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Islamophobie

Derrière les discours de pompier pyromane, Macron est le meilleur tremplin au RN

En tournée dans les colonies françaises, Emmanuel Macron a effectué un nouveau recadrage sur les questions du voile et de l’immigration. Une posture hypocrite et facile pour celui qui avait lancé la déferlante islamophobe après l’attaque à la préfecture de police. Et un objectif : mettre en scène l’affrontement avec le Rassemblement National dans le cadre des élections municipales.

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« Le voile dans l’espace public, ce n’est pas mon affaire » : voilà en substance ce qu’a déclaré Emmanuel Macron lors d’une interview donnée à BFM-TV en marge de son déplacement à Mayotte. Une manière de tenter de recadrer et de se mettre au-dessus du débat nauséabond qui avait agité la classe politique dominante depuis plusieurs jours. L’affaire avait commencé avec l’agression d’une femme voilée par un élu RN et va continuer avec l’examen mardi prochain au Sénat d’un texte de la droite proposant d’interdire aux femmes voilées l’accompagnement des sorties scolaires.

Macron a beau chercher à apparaître au-dessus de la mêlée, c’est lui qui a initié la séquence de déchainement islamophobe qui occupe l’actualité médiatique et politique. Après l’attaque meurtrière à la préfecture de la police de Paris, il avait amorcé un discours de vigilance contre « l’hydre islamiste », surfant sur les thèmes de l’extrême-droite et une batterie de mesures qui a ouvert les portes au déchainement islamophobe. Cette offensive a polarisé jusque dans son propre camp, avec une polarisation entre un ministre de l’éducation qui déclarait que le voile « n’est pas souhaitable dans la société », vivement critiqué par Aurélien Tâché, député LREM, qui s’est depuis excusé auprès de Blanquer. Il devenait dans ce contexte urgent pour Macron de reprendre les rênes du débat.

Mais cet apparent revirement n’a cependant rien de conjoncturel : il est inscrit dans le cœur des contradictions de la stratégie politique d’Emmanuel Macron. En prévision des présidentielles, profondément affaibli par le mouvement des Gilets Jaunes et inquiet de la situation sur le terrain de la lutte des classes, celui-ci cherche à reconstruire un socle électoral qui lui permette d’affronter la seconde partie du quinquennat. Les hostilités ont commencé le 10 septembre, à Bonneuil-sur-Marne, quand Macron a relancé le débat sur l’immigration, jugeant qu’une petite dose supplémentaire de xénophobie permettrait de récupérer une partie des classes populaires. Cette posture est également cohérente avec la volonté d’incarner le parti de l’ordre réactionnaire républicain qui avait séduit une partie de l’électorat de droite durant le mouvement des Gilets jaunes. Dans le même temps, Macron cherche à ne pas perdre son électorat sur la gauche qui avait pu être séduit par son discours du soi-disant vernis « progressiste » qu’il avait arboré durant la campagne présidentielle. Un numéro d’équilibriste qui explique aussi les revirements brusques.

Surtout, à travers ces hésitations, c’est la perspective d’un affrontement avec le Rassemblement National que Macron cherche à construire, sur lequel il avait construit son succès en 2017. Il sait que c’est sa meilleure chance d’être réélu, tant que le RN ne parvient pas à percer le plafond de verre. C’est pourquoi, pendant que Macron réactive les thématiques de l’extrême droite, il cherche dans le même temps à reconstruire une posture de front républicain. La République xénophobe et islamophobe, certes, mais qui mime l’affrontement avec l’extrême-droite. Une stratégie politique qui est le meilleur tremplin pour le RN, d’ores et déjà désigné comme le meilleur adversaire de Macron. « Vous n’avez qu’un opposant sur le terrain : c’est le Front national. Il faut confirmer cette opposition, car ce sont les Français qui l’ont choisie. » avait ainsi déclaré Macron le 16 septembre dernier devant sa majorité.

C’est dans ce contexte que le mouvement présidentiel a clarifié sa ligne dans le cadre des municipales, annonçant notamment que « dans une logique de responsabilité, [ils allaient] procéder dans plusieurs endroits à un désistement républicain avant le premier tour, sans aucun préalable, pour faire barrage à l’extrême droite », confirmait ainsi Pierre Person, député LREM de Paris, ces derniers jours. Une manière de faire d’une pierre, deux coups : préparer et justifier la défaite probable de LREM aux municipales, qui n’a pas le réseau nécessaire pour faire un résultat dans une élection où les figures locales ont une grande importance ; mais surtout se poser comme le meilleur « rempart » face au RN.

Mais les calculs politiciens de Macron pourraient bien être perturbés par la séquence de lutte des classes à venir. Interrogé par BFM-TV sur le 5 décembre et le droit de retrait à la SNCF, celui-ci s’est en revanche montré beaucoup moins bavard. Il faut dire que sur le dossier de la réforme des retraites, le gouvernement est inquiet – et à raison, alors que se cristallisent les colères qui pourrait prendre la forme d’une entrée en scène de la classe ouvrière et de la grève à partir du 5 décembre. Une séquence qui pourrait bien finir par affaiblir encore davantage Macron voire le faire définitivement chuter si un mouvement interprofessionnel reconductible et contrôlé à la base se met en place. Ce serait le meilleur moyen d’empêcher la perspective d’une réédition d’un second tour LREM-RN dont les travailleurs et les classes populaires auraient tout à perdre et rien à gagner.


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