la Corée du Nord, tout en cherchant à améliorer leurs relations commerciales et politiques avec la Chine. Avec l’arrivée au pouvoir de Moon Jae-in, de centre-gauche, le gouvernement sud-coréen alterne entre une politique de rapprochement avec le Nord et la politique guerrière des Etats-Unis.

En cas d’un quelconque scénario d’affrontement militaire, la Corée du Sud serait le champ de bataille et consisterait en une cible facile pour les missiles du Nord pointés contre Séoul. C’est à dire que si Trump devait finalement opter pour assigner un coup au régime de Kim Jung-un, à travers une attaque militaire furtive, les victimes du camp occidental pèseraient sur la Corée du Sud, d’où sa volonté de vouloir détendre les relations. Le dilemme de la Maison Blanche est quant à lui de choisir entre différentes options risquées, qui incluent également celle de ne rien faire.

C’est pourquoi, quand la torche olympique s’éteindra, la péninsule coréenne redeviendra l’un des endroits les plus dangereux de la planète, où la probabilité d’un accident géopolitique est sans doute des plus élevées sur le globe.


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Claudia Cinatti

Dirigeante du Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) d’Argentine, membre du comité de rédaction de la revue Estrategia internacional, écrit également pour les rubriques internationales de La Izquierda Diario et Ideas de Izquierda.

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